Le Super Marché noir, imprimerie atypique

“Bienvenue au Super Marché noir, minuscule maison d’édition letterpress. Nos anciennes supers presses d’imprimerie transpirent pour vous proposer des affiches atypiques d’images curieuses et de mots qui se (dé)jouent de notre langue. Toutes nos éditions sont couchées sur de supers papiers coton parées de couleurs qui tuent. Et par-ci par-là, nos supers lettres en bois et plomb traînent et imprègnent nos collections de leur charme désuet. La super classe.”

Julien Saniel a décidé de faire « quelque chose qu’il aime », en se réappropriant l’analogique de son enfance. Face au développement toujours plus rapide de la technologie et de l’informatique, il a adopté les vieilles machines d’imprimerie, les lettres de plomb ou de bois. Les ordinateurs côtoient les presses mécaniques : pour le graphiste, la technologie est bonne tant qu’elle garde une vocation et reste un outil.

Ce modèle lui permet son indépendance en contrôlant de A à Z ses créations, en travaillant en accord avec ses valeurs, et en étant au contact du matériel de graphisme. Beaucoup de ses outils de travail sont issus de récupération. L’utilisation des anciennes machines, encore très fonctionnelles, ne sont pas un retour en arrière, mais un acte de création et d’évolution. Chacune des création garde son cachet unique, son défaut d’impression. L’atelier de Julien est tout récemment installé dans le Village Zéro, un tiers-lieu en périphérie de Lyon qui offre la possibilité de travailler avec d’autres artisans. Il ne travaille pas sur commande, il créé selon ses envies, en se rendant parfois au Fab Lab pour la création d’objets ou de modèles d’impression.

C’est ce qui lui permet de sortir du côté commercial et marketing souvent associé au graphisme. Et qui lui offre aussi la possibilité de ne pas créer pour quelque chose ou quelqu’un, mais de rester dans l’inutile. Vient alors la question de l’utilité de l’inutile, un inutile qui invite à gamberger et à donner une autre valeur aux objets…

Quel lien à l’agricole ?

Beaucoup de paysans souhaitent, eux aussi, acquérir une plus grande indépendance, afin d’être plus résilient face aux aléas du monde agricole. Cela peut passer par l’utilisation de machines qu’ils sont capables de fabriquer/réparer, l’utilisation d’intrants produits sur place, la production des plants maraîchers si besoin est, la sélection de graines et la transformation des produits. Ce modèle peut paraître arriéré, trop complexe, trop énergivore et chronophage. Pourtant au delà d’une visée économique stable, résiliente et misant sur un minimum de charges; il s’agit d’une manière pour l’agriculteur d’être le plus cohérent possible avec ses valeurs, le plus à même de s’épanouir dans son métier.

Un modèle agricole peut, au même titre qu’une maison d’édition fonctionnant de nos jours avec des lettres de plomb, cibler l’épanouissement du professionnel et de son client. Un épanouissement non quantifié en valeur monétaire, mais qualifié en bien-être qu’apporte une activité qui a du sens. Il ne s’agit donc pas ici de modèles “utiles” au sens courant de ce terme : l’objectif n’est ni le rendement, ni le revenu (ces valeurs, bien qu’importantes et considérées dans le modèle de l’activité, sont davantage des paramètres).

Enfin, de la même façon que le graphisme, l’agricole peut toucher à l’art. La parcelle peut garder le cachet unique du défaut, de l’innovation localisée de l’agriculteur qui met de côté les conventions. La parcelle peut être une oeuvre, résultant de la manière d’occuper l’espace , du choix de design tant pratique qu’esthétique du paysan.

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