Quelles séries TV peut-on élever un cran au-dessus du divertissement ? #1

Aucun spoiler, c’est promis.

Orane Bosom
Scribe
8 min readNov 22, 2017

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J’ai fortement ressenti la fracture générationnelle avec 13 Reasons Why. La plupart des gens à qui je m’identifiais et dont je partageais les opinions en regardant Pretty Little Liars (série uniquement divertissante, à ne pas regarder) devenaient tout à coup trop impliqués dans ces personnages surjoués qui ne représentaient pas dignement les problèmes soulevés par la série.

Au bout de la moitié de la saison (my parents didn’t raise no quitters!) j’ai fini par accepter de me dire « Punaise, mais j’aime vraiment pas, faut que j’arrête. » Je trouvais ça quand même dommage de louper quelque chose d’aussi apprécié.

Pleine d’entrain et d’espoir, je passe à autre chose. Patatras. 15 minutes après avoir lancé le premier épisode de Riverdale, je suis désemparée : « Mais c’est pas bien ! »

Évidemment, 15 petites minutes sont rarement représentatives de l’impact et de la qualité d’une série ; il n’empêche qu’elles donnent le ton, surtout quand ce sont les premières auxquelles on a affaire.

Et c’était la première fois que ce type de séries facilement appréciables me décevait. En ce qui concerne Pretty Little Liars, j’étais tombée dedans étant petite (ndlr, j’avais commencé la série en étant moi-même au lycée) : une proie facile des histoires répétitives et des plot twists grotesques.

Donc navrée, mais je ne recommanderai pas ici de séries où 90% des protagonistes sont au lycée.

“You don’t want to peak in high school. If you do, the rest of your life is a disaster.” Candace Bushnell

Stranger Things

Bon, tout le monde connaît Stranger Things. Pourquoi c’est bien ?

La série réussit à créer un sentiment d’appartenance à une époque différente de la nôtre, les eighties (en ce qui me concerne, le début de la saison 1 se déroule 11 ans avant ma naissance), et c’est un grand tour de force. J’en arrive à être nostalgique d’une époque que je n’ai jamais connue (et que je n’envie pas), dans un pays dans lequel je n’ai jamais habité. Quelqu’un sur Reddit connaît une personne ayant eu le même pull que la petite soeur de Lucas à l’époque : ça en dit long sur leur attention au détail et à l’immersion.

Une partie impressionnante : le casting. On retrouve ou on découvre une exceptionnelle Winona Ryder, qui m’a presque retiré l’envie d’être mère un jour tant sa douleur paraît réelle et crève l’écran.

Le pari réussi sont les jeunes protagonistes. Ils sont à mourir de rire d’authenticité (quand on se disait « berk » à l’idée d’embrasser un garçon ou une fille, et qu’on ne comprenait pas pourquoi les grands le faisaient) tout en véhiculant une émotion telle que l’on ne s’attend pas à la retrouver chez de si jeunes acteurs. Chapeau bas.

Millie Bobby Brown as Eleven in Stranger Things — Courtesy of Netflix

Pour les âmes sensibles, c’est parfois un peu angoissant et un peu sanglant (mais franchement ça va). Pour ceux qui viennent d’arrêter de fumer, attendez un peu (tout le monde y fume clope sur clope).

Mais le sourire édenté de Dustin et la bande originale fantastique sont faits pour vous séduire. Petit plus si vous avez l’esprit geek : on sourit systématiquement devant les parties de Donjons & Dragons, les références à Ghostbusters, et les jeux d’arcade qui réveillent notre inner child.

Westworld

On m’a résumé cette série en m’en disant : « C’est sur les robots dans le futur mais avec des cow-boys ! » J’ai donc imaginé des Terminators en train de se battre contre des ranchers et des Native Americans. Je suis plutôt ouverte d’esprit, mais ça avait vraiment l’air d’être une mauvaise combinaison.

