OKRs @ vpTech, Courbe d’apprentissage

Sebastien Chauffray
Starz Group
Published in
10 min readJun 1, 2020
Photo by Gabriel Crismariu

(English version)

Veepee est engagée dans une profonde transformation depuis 3 ans maintenant. #1 Constituer une équipe technologique forte, #2 reconstruire le système d’information pour retrouver la capacité à soutenir la stratégie, #3 continuer de supporter la croissance, et en parallèle, #4 devenir un groupe par la fusion des sociétés acquises. Une telle transformation est pleine d’embûches, de tests, de réussites et d’enseignements. L’une des principales leçons que nous avons apprises, celle que je voulais partager à travers cet article, est qu’il est nécessaire d’avoir un cadre solide pour gérer l’alignement des équipes et, ensemble, atteindre les objectifs.

Dans le cadre de notre série d’articles sur “comment fixer de bons objectifs”, nous allons nous plonger ici dans l’expérience des OKRs à Veepee. Nous essayons d’être aussi transparents que possible, avec ce que nous avons essayé, ce que nous avons bien fait et ce que nous essayons d’améliorer. Vous vous sentirez peut-être parfois frustrés car je ne peux pas entrer dans les détails de tous les sujets développés ici, mais il est probable que certains d’entre eux donneront lieu à des articles dédiés pour être développés plus en avant.

Disclaimer: ce qui est décrit ici est mon point de vue sur le travail incroyable qui a été réalisé au fil des ans par toutes les équipes de Veepee.

Pourquoi les OKRs

Un peu d’histoire d’abord. Il y a quelques années, le système d’information de Veepee ressemblait à plusieurs monolithes qui alimentaient tous les flux. Le terme monolithe n’est pas du tout péjoratif. Cela signifie qu’il y a beaucoup d’histoire, beaucoup de changements de stratégie, beaucoup de raccourcis dans les systèmes qu’il commençait à être difficile de dépasser. Pour être honnête, ils sont toujours là et ils gèrent toujours une grande partie du chiffre d’affaires de Veepee. Cependant, étape par étape, nous avons pu découpler certains flux de ces monolithes pour apporter plus rapidement de la valeur.

Pour mettre en œuvre cette transformation, nous avons cru en certains concepts qui nous aident à faire le design.

# Premièrement, la distribution de l’organisation

Le système d’information reflète l’organisation. Si nous voulions concevoir un système découplé, nous avions besoin d’une organisation fortement distribuée avec une définition claire du champ d’application et des limites. Cela a conduit à la création de nombreuses petites équipes, chacune étant responsable d’une partie du système.

# Ensuite, l’appropriation, l’autonomie et la responsabilité

Chaque équipe est responsable de son propre périmètre et doit tout faire pour répondre au bon besoin de la bonne manière. Du point de vue business et du point de vue tech.

Bien que cette configuration semble prometteuse, nous avons rapidement manqué d’un moyen d’aligner les équipes ensemble, dans la même direction, et de mesurer la valeur fournie. Pour donner un peu de contexte, nous étions environ 40 équipes produits pour près de 400 collaborateurs au début de la transformation. Aujourd’hui, nous sommes plus de 70 équipes produits pour 900 collaborateurs dans l’organisation produit.

Plongeons maintenant dans le voyage des OKRs à Veepee !

Première itération

La première itération n’allait pas être parfaite, nous le savions. L’important était de commencer le processus, de développer les habitudes. Challenger nos objectifs sur une base trimestrielle, apprendre à mesurer la valeur, identifier nos dépendances et essayer de s’aligner.

Nous avons commencé à mettre en œuvre la méthodologie OKR au niveau tech, et non au niveau du groupe. Ce n’était pas par conviction, mais plutôt un choix rationnel. Même avec une forte démocratisation, il était plus facile de faire bouger notre propre organisation, l’organisation produit, plutôt que d’essayer de faire bouger toute l’entreprise d’un seul coup. Le rationnel était de commencer, d’essayer, de montrer les avantages et d’embarquer ensuite chaque direction à bord.

