Pourquoi je dirai toujours NON à ceux qui me demandent de l’aide

C. Befoune
6 min readSep 24, 2016

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Source: alittlemarket.com

J’ai toujours eu beaucoup de mal à dire non, et je dois avouer que 3 fois sur 5, je trouve une “parade”, une manière de dire non qui ne heurtera ou ne vexera pas mon interlocuteur. Mais quelle que soit la forme que prend mon refus, la réponse reste la même : non. Non je ne vous apporterai pas mon aide. Vous pouvez me haïr autant que vous voudrez, je ne changerai pas d’avis. Et mes raisons sont très simples.

Google is your friend !

C’est une réponse qui m’a été servie bien des fois, et que j’ai longtemps trouvée irritante. Mais ça c’était jusqu’à ce que je réalise que c’est LA réponse par excellence. Je reçois quotidiennement des sollicitations, des demandes d’aide diverses et variées, peu importe l’heure : le matin avant le réveil (les réseaux sociaux sont faits pour ça aussi !), en journée alors que je suis au boulot, ou encore le soir au coucher.

Au départ j’essayais de répondre à toutes ces sollicitations du mieux que je pouvais, y consacrant parfois des journées entières. Lorsque je me suis rendue compte de mon manque de productivité dans mes différentes activités, j’ai décidé d’observer “mon fonctionnement” au quotidien : je passais ma vie sur Google à faire des recherches pour répondre aux demandes reçues.

Pourquoi passer ma journée sur Google alors que ceux qui ont effectué les requêtes ont accès à Google (ils ne peuvent pas le nier, les demandes sont formulées via des messages Facebook/Twitter/Whatsapp ou par mail) ? Pourquoi pêcher pour des gens qui vivent au bord de la mer ? Je dis non.

Non, je ne rédigerai pas de lettre de motivation pour toi. Non je ne te dirai pas quel est le synonyme ou l’équivalent en anglais de tel ou tel mot. Non je ne ferai pas de recherche en ligne pour toi pour trouver une formation en telle ou telle discipline. Et non, je ne chercherai pas de plateforme de téléchargement ou de streaming pour toi. Non. Non, je ne ferai pas pour toi ce que tu peux faire toi - même.

La traduction est mon métier. Je ne peux pas traduire gratuitement à longueur de journée.

La traduction est l’un des métiers les plus nobles, mais aussi l’un des plus méprisés au monde. Peu de gens comprennent ce qu’est la traduction. La majorité pense qu’il suffit de comprendre l’anglais et de savoir écrire en français (ou inversement) pour traduire. Elle pense aussi qu’un document de 300 pages se traduit en une nuit.

Traduire demande une vaste culture, une maitrise certaine des deux langues de travail, une aptitude à l’écriture, une recherche poussée pour l’utilisation de l’équivalent et/ou du cooccurrent exact, des logiciels et des livres qui coûtent cher. Outre tout ceci, traduire demande beaucoup de temps et de concentration. Ce n’est pas cher payé pour rien (il faut qu’on en parle plus longuement, parce que peu de gens sont prêts à payer ce qu’il faut pour un travail de qualité !).

“Traduis-moi mon CV, il ne fait que 3 pages, j’en ai besoin urgemment !” “Traduis-moi mon mémoire/ma thèse, je préfère l’avoir dans les deux langues”. “ Traduis-moi rapidement ce paragraphe, je dois envoyer un mail à mon boss tout de suite !” Non je ne le ferai pas, non je ne le ferai plus. Je ne peux pas passer ma journée à traduire gratuitement parce que ça semble facile ou par amitié. Non.

De plus, je pense que c’est un manque de respect. C’est un manque de respect pour ma profession qui est jugée tellement facile qu’on pense que tout peut et doit se faire en un clin d’oeil. Des relations privilégiées ne signifient pas que faire de mon métier un moyen de rendre service à l’entourage au quotidien, et donc ne pas gagner ma vie. Non.

Juste pour que ceci soit clair : il n’y a rien de plus compliqué que la traduction d’un CV (les demandes pleuvent de ce côté-là !). Généralement, même si je me fais payer, je ne traduis pas de CV. C’est un ensemble de bouts de phrases à peine connectées, chacune contenant une tonne de mots d’un ou plusieurs jargons spécialisés qui requièrent une recherche terminologique parfois poussée. En plus de tout ça, des recherches doivent être également effectuées pour savoir si les diplômes et les écoles mentionnés ont un équivalent officiel dans l’autre langue. Il faut vérifier si les majuscules sont bien utiliséses, si les virgules sont bien placées, et tout le tralala. C’est beaucoup de travail. Un travail qui ne se fera JAMAIS en 15 mn.

