La monétisation des données de santé, ni totem ni tabou

Vers une nouvelle approche de la protection des données pour le bien commun

Sunny Lake
SunnyLake
5 min readJul 12, 2019

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L’approche française des données de santé est essentiellement défensive, arc boutée sur la défense de la vie privée. Dès lors, l’enjeu de la propriété de ces données est largement ignoré, au détriment de l’intérêt commun. De manière croissante, une conception patrimoniale est défendue comme moyen de rendre aux patients la souveraineté sur leurs données.

S’il est vrai que le refus de la marchandisation indirecte du corps comme le “tout privacy” ouvre paradoxalement des brèches gigantesques aux nouveaux acteurs de la santé tels que les GAFA, pour leur seul bénéfice, il convient de ne pas s’enfermer dans des débats stériles et proposer des solutions communes aux acteurs de la santé.

Les données dans un monde en pleine mutation

Le monde change, regardons par exemple les applications de quantified self, si faciles d’accès avec leur design séduisant et leurs paramètres dans l’air du temps et examinons leur logique du donnant donnant : gratuité d’utilisation contre partage des données. Mais s’agit-il au juste d’un partage ou n’avons nous pas affaire à une entreprise de dépossession, véritable hold up légal, invisible et indolore ? En effet, si nos indicateurs de vie s’affichent sur nos smartphones, nous ne pouvons nous-mêmes les télécharger, les comparer avec nos autres paramètres de santé et encore moins les partager avec les personnes ou organismes de notre choix. En acceptant des conditions générales d’utilisation, nous perdons la maîtrise sur des informations peut-être essentielles à la vie de la collectivité.

Si nous considérons cette situation comme problématique, deux types de réactions peuvent être envisagés. L’une consisterait à réguler les flux de données par le haut, par une approche vraisemblablement encore défensive. L’autre poserait comme hypothèse que les données de santé constituent un bien commun, comme l’eau ou l’air et doivent donc s’administrer via des espaces communautaires.

En quoi avons nous affaire à un commun ? Tout d’abord, en considérant que l’amélioration de la santé des populations présente un bénéfice incontestable pour la collectivité. C’est la raison pour laquelle, les Etats modernes ont mis en place des campagnes de santé publique qui vont de la vaccination obligatoire de toute une population à des campagnes de communication visant à sensibiliser la population à certains risques sanitaires. Une piste possible serait donc de laisser les Etats, garants de l’intérêt général, organiser et gérer la circulation des données de santé. Sans laisser les Etats à l’écart d’un tel processus, une autre piste d’organisation nous semble plus appropriée.

La première raison est que centraliser l’ensemble des données de santé présente des risques de sécurité importants, sans parler de possibles dérives politiques. La seconde est que le niveau national n’est pas le plus opérant du point de vue scientifique. Par exemple, nombre de recherches médicales s’effectuent parallèlement dans plusieurs pays, augmentant la taille des échantillons, les points de comparaison inédits. Les opérateurs de Big Data tels que les GAFA ne s’embarrassent pas de telles frontières. Il convient de développer des réponses collectives aussi rapides et efficaces que les leurs.

De la participation à la co-construction

Comme l’a défini le prix Nobel d’économie, Elinor Ostrom, mettre en place un commun implique le respect de quelques principes. En premier lieu, une clarté sur l’objet de la communauté constituée assortie de règles claires et cohérente. Parmi ses principes essentiels, figure une participation de ses membres. Appliquée à la santé, cette règle permettrait une co-construction d’un espace communautaire par l’ensemble des acteurs, professionnels de la santé, patients et aidants, collectivités publiques…Chacun aurait des responsabilités claires et en serait responsable devant les autres parties.

Les citoyens/patients devraient, selon nous, être au centre du mécanisme de circulation des données. En hébergeant leurs données personnelles via des solutions sécurisées, en paramétrant les modalités de partage des dites données dont la circulation serait documentée sur un réseau de serveurs distribué de type blockchain. Chacun pourrait alors suivre l’utilisation qui est faite des données personnelles : mise des recherches en open source, traitements personnalisés ou même monétisation.

Partant de cette logique, de multiples communautés de santé vont émerger ; leur intérêt serait de mettre en place des mécaniques coopératives plus que concurrentielles afin de permettre à la collectivité dans son ensemble de trouver les optimums possibles, chacun restant libre d’adhérer à tels principes communautaires plutôt qu’à d’autres.

C’est l’opportunité, non encore totalement matérialisée, offerte par les Organisations Autonomes Décentralisées. Celles-ci, grâce à la mise en place de tokens visent en effet à offrir un système de gouvernance fondé sur les enjeux (qu’a-t-on à perdre ? Quelles est la valeur de chaque participation ?) de chacun des membres de la communauté. Elle permettrait donc par exemple aux patients de recevoir des contreparties financières au partage de leurs données mais également utiliser leurs tokens pour co-financer une étude ou voter sur le développement d’un champ d’investigation.

Il ne faut donc pas « fétichiser » la rémunération des données de santé. Certes le partage de la valeur économique créée par de telles données doit être encouragé mais il faut également entendre les acteurs de la recherche publique, les attentes qualitatives des patients autant que considérer que la donnée personnelle n’a, en soi, pas toujours autant de valeur qu’on peut se l’imaginer. C’est donc une approche écosystémique qui pourra faire pièce à la confiscation du secteur de la santé par les géants du numérique.

Sunny Lake est une plateforme e-santé, basée sur la blockchain pour collecter et partager des données afin de construire des études cliniques de manière accélérée. Contactez-nous : jcdespres@sunnylake.io

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