Alignement à l’échelle — Gérer des flux plutôt que des périmètres

Sebastien Chauffray
Starz Group
Published in
5 min readJun 25, 2020

(English version)

Pour faire suite à notre série d’articles sur “comment fixer de bons objectifs”, je souhaitais partager une réflexion sur la boîte à outils que nous mettons actuellement en place pour gérer l’alignement à l’échelle.

Disclaimer : plus qu’une suite d’outils, il s’agit plutôt d’un partage du concept que nous développons.

Comme indiqué dans un précédent billet, à Veepee, nous expérimentons le voyage des OKRs depuis plusieurs années maintenant, et nous en tirons toujours des enseignements. Cette boîte à outils vient s’ajouter aux OKRs. Hum… une première question pourrait (devrait) être posée : pourquoi avons-nous besoin d’un complément au framework OKR ?

Et bien, la raison principale est le contexte. Nous avons défini l’organisation produits pour gérer l’important SI de Veepee en développant des valeurs comme l’ownership, la responsabilisation, la spécialisation et l’autonomie des équipes. En parallèle du business as usual, nous avons des programmes de transformation stratégique pour l’entreprise qui nécessitent beaucoup d’alignement, beaucoup de synchronisation, et créent moulte dépendances. Oui … dit en d’autres termes : d’une part, nous voulions découpler l’organisation, et d’autre part, nous avons créé un couplage fort avec le programme de transformation. Rétrospectivement, c’est la vie de beaucoup d’entreprises, avoir des rythmes différents selon les périodes. Et sans remettre en cause l’ensemble de l’organisation pour passer ce cap, nous devions nous adapter.

Adaptation

Les besoins en matière d’adaptation peuvent être classés comme suit :

# un scope limité

C’est probablement le principal point à résoudre. Le fait d’avoir plusieurs équipes spécialisées et concentrées sur leur champ d’action, avec beaucoup d’autonomie, peut amener à des silos où le “tout” n’est plus visible. C’est notre rôle de management et de direction de mettre en oeuvre tous nos efforts pour apporter la vision globale du système à chaque équipe afin qu’elle puisse faire les bons choix.

# beaucoup de priorités et de stakeholders

Il est facile de se perdre dans les priorités. Chaque sujet est important pour celui qui le porte. Et, en tant qu’équipe produit, il y a beaucoup de contributions qui doivent être priorisées. Même lorsque les OKRs sont définis, pour atteindre l’objectif et fournir la bonne valeur au bon moment, nous avons ressenti le besoin d’accompagner le processus de priorisation.

# beaucoup de frustration

Celui-ci est le résultat des deux précédents. Le focus mis sur un scope défini, la difficulté à établir des priorités, et les dépendances dues aux programmes de transformation sont autant de sources de frustration liées au sentiment de ne pas apporter la bonne valeur à l’entreprise.

C’est là que nous avons analysé notre besoin d’avoir, en plus de l’organisation verticale (équipes de produits), d’une organisation horizontale (flux). Une organisation où nous pensons flux et non seulement périmètre. Où nous voyons le processus global plutôt qu’une partie d’un processus. En mettant davantage l’accent sur la valeur à fournir, sur le résultat global de l’organisation plutôt que sur les produits. Tout en conservant les valeurs auxquelles nous croyons : la responsabilité et l’appropriation.

Toolbox

Essayons maintenant de décrire la philosophie que nous essayons d’adopter. Encore une fois, je ne décrirai pas ici un ensemble d’outils appropriés, mais plutôt la philosophie que nous développons.

