Sur les Internets #31 — Rusé. Et viral.

Les meilleurs coups de com’ de marques avec zéro budget marketing (ou presque) pour miser sur le bouche-à-oreille et les happenings malins.

Kéliane Martenon
Sur les Internets
9 min readSep 29, 2022

--

— « Sur les Internets », c’est une sélection des meilleurs formats innovants et créatifs. Pour vous abonner, c’est par ici.

1. Comment récolter des milliers de numéros de téléphone sans dépenser 1 euro de publicité

Le contexte — Marty Bell, un entrepreneur écossais, a lancé en 2014 Poolside FM. Le concept ? Une radio en ligne qui surfe sur la nostalgie des années 80, avec des playlists et un design délibérément rétro. Ce qui n’était alors qu’un simple passe-temps a connu un vrai succès : plus d’1 million d’écoutes, un site puis une appli téléchargée plus de 230 000 fois… Un jour, il rencontre 2 entrepreneurs qui, eux, voulaient se lancer dans le business de crème solaire. La rencontre de ces 2 univers a donné naissance à Vacation, une marque de produits solaires vintage à mi-chemin entre divertissement et e-commerce qui est passée maître dans les opé de com’ malignes et virales à moindre coût.

Le coup de com’ — Lancer une marque “direct-to-consumer” de zéro demande généralement du temps… et un budget marketing. Ou pas. Pour son lancement, Vacation a mis en ligne un générateur de postes au sein de sa société. Les fans pouvaient ainsi créer une carte de visite personnalisée, à leur nom, avec des titres loufoques comme “Jacuzzi vibe check officer” ou “Caipirinha Sugar Supervisor”… qu’ils se sont empressés de partager sur Twitter et Instagram (certains se sont même amusés à ajouter le titre à leur Linkedin).

Pourquoi c’est intéressant — Tout le génie de l’opération revenait à pouvoir recevoir ladite carte de visite décalée… en échange du mail et du numéro de téléphone des internautes. Un moyen rusé de récolter plusieurs dizaines de milliers de contacts en 24h. Et se constituer une précieuse base. Les internautes ont reçu ensuite un SMS d’un certain “Ray Smith”, présenté comme le directeur commercial de Vacation, qui leur donnait un lien de parrainage personnalisé.

2. Un démarchage dans l’endroit le plus improbable d’une agence

En résumé — Deux créatifs ont voulu démarcher des agences de com’. Partant du principe que les directeurs artistiques avaient peu de temps à leur accorder, ils ont tout simplement décidé de les interpeller… aux toilettes, avec des rouleaux de papier personnalisés.

Pourquoi c’est intéressant — Parce que, quoi qu’on en dise, même si on parle ici des Internets, les objets “physiques” restent le moyen le plus efficace de capter l’attention. Et qu’ils ont ici allié les deux : un message imprimé sur un rouleau ET un QR code. Un mouv’ osé, mais un ciblage bien pensé et un “coup” qui en dit long sur leur motivation.

3. Le média qui a récolté 16 000 nouveaux abonnés à sa newsletter en 4 jours

En résumé — Le média new-yorkais RocaNews — qui cartonne notamment sur Instagram avec plus d’1 million d’abonnés — avait prévu un budget marketing de 1 000$ pour promouvoir sa newsletter. Mais plutôt que de le dépenser en pub Facebook, il a imaginé une opé solidaire… dont il n’imaginait pas qu’elle deviendrait aussi virale. Le principe ? Donner 1000$ pour aider des personnes en difficulté à subvenir à leurs besoins dans des épiceries d’Harlem une fois les 1000 abonnés (gratuits) atteints. L’objectif a été atteint.. en 3 heures. Et le média a renouvelé l’opération pour les paliers suivants : 10 000$ de dons pour les 10 000 abonnés, 100 000$ pour les 100 000 etc.

