Marketing Viral : Est-ce que toutes les émotions se valent ?

Est-ce que toutes les émotions se valent ? Quelles sont les émotions qui encouragent le partage et, au contraire, celles qui le neutralisent ?

Sébastien BAUER
So Molto !
11 min readOct 16, 2018

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Temps de lecture estimé : 10 minutes

Cet article est le 3ème de notre série sur le Marketing Viral. Si vous n’avez pas vu les autres :

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Cette semaine, nous allons parler des émotions et de comment provoquer le bouche à oreille en utilisant les bonnes stimulations.

L’étude des articles populaires

Pour étudier la viralité, la colonne des articles populaires d’un site est un cas d’école très intéressant.

Les gens adorent partager des informations. Nos opinions, nos commérages, nos avis façonnent nos relations. A l’heure d’Internet, partager un message est d’autant plus simple. Les sites d’actualités ont tous une catégorie sur les articles les plus populaires qu’ils publient.

Et heureusement ! Car nous n’avons pas forcément le temps de lire tous les articles et de regarder toutes les vidéos disponibles sur les blogs ou sur YouTube. Par conséquent on se fie à ce que les autres ont consulté ou aimé.

Un article ou une vidéo va devenir de plus en plus populaire alors qu’un article ou vidéo qui ne l’est pas va s’enfoncer de plus en plus dans l’oubli.

C’est d’ailleurs exactement comme ça que fonctionne YouTube. Sur la colonne des vidéos recommandées, YouTube va afficher des vidéos à un certain nombre d’utilisateurs. Plus un nombre important de ces utilisateurs cliquent sur cette vidéo, plus YouTube va la montrer à d’autres utilisateurs.

Réfléchissons quelques instants à l’impact de cette catégorie des articles populaires. Si on s’informe uniquement via la catégorie, imaginez à quel point cette simple colonne peut façonner l’opinion publique.

Si un simple article se retrouve pour une quelconque raison dans la liste des articles populaires, il va être vu par des milliers d’internautes. C’est de cette façon que certains faits divers a priori mineurs deviennent de véritables scandales, tandis que d’autres informations bien plus importantes et concernant plus de monde sur le papier passent complètement inaperçues.

Alors quels sont les ingrédients qui font qu’un article est populaire ou non ? Une cellule a été mise en place pour étudier, analyser et noter les articles du New York Times en fonction du critère d’intérêt et d’utilité.

Par exemple, l’article sur la façon que Google avait d’utiliser ses données pour voir la propagation de la grippe reçu une note importante sur l’échelle de l’intérêt. L’article sur les moyens de contrôler son dossier de solvabilité reçu une note élevée sur l’échelle de l’utilité.

D’un point de vue statistique, les articles intéressants avaient 25 % de chance de faire partie des articles les plus populaires. Les articles utiles eux, avaient 30 % de chance de rentrer dans cette catégorie.​

L’intérêt et l’utile favorisent la popularité. Pourtant on retrouve parfois des articles ayant une note très faible sur l’échelle de l’utilité ou de l’intérêt, notamment les articles sur les découvertes scientifiques.

Les intrus du système

En octobre 2008, Denise Grady, journaliste scientifique au New York Times, publie un article nommé «le mystère de la toux capté sur film ». L’article parlait de la théorie dynamique des gaz et des fluides dans la recherche médicale.

Dans l’article, on voit une photo d’un homme qui tousse.

Quelques heures après la publication de l’article, des milliers de personnes l’avait envoyé à leurs proches. Comment expliquer un tel engouement autour d’une thématique aussi complexe ?

Cet article ne présente pourtant aucun des deux ingrédients dont nous avons parlé dans les deux précédents articles : pas d’accumulation particulière sur le capital social, et pas de déclencheur, d’autant plus que l’article a été publié quatre mois avant la saison de la grippe.

Denise Grady a une façon bien à elle d’écrire ses articles. Quand elle était jeune et qu’elle s’intéressait à la science, son professeur de chimie lui a donné un compte rendu d’une expérience célèbre de Robert Millikan sur la mesure de la charge d’un électron.

