Je me souviens d’une odeur. Ton odeur.

Aurore Barron
Scribe
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3 min readJun 24, 2018

Je me souviens d’un soir, je me souviens d’un matin. Ou peut-être était-ce la nuit. Je ne sais plus très bien. Déjà mes souvenirs s’estompent pour faire place à la nostalgie d’un temps passé à t’aimer. Tu m’affublais alors d’un regard qui à lui seul suffisait à m’envelopper dans une emprise exquise.

Tu te souviens ?

Nous nous aimions sereinement. Main dans la main. Comme des gamins. Tu venais me chercher à l’angle de la rue. Pour passer inaperçu. Je m’extirpais en douce de chez mes amis pour me faufiler à l’orée de tes yeux. Il faisait nuit mais tu savais lire dans le ciel, les étoiles de mes yeux.

Nous valsions dans les rues, sous les cascades de fausses notes de ces pauvres musiciens et nous ne nous privions pas d’y faire miroiter les prémices de nos prochains ébats.

Nous courions dans le métro, trop avides d’assouvir nos envies, pas le temps pour le baratin, et le mépris des passants n’y changerait rien. Nous étions subjugués par notre reflet dans les vitrines de nos propres abîmes. Nous évoquions avec intensité nos goûts et nos regrets. Nos langues se déliaient, et se confrontaient en phrases et emphases, histoire de nommer victoire à nos combats vertueux.

Nous nous psalmodions des sermons afin de nous acquitter de nos tourments. Cela n’avait ni queue, ni tête, mais nous nous en moquions éperdument. Amoureux d’un temps que nous pensions sans fin. Tu chantais les demain, je rêvais des lendemains. Amoureux du destin qui nous assemblait si bien.

Les gens jaloux criaient aux fous. Nous, on s’en contrefoutait. Le hasard ne pouvait être à ce point victorieux, pour réussir à nous unir chaque soir, sans que personne n’y prenne gare. Nous n’existions que parmi les innommés, les gens taciturnes et les noctambules.

Laisse-moi remettre en ordre mes souvenirs. Je perds le fil de notre histoire.

Tu te souviens ?

Je viens de sentir ton parfum à l’instant sur quelqu’un. Surgit alors du tréfonds de ma mémoire, le souvenir de la fin. Au loin. De ce qui fut un temps un baiser délicieux. Remonte alors en moi, une sensation de vertige. Ivre de cette odeur fragile. Et pourtant si docile. Puis me voilà toute entière en proie à la nausée. Une frayeur s’empare de moi. Comment fuir une odeur ?

Ce souvenir qui mêle le parfum de ta peau au goût de ton odeur. Je me souviens… Mes lèvres venaient toucher la courbure de ton épaule et caressaient le creux de ton cou. Je fermais les yeux, laissant mes sens s’imprégner totalement de cette seconde qui échappait au temps. La chaleur de l’étreinte.

J’avais l’impression de boire ton odeur, de m’enivrer de ton être. Se déversait alors une cascade de jouvence au sein de mes reins. J’étais ivre de toi. De ta peau. De ton cou. Cette sensation faisait naître en moi des désirs violents.

Je m’agrippais alors, de peur de manquer, à cette seconde d’abondance. Cette seconde, qui déjà passée, m’apportait un semblant d’ataraxie. Ta gorge, élixir de mes plaisirs, n’avait de cesse d’assouvir ma soif à chaque assaut de ma bouche. Plaisirs exaltés au gré de mes caprices.

Ton odeur sera définitivement la plus cruelle. Fidèle, elle surgira sans prévenir à chaque recoin de ces rues auparavant courues.

Nos souvenirs se désagrègent mais l’odeur reste intègre. J’aurais beau fissurer nos mémoires, elle ne cessera d’être tienne.

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Aurore Barron
Scribe
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