Descente nordique

Récit de nos derniers moments en Scandinavie

Florian Spatule
Semelles sans frontières
12 min readMay 3, 2017

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Découverte culturelle en Laponie

Cela faisait presque trois mois que le nord était le seul point cardinal de notre boussole. Le Cap Nord une fois atteint, nous avons pris la route du sud en quittant la ville d’Honningsvåg. Deux heures d’attente dans le froid polaire et le vent nous ont été nécessaires avant d’être pris en stop par Malte et Henrik, deux hambourgeois faisant un road trip en camping-car depuis l’Allemagne. Nos efforts ont bien été récompensés par une bonne bière fraîche de chez eux. Une fois réchauffés et remis sur pied, nous quittons les Allemands pour continuer la route en direction de Lakselv.

Nous longeons le fjord gelé de Porsenger, le quatrième plus long fjord de Norvège, d’une longueur impressionnante de 120 km, qui se termine par la ville de Lakselv, située au bout. C’est ici que nous avons rendez-vous avec Jon, notre couchsurfer pour quelques jours. Jon est un Sami ou “Lapon” en français. C’est un peuple proche de la nature, à l’origine nomade, qui vivait autrefois principalement de la pêche, de l’élevage de rennes, de chasse et de cueillette . Ils peuplaient exclusivement le nord de la Norvège jusqu’à la Russie en passant par la Suède et la Finlande, d’où le nom donné à cette région : la Laponie qui signifie “terres des Lapons”. Aujourd’hui les samis sont présents du nord au sud de la Scandinavie et beaucoup d’entres eux vivent et travaillent dans les grandes villes comme Olso. Cependant, ils restent très attachés à leurs traditions, comme en Laponie où l’élevage de rennes est toujours très développé et indissociable de leur culture.

Si vous êtes perdu entre les villes, voici nos étapes !

Jon parle le same, la langue officielle des samis qui est reconnue par les pays scandinaves. Cette langue est totalement différente du norvégien car elle prend ses racines dans un mélange de finnois et de hongrois. Dans quelques jours, notre hôte est invité à un mariage sami et en profite pour nous montrer son costume traditionnel, qu’il portera pour l’occasion. Un ensemble très coloré à majorité de bleu avec des bandes de couleur jaunes et rouges. De plus, les hommes portent un chapeau à pointes et une large ceinture en métal brillant. Pour l’anecdote c’est un petit mariage, seulement 2000 convives !

Art sami

Le lendemain, (Florian) j’emprunte le vélo de Jon pour partir découvrir les alentours de Lakselv. Le fjord gelé est immense, je n’en vois pas le bout. Sur la rive, je suis des traces de pattes dont je n’ai pas l’habitude de croiser en France. Elles apparaissent grosses et larges dans la neige comme celles d’un cerf. Au bout de quelques minutes je tombe nez à nez avec un troupeau de rennes. C’était donc bien à eux, ces fameuses empreintes dans la neige. Ils ne sont pas farouches, mais restent tout de même distants. C’est la première fois que j’observe des rennes dans la nature en Norvège. Ils broutent le lichen et les mousses qu’ils trouvent sous la neige. Comme cette nourriture est peu abondante, ils doivent parcourir de longues distances pour s’alimenter. Ils restent quelques minutes près de moi puis s’en vont et partent au loin. Cette rencontre inattendue mais typique de la Laponie me restera à jamais dans ma mémoire.

Une belle rencontre en Laponie

Nous quittons Lakselv toujours vers le sud en direction de Karasjok. Notre premier automobiliste est un sami, éleveur de rennes. Il recherche en voiture ses animaux qui broutent dans les alentours. Nous l’aidons dans sa mission à repérer ses rennes, pour qu’il les identifie. Chaque éleveur marque ses bêtes d’une entaille à l’oreille, ce qui lui permet d’identifier de loin les animaux qui lui appartiennent. Nous nous arrêtons à mi-chemin de notre prochaine étape, à un camping au bord d’un lac gelé. Ici, le climat est normalement très froid, en moyenne -20°C en hiver. Mais par chance cette semaine nous profitons d’un redoux, qui nous permet de camper début avril à cette latitude en Norvège.

Procédure habituelle : repérage d’un coin sympa avec une belle vue au bord du lac, loin du camping et abrité du vent par la forêt. Nous tassons la neige, car elle est épaisse d’au moins 80 cm et nous disposons des branches de sapins comme première couche d’isolation. Puis ensuite vient la tente, le tarp (bâche étanche), la chambre, la couverture de survie et nos matelas. Les sardines ne tiennent pas dans la neige, nous utilisons donc comme accroche les arbres aux alentours, pour tendre la tente. Nous sommes au milieu de nulle part dans cette forêt, mais nous avons comme vue l’imensité du lac et en son centre, une petite île prise dans les glaces. Un calme règne dans cette forêt, les quelques croassements soudains des grands corbeaux nous rappellent que nous ne sommes pas seuls. Des traces de motoneige et de ski nous indiquent que la glace du lac est solide et praticable. La soir tombé, nous nous endormons dans nos duvets. Le froid nous réveille à quelques moments et nous en profitons pour regarder le thermomètre: “-5°C, cela pourrait être pire”.

