Il m’arrive de courir nue dans la rue

Aurore Barron
Scribe
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4 min readAug 20, 2019

Ne vous est-il jamais arrivé de vouloir faire quelque chose d’un peu fou ? Voir totalement dingue. Une chose qui vous sorte de votre train-train quotidien, et qui vous ferait certainement du bien ? Une chose qui vous remette les idées en place, qui vous pousse un peu plus loin, qui vous brûle de l’intérieur, qui vous apporte la sensation d’être pleinement en accord avec vous-même. Ne vous est-il jamais arriver de vouloir sauter à pied joint dans l’inconnu ?

C’est alors que vous sentez la peur. Vous la connaissez ? La peur. de souffrir. de mourir. d’être ridicule. d’être seul une fois vieux. d’être blessé. d’être trahi. d’être démuni. de tomber malade. d’être incompris. d’être manipulé. de ne pas être aimé. de ne pas aimer.

Un jour vient, on se demande pourquoi on est encore en train de faire la même chose que la veille. On se le demande si fort, que ça nous embrouille, alors on brouille les pistes de notre éveil. Pas de bol, le verre est plein. Les jeux de mots s’enchainent, s’aliènent. L‘échine se courbe, au loin se dessine, maligne, l’ignorance d’une vie passée à se questionner sans jamais essayer. De peur d’avoir peur.

Et puis, il y a de ces matins où le rose du ciel adoucit les moeurs. La rosée perle sur les pétales aux parfums capiteux. Je passe ma main dans les herbes hautes, et s’y dépose l’humidité de la nuit, comme une trace de son passage sur ma peau. On re-sens de nouveau. On perçoit qu’au plus profond de nous repose la réponse aux questions qui sommeillent. Je frotte dans ma paume, les fleurs d’immortelles, celles pour qui l’odeur demeure.

Le soleil pointe le bout de son nez. Mes yeux encore peu habitués à la lumière s’humidifient. Ton sourire vient inonder mes souvenirs, et illumine par la même mes pensées. Tu es là sans y être. Tu accompagnes chacun de mes gestes quotidien sans même le savoir. Certains disent que je suis amoureuse. D’autres épient mon regard quand il se pose sur le tien. Je fais attention à ne rien laisser paraitre pour éviter toute confusion. Tout risque d’interprétation qui serait mal avisé et qui ruinerait mes chances de toucher du doigt ce que je m’apprête à comprendre.

Je laisse mes pas me guider et l’odeur des pins qui chauffent au soleil m’exaltent d’une sensation de sérénité intense, de celle qui nous rappelle quand on était enfant et que nous n’avions peur de rien. De ces fois où nous courions à travers les forêts jusqu’à la plage pour courir dans les vagues qui se fracassaient contre mes côtes, nues. Car nous n’en avions que faire du regard des autres, nous n’étions pas pudiques pour un sous. Ce qui nous importait, c’était de trouver le bout de bois qui viendrait compléter à la perfection notre cabane de fortune à l’abris des dunes.

Le jour monte dans le ciel, me voilà face à l’horizon dégagé, mes pas ont laissé dans mon dos leurs empreintes dans le sable encore frais. Face à moi s’étend l’océan de toute son immensité, de toute sa splendeur, et sa puissance. Les embruns caressent mes narines, j‘aspire à plein poumons ces odeurs qui embaument l’air, apportées par les vents de l’Atlantique. Je ne veux perdre aucun goutte de ce parfum qui éveille tant cette nostalgie passée. J’ai de nouveau envie de courir à en perdre mon souffle jusqu’aux vagues. J’écoute d’une oreille attentive le doux son des coquillages qui roulent aux abords de l’eau grâce aux mouvements des vagues.

Mon coeur s’agite sous l’océan, la houle de mes émotions vient dévorer mes pensées pour les faire battre à l’unisson avec les tiennes. L’écume de mes jours défilent. Y seras-tu présent ? Je nous imagine bien là. Tu me prends le visage de tes mains de marin, tu l’embrasses avec soin. Ton front contre le mien. Nous sommes biens. Le vent joue avec mes cheveux qui s’emmêlent sous tes doigts. Nos regards qui s’attirent irréfutablement, se sourient tendrement. Les nuages hauts dans le ciel, chassés par le vent font courir des ombres sur l’eau.

Je regarde la ligne d’horizon, qui dessine à l’équinoxe de nos vies, nos aspirations. Pendant une seconde tout prend forme, tout chancèle, tout s’incline et je me réjouis de ce qui suit. L’océan vient lécher ma peau qui frissonne à la froideur des courants mais mon coeur, brulant, me maintient dans un état extatique. C’est comme si je reprenais vie. Comme si l’instant présent avait un gout de sel et de soleil. Comme le goût de ta peau quand tu m’entoures de tes bras. Dans ces moments de volupté, j’aimerais étiré les secondes, que le temps n’en finisse plus. Comme ton souffle qui vibre dans mon cou et ton coeur qui bats contre mon pouls.

Maintenant je sais. Faire quelque chose de fou, ce serait de ne pas courir nue dans la rue, et sauter à pied joint dans l’inconnu. Mais dis moi, si je saute… Tu sautes avec moi ?

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Aurore Barron
Scribe
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Just a place where I can express myself. Unpretentious.