Pourquoi c’est intéressant — Pour la cohérence avec la ligne éditoriale du média qui se revendique “social-first” et tourné vers une communauté très locale : RocaNews explique qu’il a lui-même les moyens de “générer” des bonnes nouvelles, en ré-investissant intelligemment son budget marketing. Une boucle vertueuse où le média (i) fédère et engage sa communauté aussi bien en ligne, avec des taux de likes qui explosent (50k likes sur l’annonce de l’opé), que sur le terrain, (ii) travaille sur le long terme son image grâce à son impact social et (iii) s’offre une campagne d’acquisition pour sa newsletter avec un coût transparent de “seulement” 1$/abonné.

Pour aller plus loinCe post qui rend des comptes sur l’utilisation concrète de ces dons, vidéos et sommes à l’appui, est particulièrement efficace.

4. Pas de pétrole mais des idées

En résumé — Pour la journée mondiale sans voiture, la marque de vélos pliants Brompton a eu l’idée de faire un petit happening dans une ancienne station-essence. Le principe ? Faire tester ses vélos avec distribution gratuite de café. Et montrer qu’elle peut mettre 42 vélos pliants sur une place de parking (une démo qui vaut bien des mots sur leur vision de la mobilité).

Pourquoi c’est intéressant — Pour le faux panneau de prix du carburant, qui était vraiment le coup de com’ malin. Parce qu’il permet de montrer en un coût d’oeil le bénéfice du vélo par rapport à la voiture. Malin dans un contexte d’inflation et d’envolée des prix du carburant.

5. 855 000 abonnés et zéro budget pub pour Veja

En résumé — Si vous avez des baskets de grande marque type Nike ou Adidas, sachez que 70% de leur prix sert à financer leur marketing. Alors pour faire les choses différemment la marque éco-responsable Veja assume, elle, d’avoir 0€ de budget pub (pas d’influenceurs rémunérés, pas d’affichage, pas de sponso réseaux sociaux…), pour investir plutôt sur la qualité, l’impact et le sourcing de ses produits tout en restant au même prix que ses concurrents.

Pourquoi c’est intéressant — Parce que l’explication est efficace et se résume en une punchline : “we don’t like advertising, we prefer reality”. Et pas de pub ne veut pas dire pas de communication : Veja est non seulement sur les réseaux sociaux mais, surtout, y performe mieux que ses concurrents. Ce que j’aime en particulier, c’est le fait d’utiliser les réseaux sociaux comme des vrais réseaux… sociaux. Autrement dit, de prendre le temps de répondre à tous les commentaires (jetez un oeil notamment sur Insta, où ils ne se contentent pas de répondre comme des robots).

6. Mini-hack de Google Maps pour gros impact

En résumé — La marque néerlandaise de bouteilles réutilisables Dopper s’est aperçue que l’une des principales difficultés de ses clients était de trouver des points d’eaux gratuits pour remplir leurs gourdes. Alors elle a eu l’idée de cartographier les 1800 fontaines publiques des Pays-Bas : il suffit désormais de taper “water tap” dans Google maps pour les retrouver. L’opé va être déployée l’année prochaine en France, Allemagne, Belgique et Espagne.

Pourquoi c’est intéressant — S’il existe déjà des appli spécifiques pour trouver des points d’eau à proximité, le principal avantage ici est de l’avoir déployé dans l’appli déjà utilisée par des millions d’utilisateurs, sans besoin d’en télécharger une nouvelle. Un réflexe plutôt malin donc, de la part d’une marque, de non seulement vendre un produit éco-responsable mais aussi aider ses utilisateurs à pouvoir agir de manière plus responsable.

7. Cachez-moi ces marques que je ne saurais voir…

En résumé — C’est une tendance qui commence à poindre : de plus en plus de marques se créent de nouveaux comptes sur les réseaux sociaux, en faisant disparaître tout code corporate. C’est le cas par exemple de Veolia avec son compte Instagram Up To Us, qui s’affranchit de la charte de la marque et se contente d’une mention “powered by Veolia” pour créer un quasi média sur la transition écologique (et, surtout, une communauté).