Belle vue au réveil

Au petit matin, les rayons du soleil nous réchauffent après une nuit plutôt fraîche. Après avoir démonté notre campement, nous aperçevons des pêcheurs sur le lac et nous décidons de partir à leur rencontre, histoire d’en apprendre d’avantage sur la pêche sur la glace. À notre plus grande surprise, nous tombons sur un syrien, qui nous montre avec passion les bonnes techniques. Il nous propose de faire notre prore trou à l’aide d’une foreuse, la glace étant épaisse d’un mètre envrion. À l’aide d’une petite canne avec un appât en forme d’asticot, nous démarrons notre partie de pêche. Nous attendons plusieurs minutes en remontant et descendant légèrement l’appât afin d’attirer un poisson. Mais en vain, ce matin ça mord pas ! Nous repartons bredouille, mais heureux d’avoir pu tester cette fameuse pêche sous la glace du lac.

Le sac sur les épaules, la route nous attend en direction de Karasjok, notre dernière destination en Norvège avant la Finlande. Cette ville du Finnmark est la capitale sami, elle y possède le seul parlement sami au monde. Magnus, notre couchsurfeur nous y accueille pour trois jours. La ville est petite est compacte et nous faisons vite le tour. Elle est la seule ville de Norvège où l’on peut circuler librement sur la route en motoneige. Karasjok est également connue pour ses records de froid en hiver, comme celui de 1999 où la température est dessendue à -51 °C. Heureusement durant notre séjour il n’y faisait que -11°C.

Magnus est un grand fan de bières et de bonne nouriture, il nous fait déguster un repas typique du nouvel an, à base d’agneau, de chou, le tout accompagné de bières finlandaises, belges et norvégiennes. Un régal !

Entre forêts et lacs

Le 8 avril matin, toujours par une température négative, nous voilà dans le bus direction Rovaniemi en Finlande. Après avoir passé deux mois en Norvège, l’aventure continue, mais cette fois-ci en Finlande. Nous sommes quatre dans le bus : nous deux ainsi que Mia et Kayla, deux australiennes vennues se perdre comme nous au milieu de la Laponie. Le trajet prend cinq heures, mais par chance, un superbe ciel bleu nous accompagne tout du long. Les paysages défilent. Une alternance de plaines enneigées, de lacs gelés et bien sûr des forêts et encore des forêts. En comparaison avec les nombreux reliefs norvégiens, la Finlande est un pays plat avec des paysages plus monotones. Arrivés à Rovaniemi, nous entamons la route en direction de notre nouveau chez nous. La ville parait gigantesque et surpeuplée. Après une longue marche et quelques difficultés pour s’orienter avec les panneaux incompréhensibles écrits en finnois, nous arrivons à l’appartement d’Ali, notre couchsurfer irakien qui vit en Finlande depuis plusieurs années.

À peine les sacs déposés, il nous invite à faire un saut dans son SAUNA ! Pour 5 millions d’habitants, le pays compte 3 millions de saunas. Pour eux, en avoir un n’est pas un luxe, mais une nécessité. Rien de tel qu’un bon sauna après un long voyage en bus. En quatre jours nous avons pris trois saunas en montant toujours un peu la température. On est passés de 80 à 90 jusqu’à 100 pour finir à 110 °C mais toujours accompagné d’une bière fraîche.

Ali, Mia and Kayla

Rovaniemi est connue mondialement pour être la ville du Père Noël dont la maison est traversée par le cercle polaire. La ville est entourée de forêts de sapins où de nombreux chemins de randonnées sont balisés et praticables même en hiver. Des petites cabanes en bois avec de quoi faire un barbecue y sont dispersées pour les randonneurs. C’est cool et convivial. On y a même partagé des chamallow grillés avec des françaises rencontrées par hasard.

Après être restés chez Ali, c’est au tour de Mauricio, un étudiant espagnol en Erasmus, de nous accueillir chez lui pour deux jours. Il a dans l’idée de faire un voyage un peu comme le notre en stop à travers l’Europe et voulait échanger avec nous sur ce type de projet. Nous sommes samedi soir et dans la cité universitaire de Rovaniemi c’est synonyme de fête. Notre hôte nous a présenté ses amis qui sont pour beaucoup des francophones. A notre grand hasard, on y retrouve Ali, mais aussi les françaises croisées au barbecue dans la forêt.

