CONFÉRENCE — BKK : une locomotive pour l’intégration des transports à Budapest
The role of BKK as an integrated mobility manager in strategic transport planning
With : András László Kőrizs, Innovation project manager, Strategy and Innovation at BKKAuthors : Pierre Hudzik, Quentin Nam
La rencontre de Laszlo Sandor Kerenyi et d’Andras Laszlo Korizs au siège du Budapesti Közlekedési Központ (BKK), le centre des transports Budapestois, nous a permis d’aborder l’évolution de la politique des transports au sein de la capitale hongroise et de percevoir les changements intervenus dans la gestion des projets en Hongrie.
Afin de comprendre la nécessité d’une institution comme BKK dans la gestion des transports, il faut tout d’abord évoquer l’histoire de la ville et de son réseau. Budapest, capitale hongroise depuis 1873, connaît une organisation territoriale singulière, divisée en 23 districts, chacun doté d’un maire. En prenant en compte le maire central, la ville possède ainsi 24 maires, qui n’ont pas de lien hiérarchique entre eux. Jusqu’en 2010, la ville ne possédait pas d’autorité centrale organisatrice pour ses transports : différents opérateurs géraient les bus, le métro, le tramway, etc. L’absence de force politique et la segmentation des transports empêchaient la mise en œuvre de plans efficaces permettant de développer le réseau budapestois et de renouveler les équipements vieillissants. Ce retard accumulé a été problématique pour la ville et son agglomération très étendues (525 km2), et a accéléré le développement de l’usage de la voiture dans la capitale et le délaissement des infrastructures publiques.
L’année 2010 marque un tournant dans la gestion des transports dans la capitale hongroise. La faillite du gouvernement local et les liens noués entre les acteurs des transports et les opposants politiques locaux ont favorisé la création de BKK, structure novatrice dirigée par la ville de Budapest. Basée sur le modèle londonien (TfL), l’organisation est davantage structurée et lisible. Elle est chargée de collecter les revenus générés par l’ensemble des transports, de les redistribuer afin de développer une stratégie globale et intégrée. BKK devient ainsi un chef d’orchestre des transports devant composer avec l’ensemble des acteurs jusqu’alors indépendants. Cette nouvelle approche met ainsi fin à une gestion des transports en silos. Les échanges entre les structures sont désormais favorisés, en témoigne la création d’un service d’urbanisme au sein de BKK permettant d’associer l’approche technique des transports au développement de la ville. Cette redéfinition de la politique des transports s’associe également avec une nouvelle approche des projets, mettant dorénavant l’accent sur la mesure et l’évaluation des actions menées.
Cette nouvelle organisation managériale semble en tout état de cause avoir porté ses fruits : en six ans, BKK présente un bilan impressionnant et a permis de révolutionner les transports budapestois. Outre la présentation PowerPoint mettant en exergue ces changements grâce à des duos de photographies (avant/après), les progrès effectués dans les réseaux de métros, trams et bus de la ville ont été « testés et approuvés » par notre fine équipe de STU tout au long du séjour. Et l’on peut dire qu’il est pratique, facile et rapide de se déplacer au sein de Budapest.
Devant de tels résultats, BKK peut s’enorgueillir d’être devenu un acteur incontournable du fonctionnement de la capitale hongroise. L’entreprise semble être attentive à la promotion de son image, présente au demeurant sur l’ensemble du matériel roulant par son logo, fièrement accolé à celui de la municipalité, également très visible.
BKK ne souhaite pas s’arrêter en si bon chemin : entre développement durable, besoin de participation citoyenne et e-mobilité, les défis à venir sont clairement identifiés. Comme partout, la problématique du dernier kilomètre et la transition numérique constitueront deux enjeux majeurs pour l’avenir des mobilités à Budapest. Alors que BKK a joué un rôle majeur dans l’émergence d’un acteur intégré pour les transports à Budapest — semblant parfois s’inspirer de projets réalisés à l’étranger et notamment en Europe occidentale — il faudra désormais relever le défi de pousser l’intégration encore plus loin. En ce sens, BKK a commencé à développer une application permettant de planifier un itinéraire, de louer une voiture ou encore d’acheter des billets de trains.
Ces défis à venir justifient d’autant plus une coopération internationale que BKK met en place via l’Union européenne et la participation à quatre réseaux : l’UITP (Union internationale des transports publics), Eurocities, EATA (Association européenne pour l’analyse transactionnelle) et POLIS (réseau européen pour des politiques de transports innovantes).
Finalement, le politique reste la principale contrainte de BKK : comme l’illustre le départ de Dávid Vitézy, président de BKK de 2010 à 2014, la confiance de l’administration politique n’est pas toujours facile à conserver. Notons que BKK s’est construit sur le modèle de TfL (Transport for London), lui-même créé en réaction aux années Thatcher et à la gestion directe de Londres par l’ancienne Première ministre britannique. Ce modèle managérial, fondé sur une forte autonomie organisationnelle, a permis à BKK de répondre à l’éclatement des compétences en matière de transports et de centraliser le tout. Désormais, BKK est un acteur puissant qui peut même faire de l’ombre à l’administration municipale. Récemment, l’Assemblée municipale de la ville a réaffirmé le rôle de BKK en matière de transport, mais cela n’efface pas tous les doutes concernant les conflits à venir entre la ville et son agence de transports.
En filigrane, ces doutes nous rappellent qu’une politique publique ne doit jamais être considérée comme acquise : d’une part, des acquis, comme les avancées permises par BKK en termes de mobilité à Budapest, ne sont pas toujours considérés comme tels par l’ensemble de la population et des groupes d’intérêt, et d’autre part, ces acquis semblent fragiles et dépendants d’enjeux politiques et électoraux, expliquant ainsi la mobilisation de différents groupes en faveur de ou contre tel ou tel programme. La conférence du vendredi 11 novembre 2016 avec Dávid Vitézy en est une belle illustration.