Tout part des OKRs annuels du groupe. Ce que l’entreprise veut réaliser cette année et comment nous allons mesurer ces résultats. Comme nous sommes dans une énorme phase de transformation, ces OKRs sont à la fois liés aux activités habituelles de l’entreprise et à la convergence de l’entreprise. Cette deuxième partie représente un pourcentage important des objectifs. C’est probablement la cause profonde de notre besoin d’adaptation. En essayant de résumer :

  • Les OKRs business s’adaptent assez bien à l’organisation produit en soi, chaque équipe peut contribuer sur son propre périmètre
  • Les OKRs de convergence doivent être beaucoup plus alignés, ils sont, par définition, transversaux à l’organisation

C’est là que nous introduisons la notion de flux. Une subdivision d’un OKR qui permettra d’atteindre l’objectif. Les principales caractéristiques étant :

  • Etre une initiative transversale, à travers plusieurs équipes produits
  • Etre lié à un OKR principal

En un mot, un flux est composé de :

  • Un identifiant unique pour pouvoir relier les éléments de la roadmap à un flux
  • Une définition claire et autoportée
  • Un responsable
  • Les critères de réussite
  • Une liste de produits ayant un impact sur les flux

L’ampleur d’un flux dépend réellement de l’organisation et des objectifs à atteindre. À titre indicatif, certains de nos flux peuvent être traités en un trimestre, et d’autres ont besoin de plus de temps pour être entièrement gérés.

Exemple - Prenons l’OKR suivant :

Objectif: Optimiser les délais des processus financiers

KR: Réduire le délai mensuel de clôture financière de X jours à Y jours

Certains exemples de flux pourraient être:

  • De la négociation B2B au paiement
  • Fiabilité de l’évaluation financière des stocks
  • Des commandes B2C à l’encaissement

Ensuite, vient peut-être la partie la plus intéressante de l’exercice. Celle qui permet de vraiment réfléchir à l’impact d’un flux, à ses dépendances et à son poids. C’est ce que nous appelons la HeatMap. Un outil simple mais efficace pour mesurer la contention des équipes et le poids d’un flux. Aussi simple qu’un tableur, ayant en lignes les produits de l’organisation, en colonnes les flux. Comme valeur, un poids, allant de 0 (aucun impact) à 4 (100% de la charge de travail de l’équipe), qui représente l’impact du flux sur l’équipe.

Heatmap example: https://bit.ly/2UfFEph

Où en sommes-nous ? Nous avons la liste des principaux objectifs de l’entreprise pour l’année à venir, leur décomposition en flux, et la pression de ces flux sur l’organisation.

Il est maintenant temps de penser à plus court terme : au niveau du trimestre, et de prioriser les flux dans l’ordre où nous voulons les traiter au cours du trimestre. C’est là que la heatmap prend toute sa force. Grâce à l’impact des flux sur les différentes équipes, nous pouvons analyser si les priorités telles qu’elles ont été fixées mettent trop de pression sur certaines équipes, et donc, les revoir.

Cette liste de flux priorisés constitue désormais un apport majeur pour les équipes afin de définir leurs propres OKRs. En fonction de leur périmètre, elles peuvent avoir plus ou moins de liberté. Seule règle : leurs OKRs doivent répondre d’abord aux flux de la heatmap, puis ensuite à leurs parties prenantes directes. Cela peut être considéré comme une perte de liberté et d’appropriation, et c’est en partie vrai. C’est vrai parce que l’organisation définit les principaux flux auxquels il faut s’attaquer. En partie seulement parce que les équipes produits ont toute liberté pour y parvenir. La heatmap n’est qu’un moyen d’assurer l’alignement entre les produits, et ainsi, d’éliminer la frustration due aux dépendances non alignées.

Enfin, une fois que les OKRs des équipes produits sont définis, nous pouvons les représenter dans une matrice avec tous les flux et tous les produits concernés. Cela donne une vue compréhensible de la manière dont l’organisation traitera les principales priorités. Et, au passage, cela permet aussi de vérifier qu’il n’y a pas de trous dans la raquette…

Ceci, doit être construit avec le business ET pour l’entreprise. En plus de contribuer à l’alignement de l’organisation, cela permet à l’entreprise de comprendre pleinement l’impact des décisions et l’impact potentiel des nouvelles priorités !

TL;DR: Pensez flux!

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