L’Université où mes enfants voudront aller

Marine Plossu
9 min readSep 29, 2015

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Nouveaux défis pour l’éducation

Dans un monde où tout est incertain, où 1 métier sur 2 n’existera plus dans 20 ans, où les entreprises n’offrent plus suffisamment d’emploi pour toute la population active et peinent à retenir leurs talents, la jeunesse n’a d’autre choix que de s’en remettre à elle-même !

C’est ce que nous expliquait Emmanuelle Duez, au Positive Economy Forum le 18 septembre dernier en s’appuyant sur une étude menée auprès de 3000 jeunes de moins de 20 ans de la fameuse génération Z.

Demain, les entreprises qui retiendront les talents seront celles qui sauront se comporter comme des écoles, permettant à leurs collaborateurs d’apprendre en continu !

Dans ce contexte, à quoi ressemblera l’école de demain ? Plus encore, à quoi ressemble l’école aujourd’hui ? Celle qui nous permet d’apprendre, sans s’en apercevoir (comme dirait Pascal).

Prenons l’exemple d’une communauté qui agit : MakeSense.

Pour ceux qui ne connaissent pas, MakeSense est un mouvement qui s’est fixé comme objectif de résoudre les grands défis de notre siècle en aidant des entrepreneurs sociaux, grâce à une communauté de citoyens dotée d’outils de créativité et d’innovation. MakeSense a aujourd’hui l’opportunité de se déployer dans 10 régions du monde, notamment grâce au soutien de 500K€ de Google. Pour nous soutenir, il suffit d’un clic sur http://bit.ly/4sense :)

Être bénévole dans MakeSense, c’est une expérience unique, je pense vraiment que le mouvement a en lui une recette inouïe, empreinte des valeurs plébiscitées par les générations futures : on y apprend en faisant et plus encore, en s’engageant !

Lorsqu’en 2013, nous avons demandé aux bénévoles de MakeSense les raisons pour lesquelles ils continuaient de s’engager, ils ont répondu « parce que j’apprends énormément. La créativité, la collaboration, l’anglais, le community management, etc. ». C’était aussi mon cas quand j’ai rejoint la communauté en 2011. Petit à petit, en réalisant le potentiel d’apprentissage de MakeSense, nous avons commencé à imaginer le SenseCampus ! C’est l’histoire que je vais vous raconter ici.

Besoin d’une nouvelle vision

Qu’allait changer ce campus ? On s’est dit qu’on y apprendrait pas un métier mais plutôt à agir sur les grands problèmes de notre siècle.

Parce que ce n’est pas 1 métier que nous aurons dans trente ans mais une infinité ! L’école doit donc nous permettre de découvrir nos sources de motivation pour nous permettre de trouver une place dans la société, une utilité. Connaître ses sources de motivation et avoir la capacité de créer son propre emploi, c’est rassurant dans un monde d’incertitude. Le faire en contribuant à l’action d’un groupe plus large et global concentré sur une problématique sociale et/ou environnementale c’est encore plus motivant !

Retours sur une histoire d’engagement et de pédagogie

J’ai moi-même été guidée par ce sentiment très tôt ! Lorsque j’étais au lycée, un professeur est venu nous proposer de faire une collecte pour les Restos du Cœur. A la fin de la classe, je suis allée voir mon amie et on a décidé de se lancer dans cette aventure. On a convaincu le père d’un ami qui possédait un supermarché de nous laisser y faire la collecte. Et puis on a réuni une dizaine de camarades pour nous prêter main forte le jour J. Avec tous ces efforts, on a fini par remplir en une journée un camion entier de denrées alimentaires pour les Restos du Cœur. On était hyper fiers !

Et moi, à la fin de la journée, j’avais fait une bonne action mais j’avais aussi appris plein de choses. Par exemple, à mener une initiative de A à Z … c’est ce qu’on appellerait en entreprise la gestion de projet. A motiver et emmener des camarades avec moi. Ça, ça se rapproche du community management, à trouver des solutions à des problèmes… ça s’appelle aussi la créativité ! Et tout ça, c’est justement les compétences que recherchent aujourd’hui les entreprises.