La liberté a été donnée aux équipes produits de définir, avec leurs contre-parties business, leurs OKRs pour le trimestre à venir et d’évaluer ceux du trimestre précédent. La gouvernance produit a aidé les équipes dans leur méthodologie, a facilité la relation avec l’entreprise et a fourni des conseils aux product owners. Au début, le but de la gouvernance n’était pas de challenger le contenu des OKRs, nous faisons essentiellement confiance aux équipes.

Pour donner de la visibilité, nous avons défini, sous forme de cérémonie, les products boards, chargés de présenter l’évaluation du trimestre précédent et les OKRs pour le trimestre suivant à toutes les personnes concernées. Des partenaires directs aux membres de l’exco. Les principaux objectifs de ces comités sont d’assurer la validation par l’entreprise de la valeur fournie par l’équipe produit.

Le dernier point que nous avons défini pour cette première itération, un peu plus tard cependant, était de lier les OKRs aux primes annuelles. Nous l’avons fait intentionnellement ; l’idée derrière cette décision était de récompenser les personnes en fonction de la valeur qu’elles apportent à l’entreprise. Sans entrer dans les détails, les idées principales étaient les suivantes :

  • Au moins la moitié de la prime est liée aux OKRs des produits. L’autre partie étant liée à des objectifs individuels ou organisationnels.
  • Atteinte de 70 % des OKRs pour être évalué à 100 %. Ceci, pour que les OKRs restent ambitieux.

Ce sujet en lui-même donnera lieu à un article dédié, car, avec le recul, il n’est pas certain que nous le referions de cette manière. Les débats sont nombreux.

Amélioration au fil du temps

Notre organisation est notre produit. Sur la base de cette devise, nous avons essayé d’améliorer la façon dont nous appliquons les OKRs, en tirant parti de nos expériences.

# KRs, êtes-vous de vrais KRs

Tout d’abord, sur la philosophie OKR elle-même. Nous avons réalisé que la plupart des OKRs étaient en fait : des tâches. En soi, ce n’est pas un problème car cela aide les équipes à aller dans une direction qui a été validée avec l’entreprise.

Alors, pourquoi avons-nous essayé d’appliquer le KR au sens de la métrique ? Principalement parce qu’une tâche ne garantit pas que nous apportons une valeur à l’entreprise. Elle garantit seulement que nous avons accompli la tâche.

Il est communément admis qu’un KR devrait :

  • Être mesurable
  • Être traçable dans le temps
  • Définir la valeur de départ et la valeur que nous voulons atteindre

Le fait d’être mesurable apporte deux avantages principaux. Il garantit qu’il n’y a pas de débat pendant l’évaluation pour savoir si l’équipe a apporté de la valeur à l’entreprise au cours du trimestre. Et cela permet de poser les bonnes questions lors de la préparation du prochain trimestre, pour vraiment analyser quel sera l’impact de l’équipe.

Cela demande de faire un effort pour penser de cette manière, pour définir la valeur sur laquelle une équipe a un impact. Pour définir de véritables KRs plutôt que des tâches. Mais cela en vaut la peine lorsque l’analyse est faite de la bonne manière. Et cela donne à l’équipe l’autonomie nécessaire pour définir le bon plan d’action, pour itérer au cours du trimestre, pour atteindre le KR.

Aujourd’hui, nos KRs sont toujours un mélange de valeurs et de tâches mesurables. Principalement parce que :

  • Certains produits ont plus de mal à identifier la valeur réelle qu’ils apportent. Souvent du fait que leur valeur est indirecte
  • Certains produits sont liés à des initiatives transversales
  • Nous n’avons pas les sondes pour mesurer les indicateurs

Nous essayons d’améliorer le ratio, mais sans bien sûr, vouloir atteindre 100 %.

# Qu’en est-il du rythme de l’entreprise

Nous avons appris de notre expérimentation qu’il ne vaut pas la peine de créer une organisation produit de pointe trop rapidement si l’ensemble de l’organisation n’est pas prêt pour cela. Je peux admettre que cela peut sembler dur dit comme ça. Tout est une question de rythme, d’alignement et de vision commune sans lesquels les résultats ne seront pas ceux attendus.

