Le jour où j’ai perdu le goût

Clémence Boxb : Clem 2.0
Emoti(ve)
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3 min readJun 2, 2021

Nous sommes à la rentrée 2025 et c’est la première rentrée de ma fille, je découvre ses activités de la journée et elle me demande avec son petit sourire : « Maman, est-ce que tu peux me raconter 2020 », je repense alors à l’année où j’ai commencé à perdre le goût, un de mes sens les plus précieux.

J’étais adepte de la nourriture de qualité, n’ayant jamais fait attention aux quatre-saisons. J’ai grandi avec des rêves d’entrepreneuriat, avec le goût du challenge, la vision que rien n’est grave tout ira bien. Je pensais que l’innovation pourrait nous donner des ailes et je ne pensais pas vivre un jour une des plus grandes crises mondiales. Je n’avais pas signé pour ce monde-là, en quelques mois ma vision du rêve et de la liberté à complètement changé. Il y a des épisodes qui marquent à jamais.

En quelques mots et minutes, les maisons et les appartements se sont transformées en prisons dorées, nous y avons passé deux mois, internet avait presque plus de valeur que l’or. Les gens sont devenus sportifs, cuisiniers, et même créatif. Nous avons créé des liens virtuels si fort et nous ne réalisions pas que nous étions entrain de vivre une époque hors du commun. Puis nous avons retrouvé le monde d’avant, un goût passager est revenu avec beaucoup d’inconscience et d’ignorance, je me souviendrais de cet été-là, les soirées sans précautions avec l’idée que septembre, la fameuse rentrée serait sans conséquence.

Mais les rêves ont tous une fin. Ma liberté a été contrôlée et manipulée, les frontières se sont fermées et ouvertes au grès des petits chefs que nous avons décidé d’élire pour prendre des décisions qui ont un impact sur la vie et la mort. Ma fille, je ne pensais pas vivre cela un jour. C’était une époque d’incertitude.

Le monde que j’ai connu m’a été enlevé, je n’ai plus le goût de rien, tout ce qui me faisait plaisir est supprimé : la motivation n’est plus la. Les gens dans la rue, dans les bars ont perdu leur sourire, j’aimerais tellement que tout cela soit un rêve, mais on ne voyait pas la fin de ce rêve, c’était un cauchemar, pendant plus d’un an le monde avait été mis sur pause, tout dépendait d’un seul chiffre celui de la croissance du nombre de cas. C’était plus important que la réussite, l’amour ou même l’économie. On commençait à se rendre compte que la vie était plus important que tout le reste. J’ai vécu dans la peur, la peur de l’échec, du regard des autres, et même de l’amour. J’ai perdu ma confiance en moi. J’ai eu du mal à goûter pleinement à la vie, mon cœur a commencé à se fermer davantage, j’avais un goût tellement amère dans la bouche.

Les sourires, l’odeur du tabac froid en fin de soirée, les débriefs post boite de nuit, me manquaient et je ne pensais jamais dire cela un jour. La phrase à la mode « rendez 2020 », qui sonnait dans ma tête comme rendez moi le goût des choses, j’ai perdu ma créativité, mon énergie, je me suis mise à tousser, et même à m’étouffer.

J’avais une certaine forme d’admiration pour ces gens qui arrivaient à continuer leur vie, en rayonnant. Puis j’ai enfin réalisé qu’il fallait apprendre à vivre avec ce virus et continuer à vouloir réaliser ses rêves et moi aussi, j’avais le droit de rayonner. Nous avons alors reconstruit un monde sur de nouveaux socles dont même les fondations étaient à revoir.

Mais j’ai repris le contact, je me suis mise à écrire et à partager mes pensées. Je me suis relevée et je suis devenu la personne que j’ai toujours rêvé d’être, inspirante et rayonnante. J’ai pris la parole sur des sujets qui me passionnent et j’ai enfin pu respirer. Pour l’anecdote, j’ai vraiment récupéré un petit peu de goût, le jour où nous avons fait tomber les masques, une sensation de liberté, le vent sur mon visage, le sourire aux lèvres le monde rayonnait autour de moi. Mais qu’est-ce que l’on oublie vite.

Maintenant à l’école, nous apprenons à gérer la fin de monde, la gestion de crise. Le salon du survivalisme a remplacé le célèbre salon de la tech parisien. Je consomme au grès des saisons, je savoure chaque instant de liberté.

En 5 ans, j’ai appris à prendre ma vie en main, à savourer chaque instant de liberté, mais il faut avoir traversé des gouffres pour goûter pleinement à la vie.

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Clémence Boxb : Clem 2.0
Emoti(ve)

Étudiante en Master 2 Management de la technologie et de l’innovation et présidente de l’association Genius Global. Je suis hyper mobile et connectée !