La copulation n’est pas la cause de la conception

Groupe d’hommes Arunta decorés pour le corroborée d’Ilyarnpa (Monts McDonnell, Australie) Francis James Gillen
Groupe d’hommes Arunta decorés pour le corroborée d’Ilyarnpa (Monts McDonnell, Australie)
Francis James Gillen

[Dr Frodsham, l’évêque de North Queensland,] m’a dit qu’il s’était rendu chez les Arunta, ainsi que parmi diverses tribus du Nord du Queensland, et il m’a demandé si j’étais au courant que les aborigènes d’Australie ne croient pas que les enfants soient le fruit des rapports sexuels entre les deux sexes. Sa seigneurie m’a informé que cette incrédulité n’est pas limitée aux Arunta, mais qu’elle est partagée par toutes les tribus du Nord du Queensland qu’il connaît, et il a ajouté que cela constitue un fait qui doit être pris en compte lors de l’introduction de normes plus élevées de la morale sexuelle parmi les aborigènes, car ils n’acceptent naturellement pas la véritable explication de la conception et de l’accouchement, même après leur admission dans les missions. L’évêque a également fait référence à une forme de mariage communal ou de groupe qu’il croit être pratiquée parmi les tribus aborigènes auxquelles il a rendu visite à l’ouest du golfe de Carpentarie…

« Le résultat de treize années d’observation m’a amené à conclure que, alors que les anthropologues peuvent avoir raison en plaçant l’organisation sociale des noirs à une extrémité de l’échelle du développement et la démocratie occidentale à l’autre extrémité, ils ont absolument tort de penser qu’ils peuvent transposer cette analogie au niveau de l’intelligence ou même du développement physique. A partir de mes observations, je peux affirmer que les Noirs Australiens, quand ils sont traités rationnellement, sont capables de développement intellectuel — notamment dans un cas de ma connaissance — d’un degré non négligeable. Pour expliquer mon utilisation du mot rationnel, permettez-moi d’expliquer le fait que les aborigènes éprouvent beaucoup de difficulté à comprendre toute conception moderne d’individualité. La tribu représente la norme de leur vie sociale, et ils considèrent les infractions sociales de la même manière que les Israélites le faisaient lorsque la loi de la Goël était en vigueur…

« Faisant référence au sujet de ma conversation avec vous à Liverpool l’année dernière, nous avons souvent des filles, qui, enceintes, sont envoyées à la mission, et nous n’insistons jamais sur le caractère répréhensible de leur condition. … les filles persistent dans la croyance, pratiquement universelle parmi les tribus du Nord, que la copulation n’est pas la cause de la conception.

« Je parlais cette semaine à la C. Rev W. Morrison (M.A. de Emmanuel College, Cambridge), qui est chef de la Mission de Yarrubah. Il m’a dit que, parmi les tribus autour du district de Cairns dans le Queensland du Nord, l’acceptation de la nourriture d’un homme par une femme, n’était pas simplement considérée comme une cérémonie de mariage, mais comme la cause réelle de la conception. M. Morrison a également ajouté que la monogamie était la coutume dans ces tribus sauf dans le cas de sœurs. Ce dernier fait est corroboré par ma propre observation. Un autochtone que je connais bien était marié à quatre soeurs et en était resté là, mais je suis incapable de dire s’il avait agi par principe ou par prudence. »

FRAZER James George: Beliefs and Customs of the Australian Aborigines. Man, Vol. 9 (1909), 145–147 (tdle)

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