Portrait de la Jeune fille en feu, un embrasement pas très passionnant

Stéphanie Thrt
stephanieT
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3 min readDec 31, 2019

L’ennui s’écoule jusqu’à une sublime scène qui réveille le film de Céline Sciamma. Un événement cérémonial durant lequel l’ambiance se fait particulière, portée par des chants traditionnels sonores ; une passion éclot entre les deux personnages principaux, Héloïse et Marianne, passion qui s’épanouira les jours suivants.

Après avoir passé quelques temps au couvent, Héloïse revient vivre avec sa comtesse de mère dans un chateau médiéval sur une île déserte au large de la Bretagne.

Dans les familles traditionnelles du 18ème siècle comme la leur, une fille qui ne persévère pas dans les ordres est vouée à se marier. Ce n’est pas sur son lopin de terre lointain qu’Héloïse, interprétée par Adèle Haenel, rencontrera des prétendants. Sa mère a alors une idée. Alors qu’en 1770, la photographie n’existe pas encore, elle va faire peindre le portrait de la jeune fille afin qu’un potentiel futur mari découvre son visage. Pour cela, cette dernière doit poser, un exercice auquel elle refuse absolument de se soumettre. Plusieurs peintres se sont essayés à la tâche, sans succès. La comtesse emprunte donc une nouvelle stratégie ; elle embauche une peintre réputée, Marianne, qui est proche en âge de d’Heloïse.

Une dame de compagnie avec des intentions cachées

La comtesse sachant qu’Heloïse s’ennuie, lui introduit Marianne en tant que dame de compagnie. Elle omet de préciser que celle-ci rejoint leur quotidien avec un objectif en tête. Marianne doit se prêter au jeu, cacher son matériel de peinture et réussir à faire un portrait de son sujet sans que celui-ci ne pose ni ne s’en rende compte. Elle observe ses traits, mémorise son visage, esquisse en cachette.

La narration virevolte autour du portrait à faire, d’Héloïse qui ne veut pas et de Marianne qui doit se dissimuler pour le faire. Marianne est indépendante et libre : elle a étudié l’art, elle peint une diversité de gens, elle gère son activité, c’est une femme atypique pour son temps. Plus tard, elle deviendra professeure de peinture. Elle a un caractère posé, fait preuve de réserve et de maturité. Par sa persévérance, elle apprivoisera son sujet jusqu’à vivre une liaison avec elle.

Peu de variété et d’enjeu

L’intrigue se déroulant au 18ème siècle, le contexte iconographique suggérait un potentiel visuellement intéressant, largement sous exploité : il y a peu de variété dans les tenues ou les lieux est faible.

L’enjeu du portrait à réaliser est désormais couplé à la question de l’avenir de cet amour homosexuel interdit, ce dernier s’épanouit à un instant T dans un lieu isolé où personne ne le verra. L’idylle entre les deux jeunes héroïnes est bien filmée, d’une simplicité tendre. Le regard porté sur elles est bienveillant.

Elles sont fortes, avec du caractère, de l’envie mais prisonnière, surtout pour Héloïse, d’un rôle social. À l’époque, les femmes se contentaient d’une activité domestique, extérieure à la société civile, et étaient considérées comme des mères ou des ménagères.

Néanmoins, le récit n’est pas très fort en enjeu. La romance demeure secrète et ne s’expose pas à la société, ni même à qui que ce soit, vu qu’elle se déroule alors que la comtesse est en déplacement. L’idylle ne se confrontera pas au regard des autres, ce qui aurait pu être intéressant, spécialement du fait de la période historique. Il n’y a donc pas vraiment de prise de risque dans le propos, ni dans la mise en scène. Dommage.

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