Brewster Hut Track

Un hiver en été

All Blackpacker
Scribe
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9 min readSep 25, 2017

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Passer le mois de juillet à dévaler les pistes de ski plutôt que de prendre un bain de soleil en bord de mer… Et pourquoi pas? Après plus d’un an à esquiver l’hiver, celui-ci m’a finalement rattrapé à l’autre bout du monde, et il a fallu me résigner à affronter de nouveau quelques vagues de froid… Car oui, au risque de me répéter, les saisons sont ici inversées par rapport à l’Europe. On troque du coup le maillot de bain ressorti en Décembre pour doudoune bien chaude et bonnet en laine à partir de Juin. Et si la (ré)adaptation a été quelque peu difficile, avec notamment quelques réveils au petit matin dans la voiture complètement givrée et une bouillotte froide en guise de doudou, j’ai finalement trouvé un foyer bien chaud dans une collocation formidable au cœur des montagnes, dans la ville de Wanaka.

Balade dominicale au bord du lac Wanaka, avec les collocs

Aujourd’hui, presque quatre mois après mon arrivée dans ce nouveau petit cocon, l’hiver touche à sa fin et le printemps revient, ramenant avec lui le gazouillis des innombrables oiseaux du pays. Et je crois qu’il est désormais temps de raconter cet hiver en été.

Un début de saison tardif

Wanaka restait l’un de mes coups de cœur de la Nouvelle-Zélande lors de mes deux passages précédant dans la ville. Il faut dire qu’elle a de quoi plaire, entre son lac majestueux entouré des montagnes de la chaîne des Alpes du Sud, et l’esprit de sérénité et de convivialité qui s’en dégage. C’est entre autre cette raison qui m’a poussé à m’établir dans ce coin pour l’hiver, l’appel des routes se faisant également moins pressant avec les fraîches températures et les journées raccourcies.

Sur le sentier de randonnée qui mène à l’Isthmus Peak, dans les environs de Wanaka

Mais cette raison n’était pas l’unique. En effet, j’avais réussi à décrocher un poste dans l’une des stations de ski du coin, Treble Cone. La Nouvelle-Zélande est l’une des places fortes de l’hémisphère Sud pour les sports d’hiver. De nombreux athlètes entre autres s’y rendent pour pouvoir continuer à pratiquer durant la saison estivale qui prend place dans l’hémisphère Nord, assurant un entrainement toute l’année. Mais pour ce faire, encore faut-il que la neige soit au rendez-vous, la pratique du ski s’avérant beaucoup plus compliquée sur les rochers des montagnes... Et durant le mois de Juin, celle-ci s’est quelque peu fait attendre, retardant l’ouverture de Treble Cone. J’ai donc pu profiter de cette coupure pour approfondir les relations avec les désormais nouveaux collègues, entre quelques virées au pub et les événements organisés par la station pour nous tenir bien occupés pendant cette période creuse. Et déjà, ces nouvelles rencontres annonçaient une saison très prometteuse. C’est notamment avec certaines d’entre elles que je suis parti pour une randonnée sur deux jours : la Brewster Hut Track.

Arrivée à la Brewster Hut, où nous avons passé la nuit

Située sur la route qui sépare Wanaka de la West Coast, à quelques pas du Haast Pass, cette randonnée prend son départ au creux de la vallée pour déboucher sur un refuge à proximité du Mont Brewster. Le sentier n’est pas très long, et, bien que très abrupt, l’aller-retour pourrait se faire à la journée. Mais l’expérience de passer la nuit dans ce refuge, seuls au monde auprès des montagnes, était trop tentante. Après avoir passé les deux tiers de la randonnée au cœur d’une forêt bien dense, les arbres disparaissent petit à petit et laissent place à un brouillard épais, diminuant sensiblement la visibilité autour de nous. Au fur et à mesure que nous avançons, les nuages se lèvent doucement, découvrant finalement le magnifique paysage qui nous entoure. Cerclés par les montagnes enneigées, nous avançons prudemment sur une crête, la vallée bien loin en dessous de nous. Jusqu’à l’arrivée finale au refuge, où nous attendait un magnifique coucher de soleil, teintant de jaune et or le Mont Brewster et les quelques nuages restés présents. Tout cela pour laisser place à l’un des plus beaux ciels étoilés qu’il m’ait été donné l’occasion de voir jusqu’alors, avec une voie lactée resplendissante. Une expérience une nouvelle fois sensationnelle !

