Écrire ou la recherche de la liberté

Marie M
Scribe
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6 min readJan 12, 2019

Pour écrire, j’ai besoin de temps, d’espace, j’ai besoin d’avoir l’esprit libre. Toutes contraintes devraient alors disparaitre pour permettre à mes doigts de filer sur le clavier, capable de créer des phrases, des idées, peaufiner un article…

Si la liberté n’existe pas alors la créativité se tarit et je me sens démunie face à une page blanche qui inlassablement le reste. Ainsi, j’attends, je laisse passer les heures, les jours, les mois, je me fais patiente et me trouve l’excuse de ne pouvoir vraiment écrire puisque mon esprit n’est pas libre de toutes contraintes.

Alors je vois le temps passer et sans m’en rendre vraiment compte les contraintes deviennent plus dures, je remets à plus tard, m’enfonce dans une incapacité à retrouver la fluidité. Je crois que plus tard tout sera possible, qu’il y aura de nouveaux lieux, il y aura le calme et la sérénité…

Cependant, finalement, le futur espéré ne peut véritablement se concrétiser si je n’accepte pas de le construire au présent. J’ai tant attendu qu’il m’est devenu impossible de faire face à moi-même, les idées se sont mélangées et j’ai perdu le sens même de ce que j’appréciais le plus : écrire.

Tout d’abord, il m’est véritablement difficile d’écrire si l’autre est à mes côtés. L’autre est alors une nouvelle excuse, une contrainte, une impossibilité de plus. Je sens sa présence, j’écoute les sons qui émanent de son corps, ses mouvements… Il est là et je ne suis plus. Son jugement silencieux, la culpabilité de ne rien faire de concret à ses yeux puisque de nos jours il est si nécessaire de l’être.

L’autre briserait donc ma liberté d’écrire.

Puis il y a le temps, un article, pour moi, c’est un premier jet ou rien. C’est une tentative qui se saisit et si elle est interrompue, elle perd de son essence, il m’est alors plus difficile d’aller au bout de ma penser. Je cumule les pages inachevées, les documents sans nom, les idées avortées.

L’absence de temps briserait donc ma liberté d’écrire.

Il y a aussi l’espace, me sentir apaisée dans un environnement. Le calme et le silence, la possibilité de laisser mes idées envahir les lieux sans contraintes ou obligations extérieures. Oublier le reste du monde pour me recentrer sur celui des mots.

L’absence de « lieu à soi » briserait donc ma liberté.

Et enfin la quiétude, cette espace-temps solitaire, la légèreté d’esprit, la possibilité de ne faire qu’un avec mes pensées puisque mon être est libéré de toutes contraintes émotionnelles. Avoir la possibilité intérieure de naviguer, me laisser porter par une houle positive. Etre en équilibre avec moi-même, avoir confiance et me sentir alors légitime d’écrire.

L’absence d’apaisement briserait donc ma liberté d’écrire.

Il existe inlassablement une excuse, une raison de reporter à plus tard ce qui m’importe tant. Je me limite, me censure, il y a l’autre, le manque de temps, d’espace et dans ma tête…

Je prends peur, me sens alors incapable, accablée de servitude face à ce qui m’entoure. Je perds pied, pense que je n’y arriverai jamais et abandonne dans l’espoir que plus tard, dans ce futur imaginaire, j’existerai à travers les mots. Tout n’est alors que « peut-être » et déceptions, efforts vains puisqu’il n’existe pas de réussite si on ne décide pas un jour de se donner pleinement.

L’écriture, comme toutes pratiques artistiques ou non, peut perdre de sa vitalité si elle est délaissée. Comment évoluer, apprendre, s’affirmer si on reporte à plus tard la possibilité d’agir. Je tombe alors des nus, ma façon d’écrire est une prison dans laquelle je me suis naïvement enfermée. J’ai imposé mes propres limites par peur de l’échec. J’ai moi-même inconsciemment refusé d’y croire et d’essayer vraiment. Il est parfois tellement plus facile d’abandonner.

