Parasites, d’ombre et de lumière

Stéphanie Thrt
stephanieT
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3 min readJul 2, 2019

Bong Joon-Ho filme à ras du sol une famille pauvre au bord de se cogner la tête sur les plafonds bas, mais qui va remonter à la surface. Entre malice et malheur, entre rire et frayeur, il livre une fable hautement visuelle dont la morale est laissée à l’analyse du spectateur.

Tout le monde cherche le wifi. Ki-woo et Ki-jung aussi. Portables en l’air, le frère et la sœur sondent l’air de leur trois pièces. Une fenêtre située dans leur salle de vie donne sur les pieds des passants. L’appartement exigu de la famille Kim se situe au sous-sol d’un immeuble de de la banlieue Nord de Séoul.

Un ami de Ki-woo lui propose de reprendre, le temps d’un séjour à l’étranger, son job de professeur d’anglais auprès d’une jeune fille dont il s’est épris… et qu’il ne veut pas se faire dérober. Pour l’entretien d’embauche, Ki-woo se rend sur les hauteurs de la ville, dans une maison moderne, bercée de lumière. C’est le logement des Park, famille modèle de la haute société sud-coréenne.

S’il n’a qu’un diplôme d’anglais trafiqué, Ki-woo parvient à décrocher le poste. Madame Park, femme au foyer, cultivée, lunaire, naïve, s’ennuie en attendant le retour de son mari, patron d’une prolifique entreprise d’informatique. Comprenant qu’il y a plus d’un tour à jouer, Ki-woo exploite le filon. Il invente une carrière d’artiste thérapeute à sa sœur, qui vantera les qualités de chauffeur de son père, qui lui-même imaginera un profil idéal de maitresse de maison à sa femme. La famille entière est de retour à l’emploi, au service des Park. Ces derniers ignorent tout des liens de parenté de son nouveau personnel, qui fait semblant de ne pas se connaitre.

Le réalisateur alterne les tons avec brio. Emportés par un humour subtil parsemé comme des signes ponctuations, les spectateurs seront bientôt surpris par une alternance de registres.

Le long-métrage qui place la pauvreté au cœur de son intrigue prend un nouveau tournant lorsqu’un soir, alors que les Park sont en vadrouille, leurs employés s’offrent une parenthèse luxueuse… en « squattant » leur maison. La vie de château pour quelques heures… jusqu’à ce que la comédie sociale caustique vire au drame.

La réalisation est exemplaire, peut-être trop. Visuellement, les plans se parent chacun d’une couleur, de ses nuances et de ses déclinaisons teintées. Ils accompagnent les mouvements des personnages, leurs montées ou leurs descentes constantes, qui évoquent des allers-retours sur l’échelle sociale. Les escaliers de la maison des Park sont idéals pour pour capter ce jeu.

De façon générale, lorsqu’une tierce personne s’immisce dans une maison, tisse des liens directs ou indirects avec ses habitants, commence à connaître leur intimité, ce n’est jamais bon. Mais alors 4 personnes ! La famille Kim se compose en effet de deux enfants et deux parents comme la famille Park. Mais alors 6 ! Il y a en effet des invités surprise…

Dans La Maison, avec Lucchini, ou coté romans, Une chanson douce de Leila Slimani sont de ces œuvres où la proximité entre des personnes vire au plus lugubre des drames. On est ici dans le même registre. Parfois, est-il préférable de ne pas en savoir trop. Car quand les équilibres que les gens se sont construits se confrontent à des forces contraires… tout bascule. Chez Bong-jong ho, pour le meilleur, le rire et surtout le pire. Il livre son regard sur une Corée bipartite, les pauvres d’un coté, les riches de l’autre, et a l’intelligence de romancer son propos pour ne pas l’alourdir. Magistral !

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