Étrangement, ce récapitulatif n’est pas faux. Ce n’est en revanche pas du tout robots vs. cow-boys comme je l’avais imaginé, et c’est tant mieux.

La série prend place dans un futur proche et soulève une tonne de questions sur la conscience et l’éveil des intelligences artificielles ; attention, pas une fois les termes « AI » et « artificial intelligence » ne sont mentionnés (oui, j’ai vérifié) ce qui est assez rafraîchissant, comparé au flot d’informations-méga-difficiles quasiment obligatoire dans lequel on est en général noyés. Dans les séries, quand on touche à un sujet pointu, on est habitués au type « plus on dira de mots compliqués, plus on sera crédibles. » La subtilité de Westworld est tout à son honneur.

Anthony Hopkins as Dr. Ford in Westworld — John P. Johnson/HBO

Ce n’est pas la première fois qu’une série se penche sur le sujet (idem quant aux films, on pense évidemment à Blade Runner). Mais, en comparaison, j’ai cent fois préféré Westworld à Äkta människor (la version originale suédoise de Real Humans), et pourquoi ?

Dans Real Humans et la plupart des autres moving pictures que j’ai eu l’occasion de voir, les robots/hosts/hubots/replicants sont commercialisés, vivent au coeur de la société humaine et y trouvent tant bien que mal leur place (comprendre : ils arrivent et c’est là que les ennuis commencent et que le film ou la série débute).

Dans Westworld, la tendance est inversée ; les robots sont les hosts et les humains les guests. La personne de passage dans la vie de l’autre n’est pas le robot (l’hôte) mais l’humain (l’invité). Et c’est un virement de bord auquel personne n’est habitué : on imagine toujours les robots débarquant peu à peu dans notre quotidien, voulant finalement prendre notre place et y parvenir. Ici, ce n’est tout bonnement pas si simple.

NB. — Une fois que vous aurez vu la série (ou du moins, le premier épisode), allez absolument découvrir dans cette interview de quelle manière ils ont réussi à tourner avec des mouches. Bzz bzz.

Sense8

Une série difficile à décrire.

L’ouverture, la controverse, l’union, la symbiose. Si vous avez soif de bonté, d’espoir, que vous êtes philanthrope, que vous aimez le monde et les gens (ou que vous avez envie de les aimer), vous aimerez Sense8.

Sense8 parle de ce qui nous unit avant de penser à ce qui nous sépare. Non, ce n’est pas une simple histoire de colocataires rigolos obligés de se supporter et qui finissent par s’attacher l’un à l’autre (2 Broke Girls pour n’en citer qu’une), mais une histoire de liens plus forts que tout ce qui nous voudrait nous séparer, nous, les êtres humains.

On ressent une délicatesse infinie en regardant les épisodes un à un. C’est un voyage majestueux dans les cultures qui nous sont étrangères, et qui nous fait prendre conscience que celles-ci nous sont finalement si proches, là où on en a le plus besoin. C’est simple : Sense8 tombe juste.

Ne pas se méprendre : l’histoire relatée est conflictuelle, mais observer les 8 protagonistes surmonter les épreuves main dans la main est une véritable inspiration. On voyage sans se mouvoir, on mobilise son âme.

Tina Desae and Max Riemelt as Kala Dandekar and Wolfgang Bogdanow in Sense8 — Courtesy of Netflix

Et quand on veut un peu d’inspiration provenant de notre côté de l’écran, la communauté de viewers redonne foi en l’humanité. Le 1er juin 2017, Netflix annule brusquement la série après avoir clôturé la saison 2 sur une queue de poisson. La fanbase se mobilise (moi y compris) : on twitte, on proteste, on signe des pétitions, on appelle Netflix pour se plaindre et menacer de se désabonner. On ne veut pas que ça s’arrête comme ça ; des séries qui abordent la différence et des sujets sensibles tout en étant d’une qualité sans tache, on n’en voit pas tous les jours.

