Dire au revoir à cette backpackeuse en moi

Après une année partie seule en sac à dos sur les îles du Pacifique, après l’Italie, les USA, le Canada, on dirait que je suis fatiguée de tous ces mouvements, de cette vie sans attache, pleine de valises, à la « roots ». La baroudeuse que je suis — ou que j’étais, je ne sais plus — a de nouvelles envies, de nouveaux rêves, de nouveaux désirs pour son avenir.

Marion Soeur Warain
Scribe
Published in
5 min readJul 7, 2017

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Fatiguée de voyager à l’arrache

Qui dit « backpacker » dit petit budget, auberges de jeunesse, bouffe pas chère, moyens rudimentaires et improvisés. Qui dit « backpacker » dit vie à l’arrache, douches, vaisselles, vêtements sales, dit vie en communauté, bruits, courtes nuits, inconfort. Dit fatigue.

Je suis fatiguée de devoir me tasser dans un coin de chambre pour essayer de prendre quelques affaires dans un sac à dos surchargé, de faire attention à ne pas allumer la lumière à 18h quand quelqu’un décide de rattraper sa nuit, de ne pas péter un câble quand un autre rentre à 4h du matin bourré et allume tout le dortoir en faisant un boucan pas possible.

Je suis fatiguée de cuisiner fréquemment la même chose dans des locaux sales, avec un kit à vaisselle incomplet. Fatiguée de me laver dans des douches où l’on peut à peine poser ses affaires qui ressortent donc mouillées, mes pieds qui font « floc-floc » dans les marres d’eau croupie.

Fatiguée d’arriver dans une auberge et ne connaître personne — ça m’a toujours un peu gênée au fond de moi — aujourd’hui ça me saoule. Les fêtards et habitués qui ont pris place dans les lieux communs en laissant peu d’espace aux nouveaux arrivants, qui partagent leur musique comme si c’était une boite de nuit, qui rient et parlent fort, m’agacent.

Qu’est-ce qui se passe ? Je vieillis ou je deviens conne ?

Avant je supportais, le jeu en valait la chandelle. Les paysages, la liberté, les rencontres. Avant c’était l’aventure ! Chaque épreuve, difficulté, désavantage ne faisait que rendre l’expérience plus enrichissante, les beaux moments encore plus satisfaisants. Dans tous les contextes et avec tous, j’ai toujours su tirer le meilleur de chaque instant, bon ou mauvais. Pour l’amour du voyage je supportais ce que je ne supporte plus aujourd’hui. J’ai simplement envie d’un peu plus de confort, de facilité, de tranquillité. Assez de galérer pour des choses aussi importantes et simples que se faire à manger, se doucher, et surtout dormir.

J’ai toujours envie de voyager, d’explorer, de contempler ce monde magnifique, mais d’une autre façon. Je préfère lâcher-prise sur la programmation, me laisser davantage porter par mon intuition pour choisir les destinations, les activités, les étapes, mais m’octroyer un peu plus de « luxe » sur les choses qui me semblent élémentaires.

La voyageuse en moi rêve d’un paysage que l’on appelle « maison »

Mes envies changent. J’ai osé : j’ai voyagé, seule ou accompagnée, longtemps. La parisienne est devenue baroudeuse, nomade, backpackeuse. Elle est tombée de haut, elle a appris et grandi. On dirait que j’ai voyagé assez longtemps avec cette aventurière aux moyens rudimentaires. Je l’ai explorée, je l’ai faite parler, je l’ai faite vivre. Elle était forte, rebelle, perchée, blessée aussi. Elle avait des choses à me dire, des choses à réparer.

On dirait qu’une autre femme nait en moi aujourd’hui, et je n’ai pas l’impression de me trahir pour autant. J’ai des rêves différents qui font danser mon corps vers d’autres horizons tout aussi inconnus, tout aussi effrayants que de partir seule voyager — voire davantage encore. Me réaliser professionnellement, développer et partager mes talents, m’épanouir au quotidien dans mon métier. M’installer et trouver un équilibre enrichissant dans ma vie de sédentaire, poser mes valises, construire, nourrir les liens en chair et en os, pas par skype interposés. Explorer la France et l’Europe que je connais si peu. Aimer, m’unir, trouver une sorte de liberté dans l’engagement, devenir maman.

Je ne me trahis pas parce que je veux une maison et des enfants.

Je vois, j’entends partout sur les groupes de backpackers que l’on oppose voyageurs et travailleurs. Deux camps. Ceux qui sont libres et les autres pris dans le système. A cet instant de ma vie, je suis à la lisière. Encore heureux que c’est bien plus subtil et complexe que ça ! Je ne renie pas mon nomadisme, mon côté hippie-révolutionnaire en quête de liberté et d’une façon de vivre différente, éloignée du capitalisme et du matérialisme. Je ne me trahis pas parce que je veux une maison et des enfants. Pourtant, dans les yeux de mes compagnons de route du monde entier, j’ai l’impression que je me range, que je passe de l’autre côté de la barrière. Est-ce que je ne peux pas garder mes valeurs, mes envies d’exploration, mes combats sociaux et écologiques, et mon audace et ma curiosité de voyageuse dans ma vie de tous les jours ? Est-ce que ça fait de moi une fille « plate » (comme disent les québécois — « ennuyeuse »), une vendue qui a perdu tout sens de l’aventure ?

Pour respecter l’âme du voyage, il faut aussi savoir s’arrêter avant d’en être dégoûtée.

J’ai vécu au gré du vent et de mes désirs d’« autre chose-ailleurs » pendant 3 ans maintenant. 3 années déracinée à planter des graines d’exotisme, d’inconnu, d’imprévu pour faire pousser en moi une femme différente. 3 années à fuir gentiment mon cadre, mon pays, mon éducation, pour me découvrir, me trouver, m’inspirer. J’ai été nourrie de l’intérieur par tellement d’instants, de couleurs, de rencontres, gravés à jamais en moi. Je les revois, je les revis comme si j’y étais lorsque je ferme les yeux.

J’ai été choyée, privilégiée, mes plus beaux rêves ont été exaucés, du plus fou au plus inattendu. Ma vie est merveilleuse, je ne regrette rien, je la remercie souvent.

Pourtant aujourd’hui, mes racines crient famine, elles flottent dans l’air depuis trop longtemps. Elles manquent d’eau et de terre. Plus que tout au monde elles désirent être plantées et l’arbre souhaite grandir, porter ses fruits, donner de la substance, du sucre et de l’oxygène autour. Une voyageuse sait aussi détecter la fin d’un voyage. C’est la fin du mien, de ces trois années à vagabonder, pour retourner fière et plus qu’heureuse sur ma terre, dans mon pays, auprès des miens. Je quitte le Québec pour rentrer en France.

Un autre voyage commence, tout aussi fascinant, challengeant, riche et effrayant… Le retour à la maison.

Marion Soeur-Warain, hypnothérapeute, coach et auteure.

Je vous accompagne à contacter et libérer vos ressources inconscientes, en pleine conscience.

Livre: “ Les routes de la liberté

Prochains ateliers Intuitive Dance, renouer avec l’intelligence du corps, vos ressources inconscientes :

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Marion Soeur Warain
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Auteure, thérapeute hypnose humaniste et danse intuitive, globe-trotter, humaine passionnée ! http://marionsw-devenir.com