Ce dimanche 23 avril nous avons fini par légaliser la haine.

MP.
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4 min readApr 25, 2017

Dimanche, à l’annonce des résultats du premier tour, tout s’est effondré.

Ce n’était plus les titres racoleurs de BFM ou les unes immondes de Valeurs Actuelles desquelles j’avais pris l’habitude de détourner le regard.

C’était les gens.

Image personnelle, non libre de droit.

Les gens juste là en bas de chez moi qui amènent leurs enfants à l’école, ceux avec qui je fais la queue au supermarché ou ceux qui courent après la ligne 13 avec moi chaque matin. Je sentais depuis plusieurs mois que l’on était tous en colère. J’espérais qu’il s’agisse de la même.

Seulement dimanche, j’ai mis des chiffres sur une sensation. 7 millions de ces gens dont je croise chaque jour le chemin m’hurlaient que leur colère n’était pas la mienne. Ils me criaient qu’ils n’étaient pas comme moi. Ils me regardaient droit dans les yeux en me disant (entre autres) que tout ce qui est différent est dangereux. Qu’il fallait rétablir les frontières entre la France et l’étranger. Entre le Français et l’étranger.

Tout comme en 2002 me direz-vous.
Non. Parce que dimanche ils étaient 2,8 millions de plus.
Non. Parce que dimanche je n’avais plus 15 ans mais 29.

Alors, les analystes érudits vous diront que c’est l’échec du système politique, la fin des partis, mais je vous avoue dimanche je n’y ai vu que la fin de l’humanisme. La fin de la fraternité. La fin de l’amour.

On avait légalisé la haine.

D’ailleurs, c’était tellement devenu légal d’éprouver de la haine que l’indignation individuelle fût presque anecdotique.

Je ne parle pas de l’indignation politique. Je pense qu’à l’heure où tous nous nous prétendons anti-système, c’est un comble d’attendre des consignes de vote. Même si je vous accorde qu’être biberonné à l’avis médiatique pendant six mois et se retrouver livré à soi-même du jour au lendemain ce ne peut être que destabilisant.

Non, je parle bel et bien d’indignation individuelle. Dimanche, on est (trop) souvent passé du selfie avec sa carte d’électeur (ou au snap dans l’isoloir) au partage de la nouvelle vidéo de chat rigolote. Je n’ai pas de rancoeur individuelle loin de là, mais je trouve encore une fois que le manque de réaction épidermique, ces silences assourdissants sont révélateurs d’un engagement de surface.

Le vote doit rester secret ? Oui ! Les opinions politiques sont personnelles ? Encore oui. Mais on est ici bien au delà des opinions politiques. On se parle ici de haine de l’autre. Et par extension d’éducation, de socialisation et de cohabitation. C’est un devoir pour nous tous, non pas d’appeler à voter Macron comme je l’ai entendu, mais de nous indigner. De réagir. De parler. D’échanger. De détruire ce schéma de pensée qui gangrène nos consciences.

Et ce à court, moyen et long terme.

Jusqu’à hier, j’avais décidé de ne pas voter au deuxième tour. Par dépit. Par tristesse. Parce que l’effondrement m’avait sonnée. Par envie de ne plus appartenir à cette société.

Et puis il y a eu, entre autres, ce message de mon père qui réagissait à mon désengagement pour le second tour.

“Et pour les autres ?” .

Je crois qu’il avait tout dit en 4 mots. J’ai compris, que si elle était élue se serait pour moi un désenchantement mais pour d’autres un véritable cataclysme.

Loin du Frexit ou de la taxe sur les importations, il en allait de la survie de ces gens que je croise eux aussi tous les jours. Ces étrangers légaux malades qui devront attendre 2 ans avant de pouvoir bénéficier du système de santé et sécurité sociale français. Ces mères et pères de familles étrangers encore, venus en France pour donner un avenir à leurs enfants. Ceux qu’on croise dans le premier et le dernier métro qui travaillent à l’hôpital ou font les ménages dans les bureaux, qui ne seront plus compétitifs puisque leurs employeurs se verront appliquer une taxe de 10% sur leurs charges patronales. J’ai aussi pensé à ces mesures qui viseraient à “restaurer l’autorité”, là j’ai vu se démultiplier les Bouna, Zyed, Adama et autres Théo.

Alors, j’ai réalisé que le long terme c’était de continuer à s’aimer.
Que le court terme c’était de continuer à agir sur le terrain. En aidant, en donnant, en transmettant.
Et que le court terme serait, dimanche, de mettre un bulletin dans l’urne contre toi Marine.

Tu n’auras ni ma tristesse. Encore moins ma haine.

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MP.
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Parfois j’écris pour oublier, d’autres, pour me souvenir.