Interview Agathe Peyre, professeure innovante

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7 min readMar 22, 2018

Le profil d’Agathe Peyre

J’ai une formation d’ingénieure généraliste que j’ai complété avec un diplôme universitaire en Education au développement durable. Cette formation continue suivie avec l’ESPE de Clermont-Ferrand et le HEP de Fribourg en Suisse vise à donner des outils afin d’éduquer, sensibiliser et former aux enjeux du développement durable. J’ai parallèlement effectué un service civique au sein d’une école primaire où j’ai pu directement appliquer les différents outils vus en cours.Après 11 mois en bureau d’études, je me suis lancée à mon compte dans la formation au développement durable. J’accompagne les équipes pédagogiques à mettre en place des modules autour du développement durable. Et comme l’avènement d’une société plus saine et durable nécessite le développement de compétences amenant à plus de responsabilité, de réflexivité, de pensée systémique, je m’investis également dans la mise en place d’outils innovants tels que le portfolio.

Le portfolio :

Cet outil invite l’étudiant-e à s’interroger sur ses processus d’apprentissage, à faire des liens entre ses différentes expériences de formation, professionnelles et personnelles. Ainsi l’étudiant-e devient acteur-trice de son apprentissage et non plus simple consommateur-trice de cours. Sa formation n’en est que plus pertinente et cohérente.

exemple de l’outil portfolio : Karuta

Pour l’instant, j’interviens dans l’enseignement supérieur, notamment au sein d’écoles d’ingénieur-e-s mais d’autres partenariats sont en train de se développer.

Dans votre classe, quelles techniques d’apprentissages innovantes mettez-vous en place ?

Que ce soit pour mes interventions d’introduction au développement durable ou à la démarche réflexive (pré-requis pour un portfolio), je m’attarde à interroger les apprenants sur leurs représentations initiales. En début d’intervention (cours, conférences, ateliers), je leur fais choisir une image représentant leur idée du développement durable, ou leur fais dessiner ce qu’est un portfolio pour eux. Il est indispensable de prendre les apprenants là où ils en sont; c’est prouvé comme essentiel dans n’importe quel processus d’apprentissage.

Ensuite, j’essaye d’allier un maximum théorie, méthodologie et pratique. De la théorie pour donner le contexte et les enjeux, des outils méthodologiques pour comprendre le type de raisonnement à adopter et des cas pratiques pour appliquer les outils à la théorie. Je travaille actuellement sur la préparation d’un module de 30h sur la géopolitique et le développement durable avec 2 autres collaborateurs.

Le travail collaboratif où chacun peut amener ses connaissances et compétences est super riche et un vrai vivier pour toujours plus d’innovations pédagogiques.

Les outils méthodologiques que j’aime présenter sont ceux de la cartographie mentale (cartes mentales, carte conceptuelle …). En faisant représenter des idées ou des concepts sous forme de cartes, les étudiant-e-s explorent un autre type de représentation : certains y arrivent facilement, pour d’autres c’est plus dur, et c’est pas grave ! Je dis souvent que la scolarité classique les a fait utiliser beaucoup de textes et de listes, mais ce type de représentation des idées n’est pas adapté à toutes les méthodes de raisonnement ou d’apprentissage. Je me rappelle quand j’ai découvert personnellement la carte mentale, je me suis aperçue de la puissance de l’esprit lorsqu’on le libère des contraintes de la feuille avec des lignes et qu’on lui laisse l’espace pour aller plus loin dans les idées et la réflexion. C’est ce que j’ai envie de faire vivre aux étudiant-e-s tout en rassurant ceux que cet outil met mal à l’aise, il en faut pour tout le monde !

Lors d’ateliers pratiques sur la démarche réflexive notamment, je demande aux étudiant-e-s d’être dans une posture de bienveillance et de non jugement. Premièrement pour que chacun-e se sente libre dans l’exercice d’analyse d’une expérience personnelle (exercice sur le cycle de l’apprentissage expérientiel inspiré du théoricien de l’éducation Kolb), et deuxièmement pour habituer les étudiant-e-s à l’idée qu’il y a une pluralité d’opinions et de visions et que seule la tolérance peut nous aider à faire avec l’autre.

Pour les ateliers sur le développement durable, je m’inspire aussi d’outils de l’éducation populaire tels que le jeu de la ficelle, les jeux de discussions. Et j’ai hâte de pouvoir mettre en oeuvre d’autres cours et ateliers que j’ai conçu sans les avoir encore testés : construction d’une carte de controverses, pédagogie par projets sur les objectifs de développement durable, photolangage à plusieurs voix, discussion autour du concept de valeur humaine à partir d’un interview que j’ai moi-même conduit, …

Vous semble-t-il important de mettre en place de nouvelles méthodes pour capter l’intérêt de tes étudiants ?