Et puis j’ai appris quelque chose qui est plus difficile à décrire… En fait je me suis sentie puissante ! Puissante par opposition au sentiment d’impuissance qu’on ressent quand on pense à la faim dans le monde, aux personnes qui n’ont pas accès à l’éducation ou à la situation des personnes réfugiés… et qu’on a l’impression de ne rien pouvoir y faire !

Ce sentiment ne m’a plus quittée et il a même influencé tout le reste de mon parcours.

En retrouvant cet engagement dans MakeSense, nous avons développé avec mon acolyte Caroline cette théorie de l’apprentissage par l’engagement, en créant SenseSchool, la branche pédagogique de Makesense.

Caroline l’explique en reprenant les mots de B. Franklin :

« TU ME DIS, J’OUBLIE. TU M’ENSEIGNES, JE ME SOUVIENS. TU M’IMPLIQUES, J’APPRENDS. »

Et le SenseCampus était né

La mission du SenseCampus est d’engager chaque année des milliers d’étudiants, qu’ils soient futurs ingénieurs, chercheurs, architectes, managers, sociologues, auprès des associations et entrepreneurs sociaux.

Dans les domaines de la santé, éducation, lutte contre la pauvreté, etc. tout en leur permettant de développer leurs compétences en marketing, en finance ou en design par exemple.

Pour que les étudiants y utilisent leurs neurones afin de résoudre les problématiques d’innovations de ces projets, pendant 1 journée ou 6 mois, tout en appliquant leurs connaissances sur les matières classiquement enseignées.

Et, pendant ces programmes, l’objectif est aussi de développer des savoirs êtres comme l’empathie, l’écoute active ou la curiosité. Pourquoi ? parce que demain les savoirs faire techniques, ce seront les talents des machines ou alors on les apprendra sur le tard en entreprise. Et c’est déjà le cas ! Souvenez-vous de vos premiers jours de boulot, du décalage entre les connaissances acquises pendant vos études et ce qu’on vous demandait de faire. Apprendre à faire un plan de financement peut être compliqué, mais une fois qu’on a été formé, qu’on a compris la technique, ça devient facile, voire mécanique pour certains.

Et nous pensons que c’est cela que doit transmettre l’éducation de demain !

Et c’est grâce à cela que les étudiants peuvent, et pourront, résoudre des problématiques aussi complexes que :

  • Comment faire du sport un outil de prévention santé chez les personnes âgées ?
  • Comment re-engager les décrocheurs scolaires par la création d’un cours en ligne ?
  • Comment permettre au foyer à très faible revenu de faire des économies conséquentes sur leur facture d’énergie ?

Donc dans notre recette du SenseCampus on a : du sens (apprendre en s’engageant), de l’action (apprendre en faisant) et de l’enthousiasme (apprendre en se réalisant).

Aller plus loin…

Maintenant qu’on a trouvé cette recette, comment aller plus loin que notre impact sur les étudiants et les projets aidés ?

Si nous voulons résoudre les problèmes à long terme, il est nécessaire que nos étudiants deviennent des entrepreneurs sociaux bien sur, mais également des cadres d’entreprise, des directeurs de cabinets, un directeur d’organisation internationale comme la banque mondiale.

Car c’est avec tous ces acteurs que nous parviendrons à résoudre ces problèmes et c’est dans ces carrières que nos étudiants doivent aussi pouvoir se réaliser. C’est dans celles ci qu’ils pourront incarner leurs ambitions et leurs nouvelles compétences.

C’est ce qu’on a pu observer avec le programme What the food, monté pour lutter contre le gaspillage alimentaire.