Le Mont Brewster au petit matin, depuis le refuge

Le lendemain matin, nous redescendons tranquillement dans la vallée, toujours émerveillés par la nuit que nous venons de passer. Seulement, une petite surprise m’attendait au moment de retrouver ma voiture laissée sur le parking la veille. Je discutais avec des amis quand deux d’entre eux me demandent les clefs pour pouvoir y ranger leurs affaires. Je les vois alors essayer tant bien que mal d’ouvrir la porte conducteur, sans succès. Je me dis que même si mes clefs de voiture ressemblent fortement à des clefs de maison, ils vont bien finir par trouver les bonnes ! Cinq minutes plus tard, ils me demandent finalement de les rejoindre et me montrent la serrure, en me demandant si cela est normal. Cela, c’était tout simplement ma serrure qui avait été forcée pendant la nuit ! Ce n’était effectivement pas normal, et pris d’un vilain pressentiment, je fais le tour de la voiture, pour finalement voir que la vitre côté passager avait été brisée ! Encore moins normal… Un nouveau pressentiment plus tard, je vérifie la boîte à gants, où j’avais stupidement laissé mon portefeuille la veille pour ne pas trop m’encombrer sur la marche. Eh bien, la boîte à gants était bien restée dans la voiture, mais le portefeuille, pschitt, envolé ! Aujourd’hui, tout a fini par être résolu, et même si je n’ai jamais revu mon portefeuille, j’aurais au moins pu expérimenter les commissariats de police Néo-Zélandais, et vivre mon premier relevé d’emprunte ! Une expérience pas si désastreuse que cela, si l’on prend un peu de recul… On ne le répétera jamais assez, ne laissez aucun objet de valeur dans votre véhicule !!

Brewster Hut, vue des montagnes environnantes

Sur les pistes Néo-Zélandaises

Après ces premières émotions à Wanaka et deux semaines d’attente, le principal invité à la fête a enfin pointé le bout de son nez : la neige ! Les montagnes environnantes maintenant recouvertes d’un manteau blanc, Treble Cone a pu ouvrir ses portes au grand public.

L’un des deux télésièges de la station, la neige ayant déjà commencé à fondre…

J’ai ainsi pu découvrir l’industrie du ski ici en Nouvelle-Zélande. Et ce n’est pas peu dire que les stations sont bien différentes de chez nous ! En dehors de la taille du domaine skiable qui se retrouve bien réduite, ici, pas de grand complexe hôtelier, pas de barres d’immeubles au pied des pistes. Un seul bâtiment, comportant en tout et pour tout un café et restaurant, et les différents services primaires dont on a besoin pour profiter pleinement de sa journée à la montagne (location de matériel et vente de forfaits). Vous l’aurez compris, personne ne dort sur place, tout le monde arrive au petit matin et repart le soir sur la ville la plus proche, qui n’est autre que Wanaka, à 30 minutes de trajet. Dans ce contexte, mon nouveau job prend tout son sens : en plus de l’entretien du bâtiment, je fais partie de l’équipe chargée de gérer la “route” qui mène à la station ainsi que le parking qui s’y trouve. Un métier plutôt agréable, qui nous place directement en contact avec des gens très souriants la majeure partie du temps. Et la vue depuis ce nouveau “bureau” ajoute un certain charme à l’environnement de travail !

Vue depuis le parking de la station

Entre les heures relaxantes à répéter une danse presque parfaite pour diriger au mieux les clients sur la station, on prend du bon temps dans les environs. Que ce soit pour dévaler les pistes et améliorer mon faible niveau de skieur, ou passer une bonne soirée avec les collocs autour d’un bon repas à la maison, ou sous les étoiles auprès d‘un feu de camp en bord de lac, j’ai pu passer de formidables moments ici.

