Sur les Internets #30 — Coups pour coups

Où l’on parle (notamment) des meilleurs coups de com’ au service de causes. À moindre coût, toujours.

Kéliane Martenon
Sur les Internets
9 min readSep 7, 2022

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— « Sur les Internets », c’est une sélection des meilleurs formats innovants et créatifs. Pour vous abonner, c’est par ici.

1. Quand la moitié de Linkedin s’est appelée Peter 🇳🇱

En résumé — Aux Pays-Bas, seuls 5% des CEO sont des femmes. Pire, il y a plus de CEO s’appelant Peter… que de femmes dirigeantes. Alors, pour interpeller l’opinion, des associations ont eu l’idée de faire changer à des femmes leur prénom sur Linkedin.

Pourquoi c’est intéressant —Parce que la campagne est devenue virale (et a imposé le sujet dans le débat public)… avec zéro budget média. Comment ? En demandant à des personnalités hollandaises influentes (joueuse de foot, rédactrice en chef de Vogue etc.) de se renommer Peter sur Linkedin et de publier un post expliquant qu’elles auraient ainsi peut-être plus de chances de dépasser le plafond de verre, en incitant toutes les femmes hollandaises faire de même. L’opération « My name is Peter » était lancée : un simple changement de prénom, donc, qui a fait boule de neige et s’est hissé dans les tendances Linkedin.

30 secondes pour tout comprendre de cette campagne virale

2. Quand la Maison Blanche se met à troller ses opposants (et cartonne sur Twitter) 🇺🇸

En résumé — La semaine dernière, Joe Biden lançait l’une des grandes réformes de son mandat : l’annulation partielle de prêts pour des millions d’étudiants américains. Face à la levée de boucliers de ses opposants républicains, la Maison Blanche est— pour une fois — sortie de son ton assez neutre pour contre-attaquer sur Twitter : elle a retweeté les critiques de ses adversaires… en y ajoutant le montant des annulations de dettes dont ils ont eux-mêmes bénéficié via le Paycheck Protection Program (PPP), le plan mis en place par Trump après le Covid pour soutenir les entreprises.

Pourquoi c’est intéressant — Parce que le style très factuel (le RT du député avec juste “Congress(wo)man had …$ in PPP loans forgiven”) suffit à la démonstration. Et parce que cette stratégie de “trolling”, surprenante de la part d’une institution, est plus qu’efficace sur un réseau social qui raffole de clashs politiques : le 1er tweet compte déjà plus de 200k retweets et 700k likes (pour 7,5M d’abonnés, c’est propre).

— Le thread complet mérite le coup d’oeil : il est ici.

Pour aller plus loin — La Maison Blanche poursuit sa stratégie d’amplification via les influenceurs : le Président américain a pris le temps de “briefer” certains d’entre eux (aperçu ici avec une créatrice de contenus qui cumule plus de 2M d’abonnés sur TikTok et Instagram) dès l’annonce de la réforme pour répondre à leurs questions… et s’assurer qu’ils la relaient.

3. Faire tâter un Rembrandt pour sensibiliser sur le cancer du sein 🇦🇷

En résumé — L’ONG argentine Macma, qui fait de la prévention sur le cancer du sein, a eu l’idée de reproduire en taille réelle des tableaux de Rembrandt, Rubens et Raphaël représentant des femmes aux seins nus dans un musée de Buenos Aires. Les visiteurs étaient — pour une fois ! — incités à “tâter” les poitrines moulées en 3D qui comportaient les caractéristiques du cancer (bosses, rétractation de la peau, ganglions gonflés) pour montrer ce qu’ils doivent chercher lorsqu’ils pratiquent l’auto-palpation.

Pourquoi c’est intéressant — Parce que montrer et faire ressentir est bien plus efficace que n’importe quel message de prévention, n’importe quel mot ou chiffre. En particulier sur un sujet aussi sensible que le cancer. Et que le contre-pied de le faire dans un musée, lieu où par essence on renonce au sens du toucher, est plutôt malin.

Plongée dans les coulisses de l’opé

4. Transformer les panneaux de pub en tableaux de bord climatiques en temps réel 🇸🇪

En résumé —Début juin, pour la journée mondiale de l’environnement, une startup suédoise spécialisée dans les données a utilisé pour la 1ère fois les panneaux publicitaires digitaux de Stockholm pour diffuser un tableau de bord en temps réel (grâce à des données satellites) des émissions carbone hebdomadaires du pays par rapport à la trajectoire nécessaire pour tenir les objectifs de l’accord de Paris.

Pourquoi c’est intéressant — Pour le choix du support : les mêmes panneaux d’affichage énergivores qui poussent à la sur-consommation au quotidien. Et parce que, au-delà des mots, la visualisation des données est un levier d’éducation (avec notamment les flèches à la hausse ou à la baisse pour savoir si la Suède est sur la bonne voie ou non) pour provoquer le sursaut nécessaire face à l’urgence climatique.