Prouvez-moi votre amitié, respectez mon activité, refusez de me faire travailler gratuitement, payez-moi comme je vous paierai pour bénéficier de votre expertise (je pars du principe selon lequel ce qui est gratuit est généralement du bas de gamme), participez à mon épanouissement professionnel.

Je n’ai pas le temps.

Cette déclaration semble parfois pédante, mais je ne peux le dire autrement. Je n’ai pas le temps d’accorder mon aide lorsqu’elle m’est demandée si la requête n’est pas d’une haute importance (sachant que l’évaluation de cette hauteur est laissée à ma discrétion).

J’ai un boulot très prenant : j’y suis tous les jours, toute la journée. Chaque billet posté sur Elle Citoyenne demande des recherches qui s’étendent parfois sur plus d’un mois. Je dois écrire chaque jour pour Self-Ish. J’ai d’énormes lacunes en termes de savoir sur l’histoire de l’Afrique et les questions de participation citoyenne : je dois lire autant d’articles et de livres que possible pour ne pas être à la traîne et produire des billets de mauvaise qualité. Je dois être au faite de l’actualité africaine par souci d’information, mais aussi pour soutenir autant que je peux les actions de mes collègues Africtivistes (la ligue des cyber-activistes africains pour la démocratie) et m’assurer que malgré les troubles dans leurs pays respectifs, ils vont bien et sont en sécurité.

Et ce n’est pas tout. J’ai besoin de garder l’esprit frais. Je dois écouter des podcasts et lire au quotidien les publications de personnes qui sont pour moi inspirantes. Je dois honorer des rendez-vous liés à mes projets et/ou à mon activité de blogueuse. Je dois lire autant que possible pour être une meilleure rédactrice. Je dois passer du temps avec ma famille et mes amis. Je dois trouver le temps de dormir, de manger, de respirer. A quel moment j’ai le temps aujourd’hui de répondre à toutes les sollicitations alors que 99% des réponses sont disponibles gratuitement sur internet ? Comme je l’ai dit au départ, vous pouvez me haïr, mais je ne changerai pas d’avis. Je vous dirai non.

Je préfère vous apprendre à pêcher afin que vous ne dépendiez pas/plus de moi pour vous nourrir.

Mon professeur de terminologie répétait sans cesse “Un bon traducteur n’est pas celui qui sait tout. Un bon traducteur est plutôt celui qui sait où tout trouver”. Je préfère nettement fournir un lien ou conseiller un podcast ou un livre plutôt que chercher à répondre à une question: c’est bien plus simple pour moi, et c’est bien plus utile pour la personne qui obtiendra une réponse claire et détaillée et qui saura où aller la prochaine fois qu’elle fera face à une situation similaire.

Par ailleurs, j’ai plus de respect pour une personne qui demande le chemin qui mène au marché plutôt qu’une marmite de viande toute prête. Ca signifie qu’elle est prête à faire face à certaines difficultés pour obtenir ce qui est convoité, que ce soit le savoir ou autre chose. Ca prouve une certaine détermination qui me pousse à fournir toujours plus de sources/ressources utiles.

En termes de coups de main, la pareille est peu souvent rendue.

Je laisse tout ceux à qui j’ai apporté mon aide et qui se sont déclarés très occupés/fatigués lorsque je les ai sollicités méditer sur ce dernier point.

Mes chers amis, je pense que tout (ou presque) a été dit. Souffrez donc que je vous dise non. La situation ne changera pas de si tôt.

Hello, mon nom est Befoune, et je parle de tout ce qui a trait à la participation citoyenne dans mon pays le Cameroun (et ailleurs) sur la plateforme Elle Citoyenne. Mon ami Tchassa Kamga et moi avons créé la publication Self-Ish pour partager notre expérience dans les domaines du développement personnel, de la création de contenu et des relations entre les humains qui peuplent cette terre.

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C. Befoune

Bleeding on paper, unleashing the human. I stopped writing here. Find me on mesdigressions.com