Ça a marché : Lana Wachowski annonce par la suite qu’un épisode spécial verra le jour pour mettre un point final à cette aventure. L’union fait la force et les bons sentiments gagnent la partie, même dans la vraie vie. Savourez chaque épisode, ils sont comptés.

Black Mirror

C’est la série qu’on regarde quand on veut un peu bouleverser sa vision du monde, remettre en cause la direction dans laquelle on va ; quand on veut casser la routine, sortir de sa zone de confort, mais qu’on est pas assez motivé pour faire quoi que ce soit. Regarder passivement une série qui nous montre des versions alternatives de notre futur dystopique, ça démange.

Même en regardant Black Mirror sur mon petit portable, dans le TGV calme en pleine journée (environnement relativement décontracté), j’ai besoin de faire des pauses tant l’angoisse traverse l’écran. La série soulève un nombre titanesque de questions que l’on est obligé de se poser lorsque l’on est un tant soit peu inquiet quant à l’avenir des nouvelles technologies (Big Brother, neutralité du net, et j’en passe).

La dystopie est telle que l’on relève la tête après l’épisode en se disant « Merde, merde, mais c’est vraiment affreux, faut pas que le monde devienne comme ça, heureusement, on en est pas là, pas là du tout même, ouf... » Et puis c’est tout. On ne change quasiment rien à sa routine. Ça nous secoue les puces, mais pas assez pour qu’on aille chez le véto. Non pas que la série manque d’ampleur et loupe sa cible, loin de là, mais c’est tellement plus confortable de détourner le regard.

Si l’image suivante (tirée du bien nommé épisode Nosedive) ne vous évoque pas un arrêt de bus en heure de pointe, j’envie votre vision du monde.

Bryce Dallas Howard as Lacie Pound in Black Mirror — Courtesy of Netflix

Derniers conseils : âmes très sensibles, ne pas regarder l’épisode Playtest. Et savoir que Black Mirror est une anthologie, donc pas besoin de tout regarder dans l’ordre — quoique je conseillerai toujours la chronologie : il est à mon sens plus facile d’apprécier l’évolution réelle de la série en commençant par les épisodes les plus anciens. Enjoy the freakout!

Fargo

Pour ceux qui ont vu le film : moi pas. C’est une véritable traîtrise de regarder une série ou un film étant tiré d’une autre oeuvre sans découvrir cette dernière par avance, je sais ! Et j’applique cette règle tant que possible. En ce qui nous concerne, je n’ai appris que la série était basée sur un film que bien après l’avoir commencée. My bad.

En vérité, pas besoin de connaître le film ou l’histoire pour apprécier Fargo. C’est phénoménal. La photographie somptueuse donne irrémédiablement envie de visiter Bemidji, et les histoires terribles qui s’y passent calment rapidement ces ardeurs. C’est étranger, symétrique, enneigé, réglé comme du papier à musique, et d’un seul coup, tout fout le camp de façon remarquable. On est vraiment ravis d’être de simples spectateurs sous une couette, loin d’un Minnesota glacé et fusillé.

David Thewlis as V.M. Varga in Fargo — FX

Un aspect aussi contrariant que prodigieux fait que l’on favorise aisément les méchants personnages (ou antihéros) et que l’on éprouve de l’antipathie gratuite pour les gentils. On peut soutenir le sans foi ni loi, certes, à condition que le fond de sa pensée fasse sens. Mais plus le temps passe et on oublie ce qu’on voulait : de la justice, ou autre chose ?

Fargo est également une anthologie, mais cette fois-ci par saison ; seule la première reprend l’histoire originelle du film. Il reste donc de la place pour de la surprise et de l’inattendu avec les deux suivantes. Ne décrochez pas avant d’avoir vu la troisième : elle camoufle un antagoniste terrifiant que vous ne regretterez pas d’avoir découvert. Somme toute, chacune des trois saisons abrite un casting hypnotisant : Martin Freeman, Kirsten Dunst, Ewan McGregor. Que demande le peuple ?

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