Ce document était très compliqué à comprendre. Denise dû lire et relire le rapport de nombreuses fois pour y comprendre quelque chose. Mais lorsqu’elle a compris, toute la lumière s’est faite dans son esprit. C’est ce qui l’a rendu accro à la science : l’excitation provoquée par la compréhension d’un sujet complexe. Cette expérience l’a tellement marquée qu’elle voulait le vivre encore et encore.

C’est exactement ce qu’elle essaye de faire dans ses articles : provoquer chez ses lecteurs cet enthousiasme qu’elle a vécu ce jour-là : la magie d’une découverte scientifique. En réalité, c’est grâce à la photo ci-dessus que l’article a déclenché le bouche-à-oreille. Elle a provoquée des émotions chez le lecteur.

Lorsqu’on ressent quelque chose on en parle.

L’émerveillement : Susan Boyle

L’émotion provoquée par l’article scientifique est en réalité la même qui a propulsé Susan Boyle au sommet.

Susan Boyle est apparue en 2009 dans l’émission Britain’s Got Talent, l’équivalent chez nous de la France a un incroyable talent.

Elle faisait plus que le double de l’âge des autres candidats. En plus, Elle semblait avoir désespérément besoin d’un spécialiste relooking. Pour finir, elle était tellement nerveuse qu’elle s’emmêla les pinceaux à la première question du jury. Elle expliqua que son rêve était de devenir une chanteuse professionnelle. Le jury voulait qu’elle se dépêche de chanter pour qu’on en finisse le plus rapidement possible avec elle.

Personne ne lui accordait le moindre crédit … jusqu’à ce qu’elle se mette à chanter.

Sa voix était à couper le souffle. Elle était tellement belle et puissante que le jury en avait la chair de poule. Cette vidéo est l’une des plus virales de toute l’histoire.

En neuf jours, elle a été consultée plus de 100 millions de fois.

La performance de Susan Boyle était profondément émouvante et inspirante. C’est précisément ce sentiment d’émerveillement qui a encouragé le bouche-à-oreille.

Suite à cette découverte, les spécialistes ont étudié si l’émerveillement ressenti par les lecteurs contribuait à la popularité des articles.

À la fin de l’étude, ils ont constaté que l’émerveillement avait 30 % de plus de chance de faire partie de la liste des articles les plus populaires.

Est-ce que toutes les émotions se valent ?

Mais alors est-ce que toutes les émotions suscitent le bouche-à-oreille ? Le simple fait de parler d’une expérience affective l’améliore.

Si vous recevez une promotion vous aurez plus tendance à en parler et à la fêter que de garder cette nouvelle pour vous. Si vous avez été licencié, vous aurez tendance à en parler pour vous aider à passer votre colère. Partager les émotions crée des liens.

Être dans le même état d’esprit que vos amis consolidera vos relations, car il mettra en évidence vos ressemblances. Ça vous rappellera ce que vous avez en commun. Le partage d’émotions entretient et renforce nos relations et crée de la cohésion sociale.

Que vous partagiez avec quelqu’un une information qui provoque un fou rire ou, au contraire qui vous rend furieux, cela consolidera vos liens parce que cela mettra en évidence ce que vous partagez en commun.

Est-ce que ça veut dire alors que tout type de contenus affectifs encourage les échanges ? La cellule a étudié les articles provoquant de la tristesse. L’objectif était de voir si un article comme par exemple le deuil provoqué par le décès d’une grand-mère était autant partagé.

Il semblerait que la tristesse eu l’effet contraire : ces articles avait 16 % de moins de chance de faire partie des articles populaires. Est-ce que cela signifie que les émotions désagréables se partagent moins que les émotions agréables ?

Pourtant, on dit souvent que les nouvelles négatives sont plus virales. Dans les journaux télévisés par exemple, ils traitent davantage des mauvaises nouvelles que des bonnes. A contrario, les gens préfèrent transmettre de bonnes nouvelles que des mauvaises.

