LE VOYAGE D’ETUDES — AVANT-PROPOS

ScPoEcoleUrbaine
stubudapest2016
Published in
4 min readJul 19, 2017

Depuis l’origine du Master Stratégies territoriales et urbaines, le voyage d’étude dans une métropole européenne fait partie intégrante de la formation des étudiants de deuxième année. Il constitue une occasion unique d’allier visites de sites et rencontres avec les acteurs stratégiques de ce territoire. L’enjeu consiste à identifier les thématiques qui font la spécificité de ce territoire, tout en explorant les dynamiques convergentes entre grandes métropoles européennes.

Les années précédentes, les étudiants du Master Stratégies territoriales et urbaines ont étudié les villes de Genève (2015), Copenhague (2014), Vienne et Bratislava (2013), Londres et Manchester (2012), les villes de la Randstad (Amsterdam, Rotterdam, Utrecht et La Haye) (2011) et Barcelone (2010). Un compte-rendu est réalisé à l’issue de ces voyages et mis en ligne sur le site de l’Ecole urbaine. Ce blog est le premier du genre. Il est issu du travail collaboratif des étudiants de la promotion 2017 du Master Stratégies territoriales et urbaines. Nous remercions tout particulièrement Marion Laumonier d’en avoir assuré la coordination de bout en bout.

Budapest, une métropole européenne

La capitale hongroise constitue un terrain propice à la réflexion sur les trajectoires en cours des villes et les transformations urbaines dans les villes européennes. Située au carrefour de l’Europe, la ville de Budapest reste marquée par une histoire urbaine complexe et un développement emprunt de la division entre Buda et Pest. Sa forme urbaine, ses caractéristiques sociales, les modes de sélection de ses élites et sa structure économique sont héritières de cette sédimentation historique et des transformations politiques qu’a connu la Hongrie au sein de l’Empire austro-hongrois et depuis le Traité de Trianon en 1919. Le démantèlement du rideau de fer en 1989 et l’accession de la Hongrie à l’Union européenne en 2004 ont aussi profondément marqué la ville et contribué à la transformation rapide de son organisation institutionnelle et politique, et de sa structure économique en lien avec la libéralisation économique et la réforme du système d’État Providence.

Quelques trois décennies plus tard, à l’instar d’autres capitales des pays du groupe de Visegrad, Budapest prolonge ce passé par des interrogations très contemporaines sur sa situation aux frontières extérieures de l’Europe et son modèle de gouvernance métropolitaine. Dans un contexte européen caractérisé par des crises multiples — réformes économiques et sociales post-2008, accueil des migrants et montée des euroscepticismes -, la montée en puissance de partis politiques aux tendances anti-démocratiques et les réformes affectant l’indépendance de la presse, de la justice et des universités constituent une nouvelle phase dans la recomposition de clivages politiques historique entre libéraux et conservateurs.

Plusieurs tendances se dégagent à l’issue de notre voyage.

Les réformes institutionnelles successives n’ont cessé de renforcer la centralisation du système politique et administratif et la capacité de pilotage du centre par rapport aux arrondissements. La capitale hongroise n’a eu de cesse d’expérimenter de nouvelles modalités d’intervention publique-privée, de redéfinir les priorités en matière de politiques urbaines, de procéder à la renégociation de son statut politique et administratif pour augmenter ses marges d’autonomie face à d’autres niveaux de gouvernement. La mobilisation forte de la ville et d’une partie des acteurs de ce territoire auprès des institutions et réseaux européens explique le rôle joué par l’Union européenne, à travers ses financements, ses politiques et ses mots d’ordres, dans la structuration de l’agenda politique et le choix des instruments de l’action publique urbaine, en particulier en matière de transports, de développement économique local et de protection de la nature en ville.

En dépit de cette autonomisation continue, l’État, à travers son activité réglementaire, ses agences et ses politiques publiques, conserve d’importantes capacités d’intervention directe, parfois en opposition avec les modèles de gouvernance urbaine prônés par l’UE. Budapest constitue ainsi un levier majeur de la stratégie d’internationalisation poursuivie par le gouvernement de Viktor Orbán, avec le soutien d’une partie des élites locales qui développent des politiques volontaristes pour attirer les fonds européens et les investisseurs étrangers. La capacité d’attraction de ces investisseurs étrangers constitue désormais une modalité privilégiée, pour les acteurs publics, de conduire l’action publique urbaine dans un contexte de crise économique et financière qui a durement touché la Hongrie. La politique de renouvellement urbain dans le centre historique, les projets d’aménagement des rives du Danube, la stratégie nationale de smart city et la candidature de Budapest à l’organisation des Jeux Olympiques constituent autant d’exemples d’une stratégie qui contribue à une différenciation territoriale croissante. Les relations État-local et les débats politiques intérieurs confirment l’enjeu que constitue, pour l’État, le maintien de la capitale dans son rôle moteur pour l’économie et le développement du territoire national, et ce dans un contexte de creusement des inégalités socio-spatiales à l’échelle nationale et dans la région métropolitaine.

Enfin, le voyage à Budapest a permis, en creux, de mettre en évidence la reproduction et la recomposition de clivages politiques historiques à partir d’enjeux contemporains : la lutte contre la pauvreté, la prise en charge des plus démunis, l’accueil des migrants, et le respect des valeurs et des principes au fondement de la démocratie en Europe.

Nous remercions chaleureusement l’ensemble des intervenants pour leur disponibilité, et en particulier Monsieur l’Ambassadeur de France en Hongrie pour son accueil à Budapest et l’Institut Culturel Français pour leur invitation à présenter le résultat du travail de certains étudiants du Master sur la Smart city durant la semaine du développement durable. L’organisation d’un tel voyage repose aussi sur le précieux soutien de quelques personnes ressources à Sciences Po et ailleurs, qui nous ont aidées dans la conception de ce voyage : Pauline Couteau, Lukáš Macek, Jan Rovny, Imola Streho, Tommaso Vitale, Sylvette Tourmente, Ildiko Pusztai, Violetta Zentai, Zsuzsanna Posfai and Lucia Cristea.

A l’heure où nous bouclons ce rapport, nous rappelons notre soutien à la Central European University et aux valeurs qui fondent l’autonomie universitaire.

Pauline Prat et Charlotte Halpern

Video by Hugo Prost

For more information, please visit : http://www.sciencespo.fr/ecole-urbaine/fr

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