Une partie de notre entreprise, parfois, n’était pas prête à repenser les processus et avait d’autres objectifs. Parfois, la relation entre business et tech n’était pas naturelle et se questionnait sur comment améliorer les performances des opérations quotidiennes. Ou simplement, peut-être, le mandat que nous avions de faire de Veepee une entreprise tech n’a pas été soigneusement défini et partagé au-delà du département tech. Cela a conduit à des situations de non-alignement où l’organisation produit parfois avait tendance à essayer de deviner ce dont l’entreprise avait besoin. Cela peut fonctionner. Lorsque le product owner et le business créent une vraie relation. Mais pas sur des flux complets, impliquant plusieurs produits ou lignes d’activité.

Nous avons alors introduit le rôle de Business Process Owner (BPO). Un poste responsable d’un processus global du côté du business, alignant nos différentes entités sur un processus commun pendant notre phase de convergence, aidant à mesurer la performance globale du processus et définissant les améliorations à apporter, qu’elles soient soutenues par la tech ou non.

Lorsque ce rôle a été introduit, sans résoudre le problème à la racine, il a été d’une grande aide pour définir les bons OKRs et s’aligner sur les attentes du business.

# L’ensemble de l’entreprise est-elle alignée ?

La mise en place de la méthodologie OKR au niveau tech a été une première étape importante pour faire avancer l’organisation. Mais nous avons rapidement constaté certains inconvénients. Chaque équipe définissait ses OKRs en fonction de son business direct. C’est bien! Mais qu’en est-il des principaux objectifs de l’entreprise ? Pourquoi, même si chaque produit fonctionnait avec son partenaire direct, nous ressentions beaucoup de frustration au niveau global. Comme si l’organisation produit ne répondait pas aux attentes.

Cela semble évident, mais pas facile à mettre en œuvre dans une organisation aussi importante. Nous avions besoin d’OKRs au niveau de l’entreprise. Des OKRs Exco, puis des OKRs de département et ainsi de suite. Et c’est ce qui a été fait. Nous sommes maintenant en mesure de relier les OKRs des produits aux OKRs de l’entreprise.

Cela a-t-il résolu le problème ? Nous verrons cela plus tard dans l’article !

# Autonomie et gouvernance

L’autonomie est, et a toujours été, la devise de notre organisation. Chaque équipe produit définit et évalue ses propres OKRs. Cette façon de travailler développe la responsabilité et donne du pouvoir aux équipes. Mais, à mesure que l’organisation s’est développée, en même temps que l’autonomie, nous avons eu besoin d’un niveau de contrôle pour les OKRs. Qu’il s’agisse de la conformité au format, de l’alignement global, de l’ambition ou de l’évaluation des OKRs. Cela permet d’orienter l’organisation en sachant que nous allons tous dans la même direction, dans la bonne direction.

C’est le but de la gouvernance produit, d’assurer cette mission. Montrer où va l’organisation. Un outil interne a été défini pour catégoriser les OKRs et obtenir une vue d’ensemble de la stratégie de l’entreprise. La matrice SIZE … mais nous aurons plus tard un article complet consacré à ce sujet.

Et maintenant?

Essayer, comprendre, apprendre et s’améliorer. Comme indiqué précédemment, notre organisation est notre produit, et nous n’avons pas encore atteint un point où le résultat est satisfaisant. Nous avons identifié de nouveaux points d‘amélioration et nous continuons à essayer de les résoudre. Voyons ce que nous changeons actuellement, pourquoi, mais sans pouvoir encore dire si les résultats attendus seront là ou non.

# Des OKR d’entreprise, oui, mais moins

Pouvoir définir les OKRs au niveau de l’entreprise a vraiment été une grande étape. Nous pensions pouvoir aligner les équipes par leur intermédiaire. Et bien, le résultat en 2019 n’a pas été pleinement satisfaisant. L’une des raisons que nous avons analysées était le nombre d’objectifs que nous avions définis au niveau global. Nous nous étions mis d’accord sur 10 objectifs et 29 KRs qui couvraient l’activité globale.