Pourquoi c’est intéressant — Le principal avantage pour la marque ? S’offrir une liberté éditoriale et graphique pour avoir un ton et des contenus bien plus adaptés aux réseaux sociaux que les contenus léchés (aseptisés ?) et sur-validés qu’ils publient sur leurs comptes corporates. L’objectif est de faire oublier la marque pour fédérer une communauté intéressée par un sujet (ex : l’écologie). C’est aussi la stratégie adoptée par VOST, un média “jeune” lancé par le groupe de presse quotidienne régionale La Montagne et découvert grâce à Jean Abbiateci, fondateur du média Bulletin. Mis à part dans l’URL de son site, toute mention du groupe de presse est effacée (notamment sur Instagram), comme s’il s’agissait d’un média à part. De quoi tester davantage de formats pour partir à l’assaut d’Instagram, TikTok et de la fameuse Gén Z.

Bonus — Comment lancer une boutique en 30 jours ?

La marque de streetwear Forever Vacation a ouvert début juillet une boutique éphémère en plein Paris. Le concept ? Une minuscule épicerie ouverte jusqu’à 22h30, avec vente de fringues au poids, paniers et néons au mur. Le décryptage de l’opé mérite le coup d’oeil. La vidéo d’annonce version fish eye & argentique aussi.

C’est peut-être un détail pour vous mais…

  • Jeu, set, match — L’opérateur téléphonique suisse Sunrise rend hommage à son ambassadeur Roger Federer… en renommant temporairement son réseau.
  • Mamma mia — Le parti de Giorgia Meloni, Fratelli d’Italia, a dépensé plus de 140 000€ en publicités Facebook et Instagram dans la dernière ligne droite de la campagne présidentielle. Et ce n’est pas anodin.
  • B comme boulettes — La marque de lunettes Ace & Tate a été certifiée B-Corp et en a profité pour faire le bilan de ce processus de longue haleine et publier la liste de toutes les erreurs qu’elle a commises dans le passé. Une humilité aussi rare qu’appréciable.
  • De l’humain au milieu de l’océan de bullshit — Comme beaucoup, je ne supporte plus les posts putaclics sur Linkedin. Alors quand un patron comme celui de PayPal France comprend l’intérêt d’écrire lui-même et de partager des contenus plus personnels, cela fait du bien.
  • À la bougie — Plusieurs restaurants de Bruxelles tirent la sonnette d’alarme sur la flambée des prix de l’énergie. Comment ? Avec une opé “Bruxelles in the dark” où pendant 3 jours ils éteignent les lumières, coupent l’élec’ et le gaz. Un moyen de sensibiliser sur les difficultés d’un secteur qui en a gros sur la patate (Covid, pénurie de personnel, inflation, factures de gaz et d’électricité…).
  • Dormez moins bêtes Ce thread vous explique l’histoire des QR codes et, en vrai, j’ai appris plein de choses.
  • RIP le community management, vive le coaching— Le Washington Post crée un poste de « Social Media Coach ». Son rôle ? Aider les journalistes à élargir leurs audiences sur leurs réseaux sociaux et les former aux bonnes pratiques. (Et je trouve ça, perso, malin de miser sur ses “ambassadeurs” plutôt que de faire 30 likes avec un compte corporate.)
  • Relifting — Deux designers ont lancé le projet (Un)official (Re)designs. Autrement dit, ils s’amusent à réinventer des logos de marques connues : Gmail, Greenpeace, la NASA, McDo, Walmart etc.
  • Design system d’État — Passion com’ publique toujours : la Nouvelle-Galles-du-Sud, l’un des États de l’Australie, a sorti sa nouvelle charte graphique. Et j’aime beaucoup.
  • La F1 pour les nuls — Toni Cowan-Brown a sorti un guide de la F1 sous forme de site : canon sur la forme et extrêmement pédago pour expliquer les bases de ce sport et comprendre son actu.

C’est tout pour aujourd’hui : on se dit à dans deux semaines pour une nouvelle fournée de formats créatifs !

Si ce n’est pas déjà fait, inscrivez-vous (c’est gratuit et ça prend 1 min) pour recevoir le prochain numéro.

Pour me soumettre des formats sympas, donner votre avis ou juste discuter, je suis joignable par mail, sur Twitter ou LinkedIn.

--

--

Kéliane Martenon
Sur les Internets

Internet, startups & formats innovants • Précédemment, chef(fe) des Internets de Bruno Le Maire.