Dans cet exemple, il y a avait 1 groupe de 6 étudiants, 1 start up sociale qui travaillait déjà à réduire le gaspillage dans les supermarchés, Le CROUS et le ministère de l’Agroalimentaire ainsi qu’un grand groupe de la restauration collective.

A eux tous, ils ont réussi à construire l’outil que les étudiants allaient réellement utiliser pendant les temps de repas. Et ce projet, les étudiants le racontent à leurs parents mais aussi à Madame la ministre de l’éducation !

Rien n’aurait été possible si nous n’avions pas fait collaborer tous ces acteurs. C’est cette synergie qui nous permet d’avoir un impact intéressant à moyen terme.

Pour incarner cette vision, dans notre campus, les étudiants choisissent une cause qui leur tient à cœur et les professeurs et personnes qui travaillent avec eux sur les projets sont les directeurs d’agence de développement, les directeurs d’entreprises ou encore les entrepreneurs sociaux.

Non pas parce qu’ils ont plus de choses à leur apprendre, mais parce que les élèves de l’école les challengent aussi à aller plus loin !

C’est exactement ce qu’il s’est passé dans l’expérience What The Food. Et ce modèle nous sort vraiment d’un schéma ascendant de l’enseignement. On le quitte pour entrer dans la collaboration, quelque soit l’âge, le sexe, les compétences et la réputation des acteurs.

Notre génération a des outils incroyables, de nouvelles possibilités avec les technologies que les aînés ne soupçonnent même pas.

Vers de nouvelles possibilités

Il y a 10 ans, lorsqu’on décidait de reforester l’Amazonie, il fallait des moyens financiers, logistiques et politiques colossaux. Aujourd’hui, vous pouvez équiper un drone de quelques milliers de graines et commencer tout seul.

Imaginez le monde de demain si tous les étudiants peuvent identifier et avoir une action sur la cause et la problématique qui les touche et leur donne envie d’agir ? Imaginez aussi que le cœur du problème soit à des milliers de kms de chez eux !

Alors imaginez enfin qu’ils aient l’opportunité de se former là-bas avec les acteurs du terrain et au cœur des enjeux.

Par exemple, un enjeu qui me touche est l’accès à l’éducation pour les femmes. Aujourd’hui je suis convaincue que c’est une des clés du développement de beaucoup de pays.

En rentrant dans le SenseCampus, je vais pouvoir aller sur le terrain, comme lorsque j’étais au lycée, à la rencontre d’associations qui développent des actions concrètes dans des contextes variés sur la question de l’éducation. Par exemple, je vais pouvoir monter une campagne de communication en France avec des interlocuteurs de l’Unesco. Organiser un atelier de créativité dans une école qui travaille à développer le leadership des petites filles.

Et ce n’est qu’une fois que j’aurai pu appréhender ces enjeux, le vécu, les contraintes et la complexité de l’action de ces acteurs que je serai suffisamment aguerrie pour débuter ma carrière aux Nations Unies, dans une entreprise sociale ou encore en créant ma propre école.

Be ready!

Nous ouvrons en cette rentrée le premier SenseCampus africain à Dakar avec en partenariat avec l’Institut Africain de Management. (D’ailleurs, nous cherchons à compléter l’équipe sur place avec un Chef de projet Innovation, coordinateur et animateur pédagogique inspiré, rigoureux et audacieux! ) Mamba, community développer sur place a organisé plusieurs dizaines d’ateliers de créativité pour des entrepreneurs sociaux et un SenseCamp, grande conférence avec un format original qui a permis d’affirmer la crédibilité et l’impact de MakeSense. Sans lui et tout le travail qu’il a fourni, nous ne pourrions pas envisager de créer le SenseCampus Dakar !

Et des SenseCampus, on en veut partout dans le monde pour que tous les étudiants aient l’opportunité d’apprendre en s’engageant sur des causes qui les touchent !

Partagez vos idées pour accélérer des projets autour de l’éducation et du développement de compétences : forward.makesense.org/education

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Marine Plossu

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