D’une manière générale, on préfère rendre les autres heureux plutôt que tristes et anxieux. D’après la théorie sur le capital social, on cherche à faire bonne impression lorsqu’on échange avec autrui.

Pour trancher cette question épineuse, ils sont aller vérifier du côté de deux autres émotions négatives : la colère et l’angoisse.

Les articles sur les banques qui ont touché de belles primes durant la crise financière ont suscité beaucoup de colère, et les articles sur les catastrophes naturelles ou l’effondrement de la bourse ont suscité de l’angoisse.

Ces articles là étaient beaucoup plus susceptibles de se retrouver dans la liste des articles populaires. La question n’est donc pas “Est-ce que les émotions positives se partagent mieux que les émotions négatives”, mais plutôt “Comment classer les émotions qui suscitent le partage par rapport à celles qui, à l’inverse, le neutralisent”.

La méthode de classification des émotions utilisée par les psychologues

Nous, les moldus, nous distinguons les émotions de manière simple : positive ou négative. N’importe qui est capable de faire cette distinction.

Depuis quelques temps, les psychologues soutiennent une autre manière de classifier une émotion. Pensez à votre dernière prise de parole en public, ou un moment marquant de votre vie. Ce moment où vous avez eu peur d’un danger, ou ce moment où vous avez dit à quelqu’un que vous l’aimiez.

Votre cœur battait fort; votre pouls s’est accéléré, vous étiez en alerte, prêt à réagir. Vous étiez stimulé physiologiquement. La stimulation physiologique vous prépare et vous pousse à l’action.

Elle vient de votre cerveau reptilien, hérité de l’évolution, lorsque l’homme préhistorique cherchait à éviter un danger ou prenait des risques pour se nourrir. Le lien est là : les émotions qui vous stimulent physiologiquement vous encouragent au partage.

L’émerveillement, l’enthousiasme et la joie, au même titre que la colère ou l’angoisse, vous encouragent à échanger avec autrui.

A l’inverse, la tristesse neutralise l’action : elle vous met dans un état apathique, dans l’inaction. La satisfaction, émotion pourtant positive, a exactement le même effet sur votre organisme. Vous n’avez pas particulièrement envie de faire quoi que ce soit.

Vous regarderez différemment les publications Facebook de vos amis et les réactions qu’elles suscitent : la plupart du temps, il s’agit de contenu qui provoquent une émotion à forte stimulation.

Enflammez les cœurs quand vous êtes un algorithme

La plupart des messages passent totalement inaperçu parce qu’ils produisent uniquement du contenu informatif.

Si présenter les faits de manière objective et logique fonctionnait pour convaincre, personne ne fumerait ou conduirait au dessus des limites autorisées.

Pour être persuasif, il est plus intéressant de jouer sur les émotions et les sentiments pour marquer les esprits et pousser à agir. Même les produits sur le papier les plus ennuyeux peuvent provoquer des émotions qui incitent au partage, comme nous l’avons vu avec BlendTec par exemple, qui broie des iPhones dans son Blender.

Anthony Cafaro a été embauché chez Google en 2009, à la sortie de ses études en tant que designer. Il se retrouve donc propulsé dans le Creative Lab de Google. Très vite, il comprend qu’il y a un gouffre entre la partie créative de Google, et le reste de l’entreprise, basé sur des choses très concrètes comme par exemple l’algorithme.

Chez Google, les couleurs sont avant tout des décisions mathématiques : si vous ne pouvez pas prouver par A + B que votre couleur va améliorer quantitativement l’expérience, vous allez être face à un refus.

Anthony Carafo s’est retrouvé confronté au même problème lorsque Google lui a demandé de créer du contenu pour promouvoir les fonctions de la nouvelle interface de recherche.

L’objectif d’Anthony était d’humaniser l’algorithme. Le but était de présenter les fonctionnalités de Google, mais également de se connecter émotionnellement avec les gens. Il créa la vidéo Parisian Love.

