George Martin n’aimait pas qu’on le nomme “Le cinquième Beatles”

Fred Thomasseau
Shyne
Published in
4 min readApr 2, 2016
George Martin

George Martin, ingénieur du son, producteur artistique, arrangeur, musicien, nous a quittés la nuit du 8 au 9 mars 2016 à l’âge de 90 ans. Il aura traversé le siècle le plus riche musicalement de l’histoire de l’humanité, aura vécu l’essor des studios d’enregistrement, du mythique studio d’Abbey road, et aura contribué à l’envolée d’un des groupes les plus emblématiques de la british pop : The Beatles.

Qu’est-il encore important de dire sur George Martin connu par tous les musiciens du monde, et dont les articles ont pu pleuvoir à grandes averses sur son sujet depuis sa mort ?

Tout d’abord, il me parait important de souligner le véritable rôle de ce que peut être un producteur artistique. Car nombreux sont ceux qui imaginent le producteur derrière la vitre d’un studio, le cigare à la bouche, en pointant le pouce vers le haut, l’air de dire: « c’est bien mes petits poulains, nous allons faire un max de pognon avec ce tube ». Non, ce cliché est celui du producteur financier ou du label manager d’une maison de disque.

Crédit Média : Anthony Martin

Ici, nous allons parler de ceux qui façonnent le son, trouvent des idées d’arrangements, comme par exemple le rajout d’un quatuor à corde sur une chanson comme Yesterday, créent des textures d’orchestres, rajoutent des éléments de musique concrète, des larsens, des ambiances particulières, manipulent les bandes d’enregistrements comme dans l’album Sgt Peppers’s Lonely Hearts Club Band. Dans cet album, on retrouve tous les éléments que je viens de citer. Il a reçu six Grammy Awards en 1967 dont deux sont dédiés à la production de George Martin.

Alors, effectivement, le rôle de ces producteurs créateurs est primordial, et bien qu’ils restent dans l’ombre, ils sont souvent ceux qui propulsent les artistes au sommet, le membre en plus d’un groupe, derrière les manettes du studio : les artisans experts du son, de l’habillage d’une chanson, de l’atmosphère d’un album, les architectes des espaces sonores, les créateurs de texture du son. Leurs compétences, leurs sensibilités, leurs expériences font d’eux les Magister Ludi, les maîtres du jeu, dans les laboratoires du son que sont les prestigieux studios d’enregistrement.

Les producteurs ayant chacun leur propre patte et leur spécialité, certains artistes collaborent avec les mêmes sur plusieurs albums car, la rencontre artiste-producteur révèle une véritable fusion artistique. Quelques exemples de collaboration parmi la longue liste : nous avons Sam Philips avec Elvis Presley, Tony Visconti avec David Bowie, Paul Rothchild avec The Doors, Jack Nitzsche avec Neil Young, Steeve Albini avec Pixies ou encore Nigel Godrich avec Radiohead

Pour ceux qui voudraient aller plus loin dans la connaissance de ces producteurs, je vous recommande le livre Take One/les producteurs du Rock de Nicolas Dupuy aux éditions Castormusic.

Alors, si George Martin n’aimait pas qu’on l’appelle le cinquième Beatles, était-ce peut-être qu’il fut surtout un mentor? Il était de la génération d’avant les jeunes Beatles des années 60, il avait une tête de plus que tous les membres du groupe, il les a signés dans le label Parlophone, branche d’EMI propriétaire des studios d’Abbey Road, car il avait vu en eux une énergie exceptionnelle. Il laissa le groupe s’exprimer sans aucune barrière, à l’écoute, et il sublima leurs chansons. Il était surtout très proche de Paul McCartney avec lequel il garda une étroite collaboration durant sa carrière solo.

Même si George Martin exerça pour nombres de grands artistes tels que America, Jeff Beck, Cheap Trick, Elton John, UFO, ou encore Ultravox, pour ne citer qu’eux, on retiendra surtout de sa carrière, sa patte sonore. Sa patte dont l’empreinte marqua à jamais celle des Beatles. Il n’aimait pas qu’on le nomme le cinquième Beatles car il fut surtout, à mon humble avis, un véritable Pygmalion.

--

--