D’un homme à l’autre

de Sophie Moulay

Éditions Numeriklivres
SF, Fantasy, Fantastique

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Sophie Moulay

Un aime chasser avec sa meute et savoure, nuit après nuit, chaque instant de sa nouvelle vie. Une vie que seuls ses rêves viennent ternir, car, avant la Grande Épidémie, Un portait encore un costume-cravate et se pressait chaque matin dans le RER. Comment résister à ces nouvelles sensations de liberté et surtout comment résister au tout dernier être humain, l’astronaute que le vaisseau Soyouz lui a servi sur un plateau ? Pour Martin, qui croit encore en l’existence de survivants, la traque commence. Il fuit le jour, se terre la nuit. Qui est l’animal ?
Cette poursuite générera les premiers conflits au sein de la meute et amènera Un à se poser LA question : est-il si différent de son gibier ?

Un avant-goût

Un renifle le nouveau-né qui tord sa bouche minuscule et pousse des braillements vigoureux. Elle, sa femelle, a mis bas et son petit tète avec appétit, preuve d’une bonne santé. Une chose, cependant, inquiète le muté. Le petit n’a pas de poils, mais un duvet blanc, moutonneux comme les nuages, le recouvre. La nuit, si le froid commence à se faire sentir, les adultes ne s’en soucient guère, protégés par leur pelage et leurs constants mouvements. Comment ce petit être pourra-t-il survivre au froid sans des poils épais ? Et comment pourra-t-il être en mesure de chasser un jour avec des plantes de pied aussi roses et tendres ? Il n’a même pas de dents ! Un a de sérieux doutes sur la viabilité du nouveau-né. Sans ce duvet, il croirait presque avoir affaire à l’un des autres, ceux qui pullulaient avant, en des temps bénis où la chasse relevait de l’enfance de l’art : il suffisait de tendre le cou et de mordre.

Elle regarde son mâle d’un air implorant. Elle n’a pu que constater les mêmes malformations chez son petit. Toutefois, elle y semble déjà attachée, aussi Un prend-il une décision surprenante : il va laisser vivre le petit. Aussitôt, des images d’un autre temps viennent le conforter dans son choix. Il sait qu’il n’est pas né Un et se demande parfois si les autres membres de sa meute en ont aussi conscience. Ses rêves continuent de le hanter avec une vigueur renouvelée. À son réveil, il se demande souvent qui il est. Il se ressaisit, il ne peut pas permettre de laisser entrevoir des faiblesses. Les autres mâles en profiteraient pour prendre la place de dominant, très convoitée. Larbin, en particulier, se satisfait difficilement de son rôle de souffre-douleur et peine à cacher sa soif d’ascension.

Alors, Un renifle une dernière fois le nouveau-né et feint de s’en désintéresser. À Elle de s’en occuper, tant que cela ne nuit pas au reste de la meute. Il s’éloigne dans la forêt que le crépuscule automnal embrase et, au passage, mordille Larbin. Pour lui rappeler sa place.

Cette nuit-là, Un entraîne sa meute au nord de leur territoire de chasse. Là-bas dans le ciel se dressent les arbres droits où les mutés n’aiment pas se rendre. Il les contemple si longtemps que le froid s’insinue dans son cou. Vif commence à s’agiter, il a faim. Qu’il attende, pense Un. À l’approche des frimas, son poil s’est épaissi. Le muté n’en est que plus spectaculaire. Néanmoins, sa harde et lui passeront-ils l’hiver qui s’annonce déjà dans la buée que forme son haleine ? De vagues réminiscences s’emparent de lui. Des images de chair déchirée, des hurlements, l’odeur cuivrée qui va de pair. Un a défait de nombreuses meutes de mutés et vaincu leur dominant. C’était nécessaire : aucun d’entre eux n’aurait survécu aux derniers froids sans cela, les réserves de nourriture ne permettaient pas de satisfaire un aussi grand nombre de prédateurs. Un a déjà connu l’hiver, il en est maintenant certain. Il leur faut une tanière où ils pourront se blottir et partager leur chaleur corporelle. Ses souvenirs d’un autre temps lui affirment que ce havre se situe dans la forêt des arbres gris où règnent le silence et des relents de métal.

Deux s’approche, d’un mouvement tournant, soumis. Un montre les dents. Cela suffit, Deux rentre la tête dans les épaules et recule servilement.

Tous droits réservés. Sophie Moulay et Numeriklivres, 2014

Format numérique (ebook) — 69 pages-écrans

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