Interview : Geoffrey Montagu, un œil neuf sur la photographie
Le hasard fait parfois bien les choses : c’est en s’égarant sérieusement sur Internet que nous avons découvert le travail de Geoffrey Montagu, jeune normand de 23 ans. Mais ne vous fiez pas à son jeune âge, l’animal a déjà des centaines de photographies à son actif (portraits, paysages, reportages, nus, abstrait…). Son travail est emprunt de nature et de poésie, sans doute influencé par ses lectures de Henry David Thoreau et de Charles Baudelaire. Intrigués et curieux, nous avons voulu en savoir plus. Nous lui avons alors posé quelques questions et demandé de revenir sur les 4 photos qui ont marqué un tournant dans son travail. Un exercice auquel il s’est volontiers soumis.
Peux-tu nous dire comment tout a commencé pour toi ?
“J’ai commencé la photo il y a environ huit ans, avec un appareil compact que j’avais reçu de mon frère pour Noël. J’y ai rapidement pris goût ! Déjà assez sensible aux images et au cinéma (mon père était également photographe), j’ai décidé de faire des études axées sur le cinéma et les arts plastiques durant lesquelles je prenais beaucoup de photos de mes amis, de nos aventures, sans prétention. Puis j’ai découvert les blogs de photographes comme Théo Gosselin sur blogspot, la plateforme m’a tout de suite séduit et j’ai décidé de tenir un genre “d’album souvenirs” en ligne.”
Peux-tu nous en dire plus sur ta dernière série de photos intitulée “Shards” ?
“L’idée de base était de mettre en lumière les différences entre les corps, les écarts incroyables qu’il peut y avoir entre les gens, toujours en gardant mes thématiques actuelles sur la nudité et la perception des autres. Le projet a évolué en discutant avec mes modèles, j’aime bien travailler d’égal à égal avec eux, j’aime à penser que ce sont nos photos à nous tous, un travail d’équipe. Donc après avoir déniché des personnes aux morphologies différentes, après 7h de shoot avec 12 modèles, je n’avais pas encore la forme définitive en tête. Puis, avec les photos en mains, je me suis aperçu que je faisais fausse route ; je fabriquais juste des corps difformes. C’était moche, raté et pas très pertinent. Alors j’ai essayé d’arranger ça et à force d’essais, je suis arrivé à ce résultat qui me semblait bien plus proche de mon idée initiale.”
Quels sont les projets sur lesquels tu travailles actuellement ?
“Oh ! J’en ai beaucoup trop ! En ce moment, je me concentre surtout sur mes expositions à venir (ndlr : la prochaine exposition de Geoffrey aura lieu au Cithém festival d’Alençon, à partir du 27 août prochain). Mais dès que j’aurai plus de temps je mettrai en place une nouvelle série, toujours proche des thèmes que j’aborde en ce moment : les corps, la nudité, la perception des autres et de soi-même… Je pense également séparer mon blog et mon site internet personnel, je ne veux pas arrêter une de mes pratiques de la photo au profit d’une autre. Séparer mon “album souvenirs” et mes photos plus travaillées me semble être le meilleur choix.”
A quoi ressemble une journée dans la peau du photographe Geoffrey Montagu ?
“Je me lève assez tôt, même si je ne travaille pas, le matin est mon moment préféré dans la journée. J’aime bien prendre mon temps, me laisser un peu vivre, j’en profite souvent pour passer un peu de temps sur les réseaux sociaux, à la recherche de pistes photo (surtout Intagram, Pinterest et Tumblr). Ensuite je vais au boulot en skate (je fais des photos et des vidéos pour le Cargö à Caen). J’essai de rentrer par une route différente, quitte à faire des détours. J’en profite parfois pour faire des croquis quand une idée me vient, et puis petite mousse entre pote, s’éternisant parfois dans la nuit et je termine souvent au lit devant Netflix avec ma petite amie !”
Avec quels matériels réalises-tu tes prises de vues ?
“Pas grand chose. Actuellement un Canon EOS 600d, j’emprunte tout le reste de mon matériel — surtout la lumière — à mes amis en attendant de pouvoir me l’offrir !”