Le monde est en pleine transformation et les recherches en neurosciences montrent que l’apprentissage ne peut simplement reposer sur une approche intellectuelle, mais doit intégrer l’expérience, les sensations et les valeurs des apprenants.

Lorsque je suis face à des étudiant-e-s, je garde à l’esprit que nous sommes pratiquement de la même génération et donc je n’hésite pas à piocher dans les médias qu’ils et elles consultent tous les jours.

Dans ma conférence “Le développement durable, un mode de pensée”, j’utilise des vidéos de youtubeurs qui témoignent de la société qui est en pleine transition. Et je peux vous dire que face à la vidéo, il n’y a plus un mot dans l’amphi.

Sur la même idée que l’impact qu’une image peut avoir sur l’attention, je m’attarde à faire des supports beaux. On me dit souvent que le principal est que le message soit là. J’ai tendance à penser que la forme est tout aussi importante que le fond. Surtout quand il s’agit de maintenir l’attention d’étudiant-e-s prêt-e-s à se ruer sur leur smart-phone au moindre désintérêt.

J’expérimente différents outils de présentation. J’ai découvert la possibilité de donner la place aux apprenants pendant ma présentation grâce à différents outils numériques. A travers leur ordinateur ou leur smartphone, il leur est possible de poser ou répondre à des questions, dessiner leurs représentations, … J’ai pas encore testé en temps réel mais ça peut vraiment changer la vie et donner encore plus de valeur à mes interventions.

Observez-vous une augmentation de motivation de la part de vos étudiants?

Je ne saurai dire s’il y a une augmentation, car je commence tout juste. Mais je suis convaincue que si j’utilise le vocabulaire et l’univers des étudiant-e-s pour leur faire découvrir et comprendre des choses, j’ai toutes mes chances pour qu’ils et elles soient attentif-ve-s et motivé-e-s.

Demandez-vous des feed-back à vos étudiants ?

Du fait que je débute dans mon activité de formatrice, les feed-back des étudiant-e-s est indispensable pour moi afin de faire évoluer mon approche. J’ai récemment mis en place un système de questionnaire pour après le cours. Mais je constate que c’est difficile d’obtenir des réponses des étudiant-e-s après coup. Je vais réfléchir à faire un feed-back en fin d’intervention ou de module pour avoir plus de retours, et qui plus est à chaud.

Comment communiquez-vous avec eux ?

J’utilise les ENT des écoles pour communiquer avec les étudiant-e-s. Je pense que c’est important de leur montrer la cohérence de leur formation en utilisant le même outil de communication que les autres enseignant-e-s, même si je suis intervenante extérieure.

Je tiens à signaler que j’utilise l’écriture inclusive dans tous mes supports de cours. Etant donné que j’interviens en école d’ingénieur-e-s, il m’est très important de montrer aux quelques étudiantes présentes qu’elles sont bel et bien incluses dans le discours. Je suis convaincue, et ça a été prouvé, que le langage contribue à accentuer ou diminuer les préjugés.

Selon vous, à quoi ressemblera l’école de demain ?

L’école de demain ? Mais elle est déjà là ! Je peux témoigner que les équipes pédagogiques se démènent pour mettre en place des approches mettant l’étudiant-e au coeur du processus d’apprentissage. Ce n’est pas évident et le changement prend le temps qu’il faut pour que ça soit bien fait, en intégrant les visions des différents personnels et des étudiant-e-s.

L’école au sens large, doit, selon moi, prendre en compte les multiples aspects d’une personne : sa perception du monde, sa santé physique et mentale, sa connexion à la nature, ses envies, son attrait pour les arts, les travaux manuels, sa capacité à être autonome et avec les autres, son intellect académique, son intelligence émotionnelle … Tout ceci afin de préparer à la complexité du monde. La vie n’est pas faite que du ou des métiers que l’on fera. L’école doit apprendre à évoluer dans la vie de façon sereine et heureuse.

Lire l’article “Pourquoi éduquer au développement durable dans les écoles d’ingénieur-e-s ?”

Merci Agathe, l’équipe Studizen vous a trouvé très inspirante.

N’hésitez pas à la contacter : agathe.peyre@gmail.com

Site internet : www.kohereco.com

Linkedin : https://www.linkedin.com/in/agathe-peyre-73334370/

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