L’important n’est pas le but mais le chemin.

Emilie Berenguer
Scribe
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4 min readMay 1, 2018
Photo by Kyle Johnson on Unsplash

Aujourd’hui, j’ai parcouru 21,100km. La moitié d’un Marathon.

Depuis que je pratique le running, je prends de plus en plus conscience de cette phrase “L’important n’est pas le but, mais le chemin”. Cette phrase a guidé mes entraînements dans le froid de l’hiver et encore aujourd’hui, j’en ai vécu une expérience pleine et entière.

Après 1H d’attente dans la fraicheur de ce dimanche de mars, mon “SAS” démarre enfin. Sous un soleil radieux et un ciel bleu infini, nous nous élançons enfin.

Les premiers kilomètres se déroulent en toute simplicité, je suis étonnée d’arriver au 5ème sans même avoir pris le temps d’y réfléchir. Malgré ma bronchite, je sens que mon corps répond bien. Les fanfares et groupes de musique le long du chemin sont une aide précieuse pour le rythme et l’émulation.

Les premières difficultés se présentent à la montée de la rue Taine au 8ème : un kilomètre de montée sur un dénivelé plutôt rude. C’est dans ces montées, que je baisse la tête, je regarde juste devant moi, et je ne relève pas la tête avant de sentir que la montée est terminée. Et pendant ces montées, je repense systématiquement à cette discussion que nous avions eue avec Papa sur la plage de Djerba au printemps 2008. Je lui racontais cette technique lorsque je courais dans une côte. Et qu’elle pouvait s’appliquer parfaitement aux épreuves de la vie, celle qu’il traversait en particulier à ce moment précis de la sienne.

Lorsque les problèmes surviennent, pourquoi regarder la hauteur de la montagne ? Alors que si vous prenez le pas d’après, l’action d’après, sans anticiper la difficulté ou la longueur de la tâche, cela vous paraitra plus simple, malgré la difficulté de l’épreuve. Papa avait gardé en tête cette discussion et cela l’avait aidé, m’avait-il dit, à passer certains moments particulièrement douloureux.

En arrivant en haut de la rue Taine, c’est la place Félix Eboué qui vous accueille avec ses cris d’encouragements d’une foule d’inconnus qui vous envoient de l’énergie et des centaines de sourires. Et c’est reparti, emportée par ce nouveau souffle, jusqu’au ravitaillement du 10ème km peu avant la place de la Bastille. Une Bastille étrangement calme lors de ce premier passage.

Puis le quai Henri IV, le long des quais de Seine, où les coureurs semblent happés par la beauté des lieux. L’île Saint-Louis accueillante, Notre-Dame imposante, la Seine rayonnante, la Conciergerie au loin plus pimpante que jamais.

L’arrivée à l’Hôtel de Ville au 13ème km me remet brusquement dans la course. Les gens sont descendus dans les rues pour nous soutenir, les fanfares accompagnent notre traversée de la rue de Rivoli. Au bout, à nouveau la place de la Bastille, avec cette fois-ci de nombreux drapeaux et banderoles pour nous encourager.

Le 15ème km démarre rue du Faubourg St Antoine, quartier que j’aime et que je connais bien pour y avoir travaillé pendant 6 ans. Impression agréable de courir “à la maison”. Mon corps commence à me faire sentir qu’il fatigue, je prends mon 3ème gel (appelé “coup de fouet”) et je ne peux m’empêcher de faire le bruit qui va avec (LOL solitaire).

Puis c’est le passage devant l’hôpital. Je l’avais oublié celui-là, tiens. Soudain, une rage m’envahit, un truc incontrôlable et indicible. Je repense à ces années 2008 et 2009. L’opération d’abord puis le pronostic vital à 5 ans, puis les chimios de Papa et la récurrence des rendez-vous avec l’oncologue pour faire le point sur l’avancement de la maladie.

C’est la rage qui me fait doubler ma foulée, tout en pleurant, j’arrive à me frayer un chemin parmi les coureurs. Et il en faut de la rage pour le 16ème et 17ème kms : c’est la montée de la rue de Reuilly. Même technique, regard juste devant mes pieds et je ne relève pas la tête avant la place Félix Eboué.

Descente de l’avenue Daumesnil, nous rentrons dans le 18ème km. Mes pieds commencent à me faire mal, j’ai le pied gauche engourdi (?!). J’essaie de ne pas y penser. Je finis par me rendre compte que j’écoute un livre audio “Du bonheur, un voyage philosophique” de Frédéric Lenoir, depuis 1H50 et que je n’ai rien écouté. Mon bonheur à moi, à cet instant précis, est ailleurs.

Nous rentrons à nouveau dans le bois. Je rentre à la maison, pour de vrai, avec mes repères durant mes entraînements de cet hiver. Un coucou aux oies et aux canards du Lac Daumesnil pour me donner du courage puis le dernier tournant vers le 20ème kilomètre. Je n’ai plus d’image vive en tête concernant ce dernier km, si ce n’est avoir frappé dans les mains de trois petits enfants qui campaient au bord de la route pour nous soutenir.

Après mon passage, le plus grand des trois enfants — 8 ans tout au plus — me crie de loin “Allez Emilie, Allez, tu y es presque !” . Comment ne pas voler vers la ligne d’arrivée, avec ces encouragements ? Et constater que le lièvre des 2H10 est juste devant vous (mais d’où sort-il celui-là?).

Moi qui pensais faire ce 1er semi-marathon en 2H20, je passe la ligne d’arrivée, dans un jet de fumée fêtant l’arrivée du lièvre, et moi, dans sa trace.

L’important n’est pas le but, mais le chemin.

“A view of the ground on a wide path with sunlight in the background” by Francesco Gallarotti on Unsplash

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Emilie Berenguer
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In love with Life, Humanity, Music, Dance, Theater, Writing & sooooo many things…”Elle est pas belle la vie?”