La vidéo fit l’unanimité chez l’équipe marketing de Google. Elle a été lancé au grand public. Google n’avait pas produit une simple publicité, ils ont produit une vidéo virale.

Ils n’ont pas investi des millions de dollars dans cette publicité. Ils ont juste rappelé aux utilisateurs ce qu’ils aimaient faire avec Google.

L’effet de contraste

D’une manière générale, si vous voulez que les gens passent à l’action, vous devez leur faire ressentir des émotions stimulantes.

Si vous voulez être positif, inspirez-les, enflammez-les, montrez à quel point ce qu’ils font ont de l’impact. Si vous voulez être négatif, mettez-les en colère, inquiétez-les, mais ne les rendez pas tristes.

Beaucoup ont peur d’utiliser les émotions négatives, par peur de nuire à leur marque. Pourtant, vous pouvez utiliser les émotions négatives comme effet de contraste, comme l’a très bien fait BMW avec sa série de films publicitaires “The Hire”.

On y voit kidnapping, mafias, règlement de compte, raids policiers … Bref, on est loin de la traditionnelle pub où la voiture roule sur une route de campagne.

Ces pubs ont totalement été visionnées 11 millions de fois sur le web, et ont tellement stimulé les spectateurs que les ventes de BMW ont augmenté de 12%.

Savoir utiliser de fortes stimulations marquera davantage les esprits et encouragera le partage.

La pire fausse bonne idée

Le danger avec le Marketing Viral, c’est justement la possibilité de créer un monstre incontrôlable : le bad buzz. En 2008, ce fut l’année de la première semaine internationale des moyens de transport des bébés.

Improbable ? Le port du bébé en écharpe remonte à la nuit des temps et, selon les experts, il consoliderait le lien entre la mère et l’enfant, en améliorant même sa santé. Cependant, les poussettes ont fini par le remplacer. C’est pour cette raison que cet événement a été créé, afin d’encourager les gens aux 4 coins du monde à renouer avec cette pratique.

Le fabricant de comprimés Antidouleur Mortin a décidé d’aller jouer sur l’événement pour y faire du profit. Il a produit une publicité axée sur les différentes douleurs que pouvait ressentir une mère qui utilisait le porte bébé.

“Il fait officiellement de moi une mère. Et si j’ai l’air fatiguée et fêlée, les gens comprendront”. Cette pub a fait littéralement scandale. Elle a été prise comme une insinuation au fait que les mères qui suivaient cette semaine spéciale le faisaient pour être “à la mode”.

Sur Twitter, c’était l’incendie. De nombreuses mères ont pris d’assaut le réseau social pour exprimer leur mécontentement. De très nombreux blogs ont commencé à relayer le Bad buzz, comme par exemple le New York Time.

Les consommateurs ont même appelé au Boycott, à tel point qu’en quelques semaines, 70% des résultats des recherches comprenaient “Mortin” et “Maux de tête” et faisaient référence au scandale publicitaire de la marque.

Cette histoire nous donne une leçon importante : surfer sur un événement de manière maladroite peut avoir de graves répercussions. Plus vous allez être capable de maîtriser les différentes subtilités du Marketing Viral, plus vous allez vouloir tester des choses.

Amusez-vous … mais faites attention avec le feu !

Pour aller plus loin

J’ai traité ce sujet plus longuement dans mon podcast sur le Marketing Viral. J’ai un épisode entier dédié aux émotions, avec des exemples supplémentaires pour apprendre à susciter les bonnes émotions au bon moment.

Vous pouvez l’écouter sur Spotify & Apple Podcast.

Si vous n’avez pas l’habitude d’écouter des podcasts, c’est un excellent format pour apprendre des choses sur le trajet du travail ou chez vous pendant des tâches du quotidien, en préparant à manger par exemple.

Si le sujet vous intéresse, j’ai également rédigé un guide complet sur le marketing viral que vous pouvez retrouver ici.

La semaine prochaine, on parle de la visibilité. A très vite !

Je publie aussi sur 112vente.fr.

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