🇬🇧 Pour aller plus loin —La startup a refait l’opé à Londres, fin juin… à l’occasion du G7 consacré au climat. Malin en termes de newsjacking.

5. Les cartes Panini de la honte 🇸🇪

En résumé —La plateforme de journalisme d’investigation suédoise Blankspot a décidé d’alerter sur les conditions de travail des migrants pour la Coupe du Monde au Qatar avec un support original : des cartes Panini envoyées à la FIFA, à toutes les marques sponsors de l’évènement et aux décideurs publics.

Pourquoi c’est intéressant — Pour le choix du support : des cartes à collectionner qui reprennent un design familier pour tous les supporters de foot et servent ici à sortir de l’anonymat ces migrants venus du Népal, du Bangladesh ou d’Inde et raconter leur histoire. À noter que l’opé a été réalisée en partenariat avec l’application de foot Forza Football qui compte plus de 3 millions d’utilisateurs mensuels actifs.

Découvrir comment ont été conçues les cartes

🇳🇴 Pour aller plus loin — Le club de foot norvégien Tromsø a été quant à lui le 1er club à alerter sur le respect des droits de l’homme au Qatar… en mettant un QR code sur ses maillots pour renvoyer sur une page dédiée qui appelle à une meilleure protection des travailleurs immigrés pour la Coupe du monde.

6. Les posts avec dates de péremption 🇫🇷

En résumé — Pour réduire son impact carbone en ligne, Dalkia a ajouté des “dates limites de disponibilité” à ses posts sur les réseaux sociaux, avec un hashtag #dld suivi par le mois à partir duquel ils seront ensuite supprimés (ex : #dlddec pour ce qui sera supprimé en décembre). Résultat ? Seulement une trentaine de contenus aujourd’hui sur son compte Instagram. Cohérent avec sa mission de sobriété numérique.

Pourquoi c’est intéressant — Pour la démarche plus globale : Dalkia a aussi repensé son site en divisant par 4 le nombre de pages, en diminuant le nombre et poids des photos, vidéos et pdf en ligne, en réduisant de 7 à 2 le nombre de serveurs, et même en rendant le site complètement statique les soirs et weekends pour fermer un serveur. Résultat ? 64% de consommation d’énergie en moins.

Leur méthode pour réduire leur impact carbone en ligne et l’explication (bien faite) de l’opé #DLD

7. Pas copains comme cochons : une stratégie d’influence rondement menée 🇫🇷

Précision utile : je ne décrypte ici la campagne que sur la forme, sans nécessairement partager la prise de position sur le fond.

En résumé — La Vie est une startup française spécialisée dans les alternatives végétales à la viande. Or, cet été, un décret a décidé d’interdire l’utilisation des termes “saucisses”, “steaks” ou “lardons” pour les produits végétaux. La startup a donc décidé de contre-attaquer… avec humour.

Pourquoi c’est intéressant — La Vie a réussi a faire de ce bras de fer réglementaire — peu sexy sur le papier — une “série de l’été” en plusieurs épisodes (avec du fond et un ton décalé que j’aime beaucoup), en interpellant / impliquant le grand public.

  • Premier acte : La Vie explique pourquoi, en ciblant uniquement les produits fabriqués en France, ce décret était pour elle “absurde”. Le format ? Des visuels provoc’ “Fabriquez en Chine !” diffusés en presse et sur les réseaux sociaux.
  • Deuxième acte : la startup répond publiquement aux arguments de la filière porcine — habilement désigné comme “lobby” pour induire une connotation péjorative. Le format ? Une fausse carte postale à découper diffusée dans le Parisien, téléchargeable et imprimable pour les consommateurs pour l’envoyer à Inaporc.

— Chaudement recommandé : leur site qui détaille cette “saga de l’été”. Côté éditorial et storytelling, c’est très propre.

Bonus — Choisir sa place en 3D depuis la salle 🇧🇷

En résumé — Un développeur brésilien a imaginé un site qui reconstitue en 3D l’intérieur d’une salle d’opéra. L’internaute peut choisir son siège : il se rend alors non seulement compte de la vue qu’il aura mais, mieux, de l’expérience auditive en fonction de la place qu’il choisit.

Pourquoi c’est intéressant — Pour la mine d’usages que cela ouvre, que ce soit pour réserver sa place de ciné, de théâtre, de concert mais aussi pourquoi pas un match ou une table au resto.

Faites l’expérience par vous-même (et mettez le son)

C’est peut-être un détail pour vous mais…

C’est tout pour aujourd’hui : on se dit à dans deux semaines pour une nouvelle fournée de formats créatifs !

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Pour me soumettre des formats sympas, donner votre avis ou juste discuter, je suis joignable par mail, sur Twitter ou LinkedIn.

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Kéliane Martenon
Sur les Internets

Internet, startups & formats innovants • Précédemment, chef(fe) des Internets de Bruno Le Maire.