Le pouvoir du moment présent en photographie

Si le fait de savoir vivre au présent est très encouragé pour le développement personnel, il a tout intérêt à l’être aussi pour la photographie.

Egon Ghst
Scribe
4 min readJun 13, 2017

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J’ai laissé à l’abandon pendant une année entière ma pratique photographique, j’ai ensuite repris de manière très chronophage mais je n’arrivais pas à tenir un rythme. Je ressentais surtout une immense frustration, celle de ne plus réellement prendre plaisir à déclencher. J’ai été obsédé par la recherche de solutions et de réponses. Et c’est un livre qui m’a aidé à faire le premier pas vers le choix de l’errance plutôt que la quête d’une perfection subjective.

Dans son livre « Errance », Raymond Depardon parle de sa pratique photographique et dit:

« Je me libère en marchant, ça me fait du bien, je fais des photos, bonnes ou mauvaises, que souvent d’ailleurs je ne peux pas recommencer. Parce que dans le trajet, dans la déambulation, il y a une photo qu’on voit, magnifique, que l’on ne peut pas refaire. On ne peut pas avoir de regrets parce que c’est une image qu’on ne peut plus jamais refaire. Ce qui n’est pas le cas quand on fait des photos arrêtées. »

En lisant ces lignes, j’ai tout de suite trouvé un remède à cette paralysie que j’ai encore parfois. Celle de ne pas être apte, prêt à déclencher. Par peur de ne pas le faire au bon moment, par peur d’affronter une mauvaise photo et la frustration qui vient ensuite. Je me suis souvenu du premier appareil photo que j’utilisais, adolescent, sans aucunes règles en tête si ce n’est que celle de capturer comme bon me semble. Je prenais beaucoup de plaisir à déclencher avec ce premier appareil, alors pourquoi ai-je cessé d’apprécier ça ensuite ?

C’est lorsque que j’ai appris les règles que j’ai perdu la légèreté de faire de la photo en tant qu’expression de soi. Evidemment les règles sont souvent indispensables pour ceux qui font de la photo leurs métier. Les contraintes qui leurs sont imposées les y obligeant. Il ne s’agit plus d’expression personnelle dans ce cas. Mais en tant qu’amateur, la seule chose qui a été bénéfique à ma pratique, c’est de briser toutes les règles que j’ai apprises.

Et il est là l’avantage de l’amateur.

Il n’y a en vérité aucune règle, si ce n’est que les nôtres, celles qu’on s’impose par choix.

En tant que photographe amateur je n’ai aucun compte à rendre à personne. Pourquoi irais-je alors m’imposer des règles qui ne servent pas à ce que je tente d’exprimer ?

Il est bon de prendre du recul avec ce que l’on a appris, de savoir si tout est nécessaire ? Remettre en cause des acquis peut être source d’inspiration. Questionnons-nous sur le sens de nos photos, sont-elles là parce que j’applique ce que j’ai appris où sont elles là parce qu’elles racontent qui je suis ? Mes photographies sont-elles le reflet de ce que je vois ou la reproduction d’un idéal qui n’est pas le mien ?

Qu’est ce qui donne du sens à ma pratique ?

Et si je me fiais plus à mon intuition, quelles images sortirais-je ? C’est sûr elles seront imparfaites, bancales peut-être même mauvaises. Mais en quoi est-ce si important tant qu’elles me parlent ? Mes photos n’ont-elles pas , par ailleurs, plus de chances de toucher d’autres personnes si elle me touchent moi d’abord ?

Depuis je photographie au présent.

Si le fait de savoir vivre au présent est très encouragé pour le développement personnel, il a tout intérêt à l’être aussi en photographie. Désormais je photographie dans l’immédiat, j’essaye de considérer mon appareil comme un outil qui aurait les même limites que ma mémoire. Je tente de donner à ma pratique cette dimension éphémère qu’on retrouve dans la vulnérabilité humaine. J’évite de trop tourner autour d’un sujet, je prends une photo et repars aussitôt. Je m’efforce de ne pas imaginer un résultat idéal, comme je m’efforce de ne pas trop penser au futur. Si la photo que je fais est ratée, ce n’est pas grave, je continue à avancer. J’y vois là un lien direct avec la brutalité de nos vies. On fait des erreurs, on traverse des périodes complexes mais le temps lui, file toujours. L’important c’est d’aller de l’avant. On n’a pas le choix. C’est une forme de liberté et de légèreté que je retrouve là, tout en ayant la possibilité de garder des souvenirs nets que ma mémoire elle, ne me permets pas. J’essaye de retranscrire ce sentiment d’urgence à travers mes propres règles, celles qui sont inspirées de mon vécu, celles que je m’impose par choix et non celles que j’ai acquises.

Il ne s’agit pas de capturer uniquement ce qui est « beau », il s’agit de parler avec une image, capturer dans l’urgence. Ce n’est pas nécessairement à propos d’une histoire, c’est peut être de la poésie ou juste un sentiment, un seul mot, peu importe. Il faut juste s’y retrouver soi et ainsi d’autres s’y retrouveront peut-être.

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Egon Ghst
Scribe

Designer queer passionné par les mots et la technologie.