Feu de camp au bord du lac, sous la voie lactée

Ka Mate Ka Mate !

Beaucoup de temps aura donc été passé à Wanaka durant cet hiver. Mais j’ai également pu profiter d’une excursion à Dunedin le temps d’un week-end. La principale raison? Un match des All Blacks contre l’Australie, dans le cadre du tournoi des Four Nations. Eh oui, un voyage en Nouvelle-Zélande sans aller voir au stade la meilleure équipe du monde ne serait pas un vrai voyage en Nouvelle-Zélande ! Dans ce pays où le rugby est une religion, on prend toute la mesure de l’importance d’un tel match aux yeux des autochtones ne serait-ce qu’en se baladant dans la ville, où chaque habitant, chaque boutique se pare de noir pour encourager leurs héros. La place principale de Dunedin se change en vaste buvette où d’ores et déjà les supporter viennent festoyer avant de se rendre au stade.

Impressionnés par autant de ferveur, nous nous dirigeons avec un ami vers l’auberge de jeunesse qui nous accueillera pour la nuit. Et sur la route, une immense surprise nous attendait. Nous tombons nez-à-nez avec un bus banal, jusque là rien d’anormal. Des personnes en descendent, avec une forme physique plutôt impressionnante. Un peu naïfs, nous continuons à marcher au milieu de ce groupe, qui pourrait presque paraître ordinaire. Ce n’est qu’après m’être retrouvé face au géant Sam Whitelock (deuxième ligne des All Blacks; 2,03m), en faisant figure d’un Hobbit, que je me suis rendu compte avoir tout simplement marché inconsciemment au milieu des joueurs de la meilleure équipe de rugby au monde actuellement, qui arrivaient tout juste à leur hôtel ! Tel une jeune adolescente se rendant pour la première fois à un concert de Justin Bieber, je n’en revenais tout simplement pas… Toujours plus ou moins sous le choc, nous nous rendons au stade, où l’ambiance est encore une fois au rendez-vous. Les frissons ressentis durant le désormais célèbre Haka des Blacks une fois passé, nous assistons à un match tout simplement exceptionnel et plein de suspense, où les deux équipes se sont lancées dans un chassé croisé haletant, avec pas moins de 5 essais inscrits par chacune des équipes. La victoire étant finalement revenue aux All Blacks dans les derniers instants, la ville était en fête. Mais après une petite bière dans le centre, la fatigue se faisait ressentir et nous décidons de retourner à l’auberge de jeunesse. Et rebelote, nous croisons une nouvelle fois les Blacks à leur sortie du bus, costume trois pièces cette fois-ci ! Décidément, c’était mon jour de chance !

Tunnel Beach

Le lendemain du match, nous profitons de nous trouver à Dunedin pour explorer les environs. Nous faisons une première escale à Tunnel Beach, dont le nom provient d’un tunnel creusé dans la roche par d’anciens propriétaires du terrain dans l’optique de posséder leur propre plage privée. Cette dernière est surplombée par une formation rocheuse assez singulière, qui avec un peu d’imagination rappellera à certains le fameux rocher du Roi Lion ! Puis, nous nous rendons sur la péninsule d’Otago, vallonnée et verdoyante, et entourée de quelques plages magnifiques, avant de finalement s’en retourner sur Wanaka, d’incroyables souvenirs pleins la tête. Bref, ce week-end paré de noir fut tout de même haut en couleurs !

Des lions de mers se prélassent sur Allans Beach, dans la péninsule d’Otago

Les journées se réchauffent maintenant, et la neige fond petit à petit. Ce dimanche, nous sommes repassés à l’heure d’été, le soleil se couche plus tard. Le printemps revient, et avec lui la saison se termine. À la fin de cette semaine, Treble Cone fermera ses portes, jusqu’à l’hiver prochain. Cela marquera la fin d’une période intense de ce voyage, une grande leçon de vie, de part les personnes que j’ai pu y rencontrer et les expériences fortes que j’ai pu y vivre. Des souvenirs inoubliables, avant d’entamer un nouveau road trip. Un dernier au pays des Kiwis.

Envol d’un Kéa, perroquet des montagnes

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