Tu sembles aussi intéressé par la vidéo, non ?
“Oui absolument ! J’ai participé à pas mal de tournages et j’ai réalisé mes propres courts métrages. J’ai quand même encore pas mal de progrès à faire… Récemment j’ai participé au dernier clip du groupe Caennais “Shake the Ronin” par exemple. Je suis aussi un participant actif du “Festival Kino Caen” depuis maintenant deux ans.”
Ou trouves-tu l’inspiration ?
“Photographies, cinéma, musiques… Internet est bien pratique pour ça : sa profusion de contenus me donne un bon nombre de pistes à explorer. Cependant, les œuvres pré-existantes me servent davantage de repères, de références. Je pense que ma plus grosse source d’inspiration vient de l’observation des gens, des lieux, de la lumière. La nostalgie est aussi très influente chez moi.”
Quels sont les photographes et/ou réalisateurs dont tu aimes le travail actuellement ?
“En ce moment, je suis beaucoup le travail d’Àngela Bùron sur Instagram. Je recommande également les photos de Charlotte Abramow, celles d’Anka Zhuravleva et bien sûr Arno Rafael Minkkinen. Coté réalisation, je suis un inconditionnel de Jim Jarmush et de John Carpenter !”
Que peut-on te souhaiter pour l’avenir ?
“Pouvoir continuer à créer, à m’améliorer et à explorer.”
En plus de l’interview que vous venez de lire, nous avons demandé à Geoffrey Montagu de choisir 4 photos parmi les centaines qu’il a déjà prises et de nous dire pourquoi chacune d’entre elle marque un tournant dans son travail.
Choix n°1 / Danse — 2013
“Voici ma toute première photo “travaillée”. J’entend par là que c’est la première fois ou j’ai mis en scène la photo pour créer l’image que j’avais imaginée au préalable. C’est assez maladroit mais j’ai réussi à faire quelque-chose d’assez proche de ce que j’imaginais à l’époque.”
Choix n°2 / Rémi rouge — 2014
“Cette photo provient d’une série de portraits que j’avais réalisé pendant une soirée avec des amis. J’ai eu l’idée — un brin ivre — de filtrer le flash de mon appareil avec mon verre de vin rouge, j’ai ensuite pris moult portraits des convives. C’est idiot mais ça m’as vraiment donné envie d’utiliser des lumières plus sophistiquées pour faire des photos plus travaillées. Ne pas seulement profiter de la lumière présente, mais la créer et la modeler. Celle-ci est ma préférée de la série !”
Choix n°3 / Eye don’t know (yeux ne sait pas) — 2015
“Cette photo marque le début de ma thématique sur le corps, que je poursuis encore aujourd’hui. Je suis particulièrement content du résultat pour cette photo. C’est aussi la première fois que j’utilisais la lumière comme outil dans ma photo, pour lui donner son sens (à noter que le choix du rouge viens clairement des “portraits vin rouges” tels que la photo ci-dessus).”
Choix n°4 / Pleine Éclat — 2016
“Cette série est la plus ambitieuse que j’ai réalisé et de très loin. Je me suis donné beaucoup plus de mal que d’habitude, notamment pendant la prise de vue, j’ai du m’adapter à un planning précis, travailler avec des modèles que je ne connaissais parfois quasiment pas, très rapidement nus ; diriger des personnes qui n’ont parfois jamais été prises en photo, ne pas le faire n’importe comment pour pouvoir réaliser le montage sereinement… Mais surtout cette série marque pour moi une vrai rupture. J’ai reçu bien plus de retours qu’à mon habitude, tous très encourageants, et plus que jamais j’ai le sentiment que mon activité est plus qu’une simple passion.”
Vous pouvez retrouver le travail de Geoffrey :
- Sur son blog : http://geoffreymontagu.blogspot.fr
- Sur son Instagram : https://www.instagram.com/geoffreymontagu/
Et vous retrouverez toute son actualité sur :
- Facebook : https://www.facebook.com/geoffreymontaguimagemaker/
- Twitter : @GeoffreyMontagu
Vous pouvez participer à la collecte de fonds qu’il organise sur Ulule pour “l’aider à vous montrer ce qu’il imagine” :