PMA

CHAPITRE 1 : L’ACCEPTATION

Moi ? En PMA ? Jamais de la vie !

C’est souvent ce genre de réaction qui arrive quand on entend parler de PMA : « Ça ne me tombera jamais dessus.» Surtout quand on a déjà un enfant.

J’ai 29 ans, un fils de deux ans, mariée à un super mec. Dans le scénario, tout va bien. Tout va bien sauf quand ça fait un an qu’on essaie de faire baby 2. Un an … ce n’est pas grand chose, n’est-ce pas ? Pourtant, c’est bien à partir de ce temps-là qu’on commence à se poser la fameuse question: pourquoi est-ce qu’on n’y arrive pas ? Surtout, pourquoi d’autres y arrivent et pas nous ?

Quand on a commencé les essais, nous nous sommes dit à l’époque que ça irait assez vite et, en effet, je tombe enceinte du premier coup. C’était en janvier 2018. Soit un an après la naissance de notre fils, qui est arrivé à la première tentative. Je fais une fausse couche à 1 mois 1/2. Elle a duré un mois, de février à mars 2018. Depuis, eh bien depuis rien, nada, le vide intersidéral.

Pendant une année, une très très longue année, j’ai toujours senti un fossé entre mon corps et mon esprit. Je sentais un déséquilibre entre mes désirs et mon corps, il y avait une distance, un décalage. Pour mon entourage, si je n’arrivais pas à tomber enceinte, c’était juste « psychologique ». J’ai écouté pendant un an ce bordel psychologique. « Mais Bénédicte si tu n’arrives pas à tomber enceinte, c’est parce que ça ne va pas bien dans ta tête », « Bénédicte, apprend à lâcher prise, détends toi. » Je suis allée voir un acupuncteur, j’ai fait des massages thérapeutiques, j’ai vu une amie naturopathe, je suis allée voir une psy (que je vois toujours d’ailleurs). J’ai même mangé des graines un peu bizarres achetées dans une herboristerie chinoise du 13ème arrondissement de Paris.

J’étais comme une potiche à attendre que les joies d’une deuxième grossesse me tombent dessus. Et toutes les fins de mois, c’était la même chose : des pleurs. Ma belle-soeur a réussi à me convaincre de voir son gynécologue et je ne l’en remercierai jamais assez. Car, enfin, pour la première fois, on me disait « va voir ». Va voir si tout va bien, peut-être qu’il n’y a rien mais peut-être que si. J’y suis allée. Et, bien sûr, il y avait quelque chose.

La libération et la colère

Avant d’accepter la PMA, il y a d’abord cette voix dans ma tête qui a poussé un hurlement « TU AVAIS RAISON ». Mon intuition était bonne, depuis le début. Je me suis sentie libérée, soulagée d’un poids énorme. L’intuition n’est jamais prise au sérieux par les autres, et surtout par les proches. Elle ne s’explique pas et puisqu’elle n’a pas de preuve concrète, elle est jugée comme fausse. J’ai découvert que l’intuition dérangeait. J’étais très en colère. Contre les autres, de ne pas m’avoir écoutée sérieusement, de ne pas m’avoir crue, de ne pas m’avoir poussée à comprendre, chercher. À m’être juste dit « c’est dans ta tête ». Je sais que le psychologique joue pour beaucoup. Mais pas en permanence. Il y a un juste équilibre entre la tête et le corps. Et là, tout le monde me disait que ma tête n’allait pas mais que mon corps était en méga forme pour faire des bébés. Et je les ai écoutés. C’était mon erreur et ma colère contre moi-même en était d’autant plus forte. Toujours s’écouter, toujours toujours toujours. Même si personne ne vous fait confiance, ne vous écoute pas … trust your guts ! C’est LA leçon que j’ai apprise. FUCK les autres et fais-toi confiance.

Devenir cobaye

« Bénédicte, vous et votre conjoint allez faire des tests. » Je pense que je suis sortie avec 5 ordonnances, au moins de ce premier rendez-vous bilan fertilité. C’était la première fois qu’on allait faire un truc aussi poussé et avoir des réponses. Je comprenais pourquoi mais je ne pensais pas qu’il aurait fallu faire autant de tests. Des tests sanguins, un spermogramme un peu poussé pour mon mari, et une hysteriographie pour moi. Oh, je vous rassure, « Ce n’est rien, on vous introduit un tube dans l’utérus, et on met un agent colorant, de l’iode, et on vérifie si vos trompes vont bien. » Bah oui bien sûr, easy comme test… Et j’ai fait l’erreur de débutante qui est de lire des témoignages sur le Net. J’en ai lu plein. Dont un, hyper positif, où tout s’est bien passé. Et je l’ai relu quasiment tous les jours jusqu’au jour J. Et tout s’est bien passé, aucune douleur, juste des pleurs car j’étais angoissée. Mes trompes vont bien, tout « roule » et c’est déjà un soulagement. Pour le reste des tests, je suis phobique des piqûres. Une fois à l’hôpital, pendant la fausse couche, on a dû me donner du gaz hilarant car je refusais qu’on me touche. Je vais dans un super laboratoire à Paris où tout le monde est adorable. Autant dire que même si j’ai toujours une petite angoisse, c’est devenu une routine.

