Le mec qui fait du Facetime dans le métro

marie vdm
Scribe
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3 min readOct 3, 2017

Déjà qu’ils nous saoulent à prendre les wagons de métro pour leur bureau et/ou le dernier salon où l’on cause, on en arrive au mec qui décide que c’est l’endroit rêvé pour se faire une petite vidéoconférence. C’est le futur, Marty !

je crois que je deviens nostalgique — Photo by Pavan Trikutam on Unsplash

Le métro parisien. La ligne 9. Station Billancourt. Ok. Ok. C’est la fin de la ligne, il te reste un arrêt, y’a quasiment plus personne dans le train, ok, fais toi plaisir, fais toi un facetime. Prends donc une habitude de merde que tous les autres usagers vont copier en se foutant éperdument de savoir si ça peut déranger leurs congénères.

J’aime bien imaginer qu’au début du métro les gens étaient polis et courtois comme des personnages de Downton Abbey. J’aime moins réaliser à quel point c’est devenu une extension de leur intérieur, comme s’ils n’étaient pas en train d’étaler leur vie perso sur la place publique. Même si la place publique s’en fout, elle n’a pas de boules quiès.

Comme on ne peut pas chuchoter au téléphone comme dans la vraie vie, je ne décroche jamais dans le métro. Je ne sais pas comment les gens font pour avoir une conversation téléphonique de Voltaire jusqu’à Billancourt, pas seulement parce que c’est épuisant nerveusement pour toute la rame, mais simplement parce qu’au milieu la ligne tombe. Saint Augustin est un vortex sans-data-sans-voix. “Tu m’entends ? TU M’ENTENDS JE T’ENTENDS PLUS ?!”. Ça ne les arrête manifestement pas.

Hier la dame qui critique les plantes de son collègue de formation horticulture “ah oui ça c’est sûr il a des graines qui viennent du Sud que nous on n’a pas !”, on est vraiment désolés de cette injustice flagrante. L’autre jour, celle qui prend des nouvelles de son ex-collègue “comme je dis, au moment de l’entretien il faut demander 6 mois de vacances par an ! Hahaha” — la meuf se cite elle-même, ça te donne le niveau de la conversation que tu ne peux pas ne pas entendre. Aujourd’hui l’espoir : ce jeune homme en face de moi au moment où j’écris, qui décroche “oui Guy, je suis dans le métro je te rappelle plus tard ok ? A tout à l’heure”. All the love pour ce chevalier des temps modernes.

Et ce matin ce mec, en Facetime dans la rame d’en face. Je voudrais croire qu’il était là avec sa femme en train de se regarder les yeux dans les yeux en silence comme une performance artistique de Marina Abramovic*, mais il ne faut pas trop se leurrer : sans doute qu’elle lui faisait une liste de courses pour passer acheter des brocolis au Carrefour de Pont de Sèvres, pendant que lui, la main droit devant, le bras bien en l’air en train de chercher du réseau devait dire “ça coupe, ça coupe ! Je ne te vois pas bouger !” Downton abbey vs reality.

Mais j’avoue, la vraie question que je me pose, le détail souterrain qui m’insupporte le plus dans ce brouhaha de conversations souterraines, ce n’est pas (seulement) la problématique des limites floues et floutées entre l’espace privé et l’espace public. Ce n’est pas que je m’en fous, c’est un vrai sujet de société et d’ailleurs la RATP est obligée de faire des campagnes d’affichage sur la civilité dans les transports en commun, donc visiblement il n’y a pas que moi que ça dérange.

Mais je ne peux jamais m’empêcher de me demander : COMMENT FONT CES GENS pour avoir des conversations téléphoniques, des échanges Snapchat et maintenant de la visioconférence dans le métro ALORS QUE MOI avec mes 3 bûchettes de réseau soi-disant en Edge je suis incapable de répondre à un WhatsApp ou d’enregistrer un brouillon dans Medium ?! Comment ?!

Et pourtant je suis passée chez Sosh.

*Si tu te demandes qui je “namedroppe” : Marina Abramovic, The Artist Is Present.

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