Peinture réaliste & naturaliste

Le réalisme du XIXème siècle a l’ambition de montrer le réel tel qu’il est et sans artifice. Le mouvement trouve son expression également dans la peinture.

Stéphanie Thrt
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Un enterrement à Ornans — Courbet — fig.1

La peinture partage une inspiration, voir une passion commune avec la littérature : la vie quotidienne contemporaine. Ce qui est, ce qui advient, est matière à créer. Il ne s’agit pas pour les peintres d’imaginer, comme leurs prédécesseurs le faisaient, des représentations d’histoires mythologiques, religieuses ou autres, mais de livrer leur interprétation d’un monde vécu en perpétuelle évolution. Courbet, présenté comme le peintre réaliste par excellence, bien qu’il n’adhère pas totalement à cette désignation, indique vouloir «traduire les mœurs, les idées, l’aspect de son époque» tout en mettant en exergue sa « propre individualité. » 1 Son œuvre Un enterrement à Ornans (fig. 1) (1849–1850) présente de très grandes dimensions, or le très grand format, qui permet de peindre en taille réelle, est ordinairement réservé aux peintures historiques ou religieuses. La toile fut improuvée pour ce qui fut jugée comme de la laideur, de la trivialité, et de la vulgarité par un monde de l’art qui, entre romantisme et néo-classicisme, se confortait encore dans sa quête du beau et de l’idéal, et n’était alors pas apte à accueillir la représentation brute de sa — pourtant — contemporanéité.

Un enterrement à Ornans : Courbet réaliste

La scène se déroule à Ornans, ville natale du peintre, proche de Besançon ; les falaises calcaires propres au paysage franc-comtois se dessinent en arrière-plan. Autour d’une excavation, 30 à 40 personnes sont en deuil, pour la plupart des habitants d’Ornans que Courbet a fait poser dans son atelier. C’est ainsi une réaliste galerie de portraits, aux identités diverses. À gauche : les officiants, le personnel ecclésiastique, et séparés comme à l’église, les hommes au centre, les femmes à droite. Parmi ces gens, y compris les officiants, plusieurs propriétaires de terres ou de vignobles, musiciens et artisans cordonniers, rentiers, bourgeois, un avocat, un meunier, le maire, un juge de paix, certains amis personnels de l’artiste, et les femmes, sa mère, ses sœurs , ses cousines. Le fossoyeur, au centre, est un paysan modeste, dont le visage tourné vers les officiants, porte attention à la spiritualité de la cérémonie tandis que son corps, il est agenouillé à même le sol, est au plus près de la terre : « Tu es poussière et tu reviendras poussière. »

Le prêtre, vêtu fastueusement, fait face à deux révolutionnaires portant le costume des révoltes de la fin du XVIIIème siècle, soit un demi-siècle auparavant. Une dialectique opère entre l’Église et la République, sans que l’une n’écrase l’autre. Il n’y a, dans ce tableau, plus de hiérarchie de classes ; Courbet était anticlérical, mais surtout républicain et socialiste.

L’absente de ce tableau est l’identité du défunt. Certains ont parié que ce fusse sa sœur, et que le peintre expose ainsi au public son deuil et ses regrets. Mais plus nombreux sont ceux à penser, que le tout n’est que métaphore d’une république qui se meurt : aux élections législatives de 1849, sous la IIème république, Ornans et de façon générale les Français, ont fait le choix du Parti de l’Ordre, conservateur et comportant en son sein de nombreux monarchistes. Probablement, Courbet entrevoit-il alors déjà les intentions du président, issu de ce même parti, Louis-Napoléon Bonaparte, qui renforce petit à petit son pouvoir et proclamera bientôt le Second Empire.

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Wagon de IIIème classe, Daumier — fig.2

De nombreux évènements, un siècle d’instabilité

Le XIXème siècle est historiquement dense et complexe : après le Ier empire se succèdent les restaurations monarchiques avec Louis XVIII, Charles X et Louis-Philippe 1er, la République tant souhaitée en 1789 n’est pas une acquisition, la seconde s’obtiendra au prix de la révolte en 1848 et comme indiqué précédemment, du fait du futur Napoléon III, ne durera que 3 ans. Dans cette seconde moitié de siècle, les conditions de vie en ville et à la campagne se détériorent, c’est cela notamment que représente la peinture réaliste, qui finalement, suit les mêmes codes de la littérature. Honoré Daumier, célèbre caricaturiste, peint différentes scènes quotidiennes, du Jeu d’échecs au Wagon de IIIème classe (fig. 2), où se lit la pauvreté des voyageurs. L’allemand Adolph Menzal représente le travail dans l’univers industriel alors que Millet célèbre le milieu rural et la paysannerie.

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Les naturalistes leur succèdent, ceux ci sont d’autant plus dans l’observation préalable et l’objectivité.

Ils se concentrent également plus sur les paysages, dans toutes les peintures en campagne. Fortuné Layraud peint Le matin d’après, Léon Augustin L’hermitte Les cordonniers du Mont St Père. Sur ces deux toiles, des scènes banales et des personnages aux visages et vêtements finement traités. Si le naturalisme se réclame, avec Zola, des théories étudiées par Claude Bernard, il faut tout de même admettre que sa différence entre son frère ainé le réalisme est finalement quasiment invisible, ils pourraient être jumeaux.

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notes

1.Courbet Gustave écrit « Être à même de traduire les moeurs, les idées, l’aspect de mon époque, selon mon appréciation, en un mot, faire de l’art vivant, tel est mon but. » Le Réalisme , Avant propos de la brochure d’une exposition-vente de quarante tableaux et quatre dessins de l’oeuvre de Gustave Courbet, Paris, 1855

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