Rétrospectivement, c’était trop pour aider les équipes à s’aligner. Et certains étaient définis de manière trop générique pour être vraiment structurants. Chaque équipe a pu relier ses propres OKRs à un OKR groupe et faire valoir, à juste titre, qu’il s’agissait d’une priorité. Nous avons appris que les OKRs groupe devaient être limités pour être pleinement efficaces. Ils doivent être limités et fortement définis, pour être au premier rang des préoccupations de tous les collaborateurs de l’entreprise.

Pour 2020, nous nous sommes mis d’accord sur 4 objectifs et 17 KRs. Presque la moitié ! Voyons le résultat dans les mois à venir.

# O + KR + Task

Comme indiqué précédemment, passer de plans d’action (c’est-à-dire de tâches) à de véritables KRs est un long chemin et un grand changement de schéma de pensées. En outre, pour certains produits qui ne sont pas destinés au client final, c’est-à-dire les produits techniques, la valeur réelle est encore plus difficile à identifier.

Ce que nous essayons de faire, c’est de laisser les équipes définir des tâches au lieu de KRs mesurables, mais…en identifiant le flux principal dans lequel ils créeront de la valeur, et de relier leurs Tâches au KR final de ce flux.

En bref, de lier leurs tâches à l’OKR du produit destiné au client final. C’est là que nous introduisons le concept de valeur directe et de valeur indirecte. Prenons le temps, plus tard, d’écrire un article complet sur ce concept.

# L’alignement dans une grande organisation

En 2019, l’organisation produit était composée de 13 tribes (entre 40 et 100 personnes et 5 à 8 équipes produit chacune). Bien que ce concept de tribe apporte de nombreux avantages, tels que la responsabilisation, la structure autour des équipes produit et la synergie, nous constatons encore des problèmes d’alignement et de focalisation.

La question de savoir comment aligner clairement les équipes sur les priorités et les maintenir concentrées sur celles-ci, devient de plus en plus importante. Nous pensons que concentrer davantage le top management sur le delivery et raccourcir le chemin de décision sont les clés pour améliorer l’alignement. C’est pourquoi nous avons introduit le concept de domaine. Un regroupement de tribes, avec un même responsable technique et produit plus proche des tribes pour piloter l’ensemble. Objectifs donnés : un meilleur alignement, des décisions plus rapides, et une meilleure concentration sur les objectifs principaux. Cela mériterait également un post entier car à cet instant, les bénéfices apportés sont tangibles.

La courbe d’apprentissage n’est pas terminée mais nous avons le sentiment d’être dans la bonne direction. Nous sommes convaincus que nos dernières adaptations apportent de plus en plus de valeur. Nous ferons le point dans quelques mois pour analyser le résultat, et approfondir certains sujets clés dans d’autres articles.

Nous serions très heureux de lire d’autres expériences ou mises en œuvre, n’hésitez pas à nous faire part de vos commentaires.

TL;DR

Pourquoi les OKRs ?

  • Pour aligner les équipes ensemble, dans la même direction
  • Pour mesurer la valeur délivrée

Apprentissage

  • Les OKRs doivent être déployés dans toute l’entreprise
  • Il est nécessaire de trouver le bon rythme de transformation et le bon niveau de maturité pour l’ensemble de l’organisation
  • Les OKRs d’entreprises doivent être top of mind
  • Les directions métier doivent partager, remettre en question et évaluer les OKRs des équipes pour bien définir ce qu’elles veulent atteindre
  • La gouvernance produit est nécessaire pour définir une méthode de travail commune, pour tirer profit de l’apprentissage et pour assurer la pérennité des produits

Expériences en cours

  • Un KR est lié à la valeur ajoutée. Valeur directe ou indirecte
  • Raccourcir le chemin de décision. Rapprocher la direction technique et la direction produit

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