Rovaniemi nous aura beaucoup surpris par les belles rencontres faites durant notre semaine et ses magnifiques forêts qui l’encerclent. Nous repartons au bord de la route, le pouce en l’air, pour trouver une âme charitable pour nous emmener à Oulu, ville côtière de 200 000 habitants. C’est Lina, adorable finlandaise avec qui nous sympathisons le temps du trajet, qui nous prends en stop. Nous sommes accueillis dans la ville par un coucher de soleil sublime, se reflétant sur les bâtiments d’architecture moderne du port. Puis nous passons 3 jours chez Timo, développeur fan de jeux de plateau, qui nous initie au frisbee golfing, sport typiquement finlandais : un mélange de frisbee et de golf qui requiert une grande adresse ! Le but étant, sur un parcours de 18 paniers, d’envoyer un frisbee dans des arceaux métalliques, comme au golf, en moins de coups possibles.

La clef : le lever de pied au lancer !

Nous nous séparons ensuite pour une semaine : tandis que Florian se rend à Stockholm, je (Quentin) reste à Oulu pour profiter de la ville ainsi que recharger les batteries afin de repartir de plus belle. J’ai pu faire de grandes balades dans la ville et explorer ses moindres recoins tout en prenant le temps de me reposer : 3 mois de voyage, ça fatigue ! Le temps était impeccable et Oulu regorge d’endroits agréables ou se promener. Entre les îles au milieu du Oulujoki (fleuve traversant la ville), le centre ville et la zone portuaire, il y a pas mal de coins à photographier. Ça m’a permis de m’entraîner à utiliser mon appareil. Le temps est passé assez vite et nous nous sommes retrouvés 7 jours plus tard pour ensuite prendre le bus direction Helsinki.

Ambiance festive dans la capitale

Il est 00h30 quand notre bus démarre. Un trajet de 8h30 nous attend pour traverser toute la Finlande du sud, de Oulu jusqu’à Helsinki. Evidemment, les heures de sommeil ont été plutôt rares et c’est donc relativement fatigués que nous arrivons dans la ville. Premièr coup d’oeil par la fenêtre : plus de neige sur le sol et nous revoyons la couleur de l’herbe ! Le bus nous dépose à la gare et c’est tout de suite génial de revoir de l’activité dans les rues. Pendant 2 mois nous avons sillonné la Norvège et la Laponie dans des petits villages et ce retour à la civilisation nous fait du bien : le bus, le métro, le tram, les gens pressés, les vendeurs de glace… et ce, sous un super soleil !

On arrive Helsinki 🚂

Nous sommes accueillis par Rosita qui vit dans la banlieue d’Helsinki, accessible en train (genre de RER) en seulement 15 minutes. Le temps de déposer nos affaires, de se décrasser et de manger un bout, nous repartons dans le centre avec notre hôte qui nous a prévu une petite visite tout en nous expliquant les bonnes choses à savoir sur la ville. Le premier aperçu de la capitale est génial puisque nous longeons la zone portuaire sur un fond de coucher de soleil tout en apprenant à connaître notre guide avec qui le courant passe super bien.

Peut-être est-ce dû au beau temps qui nous accompagnait, mais Helsinki nous semble vraiment super vivante ! La ville a beau être relativement petite (environ 600 000 habitants), elle possède un certain charme. Nous la découvrons en se perdant dans ses rues et apprécions notamment l’architecture de certains bâtiments, les rues rythmées par le va-et-vient du tramway et le port qui regorge de bâteaux en tous genres (de pêche, de croisière et même des brise-glace !). Un problème majeur, les mouettes ⬇

On a eu pas mal de chance, car nous sommes arrivés à la bonne période à Helsinki. Les finlandais célèbrent une fête des travailleurs le 30 avril tandis que le 1er mai est férié (comme en France). C’est Vappu. Et pendant Vappu, la ville s’habille d’une ambiance festive : tout le monde est de sortie, les gens se maquillent et les rues abondent de vendeurs de ballons. Tout le monde joue le jeu, des plus jeunes aux plus anciens, tous étant très attachés aux traditions. En ce jour de 30 avril, la fête à lieu chez notre hôte et nous nous mettons à la préparation de la soirée dans l’après-midi puis nous avons eu le privilège de découvrir comment les finlandais font la fête (indice : l’alcool est de la partie !). En tout cas, ils savent accueillir et sont tous très enthousiastes à partager avec nous leur culture.

C’est le lendemain que nous quittons la ville, avec une légère biture mais aussi plein de bons souvenirs et de rencontres. Direction le port donc pour prendre le ferry qui nous emmènera aux pays baltiques. Une autre culture et toujours plus d’aventures. La Scandinavie nous aura tout les deux beaucoup marqués, tant par sa nature sauvage hors norme, la gentillesse de ses habitants ou sa culture si mystique.

Merci beaucoup le Nord et bonjour Tallinn 🇪🇪

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Florian Spatule
Semelles sans frontières

Curieux de découvertes, de voyages et amoureux de la nature.