Comment former un #SlashGen ? 5 premières pistes…
Quand j’ai pris ma fonction de Responsable pédagogique, en réfléchissant à la conception des programmes, la question fondamentale à chaque fois était de se demander : “Comment former un UX ? Comment former un Dév ? …” Si je connaissais ces métiers, la question étaient de trouver les enseignements et leur organisation — afin de constituer une progression pédagogique cohérente. Alors quand Thierry Thevenin a posé la question de savoir pourquoi l’école n’apprend pas à nos enfants à devenir #SlashGen, je me suis naturellement posé la question de ce qu’il faudrait pour les former à cela… Les premiers mots-clés qui me sont venus à l’esprit sont : curiosité, zone de confort, bienveillance.
"Fail and Learn” : (ré)introduire une culture de l’échec
La bienveillance est fondamentale quand on transmet : apprendre, c’est se mettre un peu en danger, celui de ne pas comprendre, de mal faire, d’échouer. Et l’échec est particulièrement absent de nos référentiels. Or, j’adore la pratique du “fail and learn” : ne pas avoir peur de faire et apprendre de ses erreurs pour s’améliorer… Et surtout, parfois, on se rend compte que l’on sait faire, que l’on a de bonnes intuitions, et que beaucoup de choses s’apprennent et s’améliorent avec le temps, la pratique.
“Just do it” : (ré)introduire un goût de l’effort
Le sport permet d’apprendre le dépassement de soi, construit un esprit d’équipe, apprend la rigueur, le respect des règles, donne confiance sur ce que l’on peut demander à son corps, connecte le corps et le cerveau : encore un point souvent absent des référentiels occidentaux sur ce dernier point… Avec le recul, je me suis rendue compte que souvent les coachs (“modernes”, pas sportifs) venaient justement du monde de la compétition sportive. Même s’il y a beaucoup à (re)dire sur ce milieu, il y a un rapport au monde, dans cette “confrontation” avec soi, l’autre, des objectifs, des succès, des ratés, qui forge particulièrement le caractère et la façon de penser. A méditer…
“Tu peux le faire” : (re)donner confiance
Permettre le développement de points de connexions, neuronales certes, mais aussi entre les différents “centres” qui nous constituent est tout aussi précieux : pensée, parole, émotion, action,… Et il faut également arrêter de parler d’intelligence singulière — à un moment où les neurosciences nous aident à mieux nous orienter en la matière, et les favoriser toutes !
Démystifier : la curiosité n’est pas qu’un vilain défaut
Pour éveiller l’esprit, il faut éveiller, développer et cultiver un rapport et un goût à la curiosité et aux cultures, à la mixité des genres que ce soit en musique, en littérature,… dans tous les domaines. Pourquoi empêcher un(e) élève de parler du dernier bouquin qu’il/elle a lu (oui, d’accord, la lecture n’est peut-être pas le meilleur exemple : remplacez par film/jeu/série/… ;) ) parce que ce ne serait pas un “classique” ? Pourquoi reléguer la BD à une “sous-culture” ? Ouvrir les horizons, éduquer oeil, oreille, sensations… pour aider à apprécier, saisir, et se forger un “instinct” plus sûr par l’expérience d’univers différents. Apprendre à développer une argumentation pour aller au -delà du “j’aime/j’aime pas”, savoir prendre position en ayant du répondant. Aider les apprenants à s’acculturer à toutes sortes de cultures est un vrai défi, mais les mettre au contact de passionnés/experts aide souvent ! Cela demande du temps, de la maturation, des qualités de médiation,… mais au final tout le monde en ressort “plus grand”.
Tout cela passe par beaucoup d’expérimentations, donner le goût aux choses et encourager les tentatives, ce en quoi le mouvement DIY et les FabLab, leur philosophie et leur déploiement aident notamment.
Ainsi l’espace d’apprentissage doit savoir parfois devenir atelier, ou bien cet espace change et se trouve à l’extérieur pour aller se confronter à de nouvelles pratiques et défricher de nouveaux horizons. La polémique autour des TAP pouvait faire sens sur un certain nombre de points, néanmoins ces ateliers sont venus “bousculer” des pratiques et enrichir (à plus ou moins long terme si on leur en laisse le temps et si on leur en donne les moyens) les pratiques plus “traditionnelles” d’enseignement.
La disparition des classes d’EMT fait partie par exemple des éléments importants à réintroduire autrement : elles développaient le bon sens, le sens pratique, le sens de la conception (certains diront du design ;) ), et l’usage des outils adaptés que ce soit en bricolage ou en cuisine. Et cela donnait un sentiment d’accomplissement personnel intense ! Donner confiance est un élément, un atout important !
“I had a dream” : favoriser l’imaginaire
Pousser quelqu’un dans le grand bain, lâcher la selle du vélo/enlever les petites roues,… autant d’expression que de gestes significatifs sur le fait qu’à un moment, il faut y aller : cela s’appelle sortir de sa zone de confort. Il y a ce que je maîtrise et ce que j’aimerais maîtriser. Pour passer d’un stade à un autre, il faut accepter de faire un pas vers l’inconnu, parfois de brusquer — plus ou moins — sa nature. Et quand on n’y arrive pas seul, avoir un guide pour “provoquer” le déclic. D’où la notion de bienveillance initiale que l’on retrouve ici. Le “guide”, le “passeur”, ne doit en aucun cas chercher à mettre en échec l’apprenant, juste lui offrir une occasion de réaliser de nouveaux potentiels.
Pour sortir de cette zone de confort, la curiosité aide, mais d’autres ingrédients peuvent aider : développer des ambitions aspirationnelles, en créant de l’intérêt pour des modèles inspirationnels… Le storytelling et le marketing, “nos” pratiques professionnelles usuelles pourraient être hackées pour inspirer aux jeunes générations d’autres ambitions, sans aucun prétexte de “washing” derrière, juste pour leur offrir des chances de vivre à plus de 100% ! Finalement un slasheur, c’est peut-être ça.