DIY : apprendre à déchiffrer des résultats d’analyse

J’ai fait des études de recherche en littérature. Donc, chercher et comprendre des chiffres et des lettres ça devrait le faire … plus ou moins. N’empêche que le problème, je l’ai vite trouvé.

Ça s’appelle AMH ou hormone antimullerieenne. Le mien est assez bas pour mon âge, il s’agit de la réserve ovarienne. Vous ne connaissiez pas ? Moi non plus. Et pourtant, ce test-là est important et je ne comprends pas qu’il ne soit pas prescrit plus souvent, histoire de savoir par où on commence quand on a un désir d’enfant. Ça aiderait pas mal, non ? Plutôt que d’avoir une mauvaise surprise. N’hésitez pas à demander à votre gynécologue de vous le prescrire, même s’il vous prend pour une folle. C’est votre corps, vous avez le droit de TOUT savoir. Mon mari a moins réussi que moi à déchiffrer son résultat. On a tous les deux des petits soucis au final. Et, de manière hyper-égoiste, je suis aussi rassurée de ne pas être seule. Rassurée car, qu’on le veuille ou non, une pensée culpabilisante est vite arrivée. Pourquoi moi ? Est-ce que je me nourris mal ? Est-ce que j’ai trop vite fumé en étant ado ? Est-ce que j’ai porté des charges trop lourdes (cf.mon fils) ? Bref, on se pose un tas de questions idiotes mais qui empêchent de dormir.

Tu peux le faire

À partir de ces résultats, il a fallu se lancer. Commencer les piqûres, trouver le bon dosage… On a commencé en douceur et c’est ce qu’il fallait. J’ai juste du apprendre à me piquer toute seule, dans le ventre, tous les jours, pendant 10 jours. La pétocharde que je suis a juste eu pitié de demander quotidiennement à son mari de le faire. On est deux en PMA, je le sais. Mais cette piqûre là est devenue un symbole. C’est pour moi une fierté d’y arriver seule. C’est douloureux de se confronter à des problèmes de fertilité, personne ne s’y attend vraiment. Surtout quand on a déjà eu un enfant !

J’ai accepté d’être en PMA quand je me suis piquée toute seule. Ca a marqué le moment et je m’en souviendrai toute ma vie de cette soirée où mon mari était coincé au bois de Boulogne, un pneu crevé, à attendre la dépanneuse à 21h30. A cet instant, j’ai accepté de faire partie de ces femmes, que dis-je, de ces couples, qui ont besoin de la médecine pour avoir un enfant. J’en suis, malgré toute la difficulté, heureuse. Heureuse car dans cette acceptation de mon infertilité secondaire, j’ai découvert une force inépuisable en moi. Je n’ai pas peur d’affronter certains problèmes dans ma vie. J’ai enfin confiance en moi, j’ai enfin cette niac qui me permets d’avancer, de ne rien lâcher. C’est un équilibre à trouver et j’y parviens plus ou moins sereinement mais ça va.

Ce deuxième bébé, mon mari et moi l’attendons donc avec une bienheureuse impatience. Nous nous rendons compte de la chance que nous avons d’avoir déjà notre fils, notre petit rayon de soleil.

A Tao, Camille, Joseph et tous ceux qui sont attendus

Des petites personnes sont arrivées entre temps … Tao et Camille sont nés au moment où j’aurais dû accoucher aussi. J’ai vécu l’arrivée de ces deux magnifiques enfants dans une grande détresse. Je ne suis pas restée à la maternité longtemps lorsque je suis allée voir mon neveu. J’étais dans l’incapacité physique d’être présente plus de cinq minutes. Quant à l’arrivée de Tao, je crois avoir envoyé un simple texto. Incapable de regarder des photos, de demander des nouvelles. Peut-être que cela choque, que cela a été mal perçu et c’est probablement « normal ». J’ai été très égoïste et je ne le regrette pas. Je ne regrette pas de ne pas avoir expliqué mon comportement car lorsqu’un enfant arrive, il doit être entouré d’amour, de joie et pas de douleur. Je me suis donc écartée, distancée.

Je suis heureuse de savoir que Joseph est arrivé, qu’une amie attend le deuxième … Heureuse et mélancolique néanmoins. Car je continue de me piquer tous les soirs. Accepter la PMA c’est accepter ces naissances, accepter aussi de s’écarter de ces beaux moments car cela fait mal. Penser à soi. A Tao, Camille, Joseph et tous ceux qui vont arriver, j’ai hâte de vous voir grandir, de vous rencontrer et de voir Ezra jouer avec vous.

Chroniques Utérines
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6 min
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