Tout article ne mérite pas une publication, toutes les phrases ne trouvent pas leur fin mais si je n’essaye pas, si je ne persévère pas alors comment vraiment savoir, aller de l’avant et trouver les synonymes.

Être libre d’écrire, c’est alors peut-être s’affranchir. M’affranchir de l’autre, du temps, des lieux… m’affranchir de moi. C’est peut-être accepter qu’il n’existe aucune autre véritable liberté que celle que je m’accorderai. Si j’attends d’être libre alors peut être ne le serai-je jamais puisque la liberté est aussi ce concept à multiple variables. Elle oscille d’une personne à une autre, d’un temps à l’autre, d’un lieu à l’autre, parfois il suffit d’un instant d’inattention pour que la liberté s’envole.

Cet article, je l’ai commencé dans l’espoir de retrouver ma liberté d’écrire. Je l’ai interrompu, je n’avais pas l’esprit à ça. Je grappille les mots de ci, de là mais ne suis sûre de rien, pas vraiment satisfaite. Je cherche et tente de construire une idée, je tente de me retrouver, de retrouver la liberté d’écrire en brisant cette prison que je me suis imposée. Et déjà mon esprit s’évade, si loin, à la recherche d’une solution qui m’échappe, un espoir qui n’existe pas. Il ne reste plus que moi, face à ces phrases qui manquent de sens et cette continuité qui n’en est pas vraiment une.

Attendre de se retrouver pour tenter d’écrire ou faire face à la page qui restera à jamais blanche si on ne la commence pas. Faire le premier pas, oser, échouer mais essayer tout de même, accepter que la prochaine fois avec plus de persévérance ça marchera.

C’est peut-être ça retrouver la liberté d’écrire, c’est passer à l’action, réinventer un monde de mots et à travers cette idée retrouver non seulement la possibilité d’être à travers ce que j’aime mais aussi m’affranchir des limites que je me suis moi-même imposées.

La liberté ne semble pas être une évidence mais un état d’esprit que l’on tente d’atteindre à travers soi-même.

La liberté ce n’est peut-être pas le temps, l’espace… mais un regard sincère vers ce qui compte pour moi, ce que j’aime, ceux que j’aime, c’est peut-être un choix.

Dans ma vie, je suis une occidentale chanceuse sans véritables contraintes physiques ou matérielles. Je suis libre de penser, agir, être, voyager… et pourtant il est si facile de m’empêcher de vivre pleinement, de rejeter la faute sur des éléments autres, sur autrui, ce qui en réalité dépend aussi de moi.

C’est trouver alors un équilibre entre le monde extérieur, les obligations de vie commune, les contraintes et ce qui me permet d’être entière. Puisque que je ne maitrise pas ce qui m’entoure, puisque la liberté d’autrui quel qu’il soit sera toujours présente pour m’imposer des frontières, il m’est nécessaire d’apprendre à vivre, d’apprendre à écrire malgré ces limites qui resteront constantes.

Et si parfois, il me semble que je ne suis pas libre à cause de l’autre, c’est aussi parce que je n’ai pas réussi à trouver ma propre place, à créer l’espace nécessaire à l’écriture pas seulement concrètement mais aussi dans ma tête.

Je ne suis pas libre d’écrire tant qu’une part de moi n’acceptera pas de l’être, tant que je n’accepterai pas de voir que malheureusement le monde ne peut pas tourner que autour de moi.

Il est donc temps de faire un choix, de publier cet article malgré sa maladresse générale. Accepter que les mots se mélangent, que l’idée en tant que telle est si vaste que je m’y perds moi-même. Je ne suis pas fière de moi si ce n’est du fait que j’ai affronté cette page blanche et que la prochaine sera alors plus facile. Je n’attends pas de retour positif mais accepte l’échec puisque au moins j’aurai à nouveau osé.

À travers l’écriture, même défaillante, j’ai repris possession de ma liberté, j’ai brisé la cage dans laquelle je m’étais enfermée…

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Marie M
Scribe
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Entre écriture, lectures, voyages et réflexions.