Sur les Internets #33 — À (rebrousse) poil.

Les campagnes les plus créatives pour répondre au greenwashing et jouer la carte de la transparence.

Kéliane Martenon
Sur les Internets
9 min readDec 8, 2022

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1. Amazon version années 80

En résuméKeep The Amazon Prime. C’est le nom de la campagne de la marque de baskets écolo Allbirds pour la Journée de la Terre. Le concept ? Une fausse pub de téléachat vintage dont le produit à “acheter” n’est nul autre que… l’Amazonie. Derrière la campagne décalée, le but est sérieux : récolter des dons pour l’ONG Amazon Watch.

Pourquoi c’est intéressant — Le concept créatif est bien vu : rappeler l’époque où le mot anglais “Amazon” ne renvoyait pas au géant du ecommerce mais aux forêts tropicales d’Amazonie. Allbirds n’y est pas allé de main morte dans le parti pris : une DA volontairement catchy qui a le mérite d’attirer tout de suite l’attention, un contenu volontairement ridicule pour divertir… mais avec, derrière l’ironie, un message impactant sur la préservation de l’un des poumons de la planète.

Côté formats, la séquence a été bien pensée pour être déclinée en réseaux sociaux avec, au-delà du mini-site et de la fausse pub, de faux avis comme sur Amazon.

2. Un manga plutôt qu’une campagne

En résumé — Le Cniel, l’interprofession laitière, vient de sortir en Fnac, librairies et espaces cultures des supermarchés… un manga.

Pourquoi c’est intéressant — Le format est particulièrement malin par rapport à l’objectif : donner envie aux jeunes générations de s’intéresser aux métiers de la filière laitière. La BD raconte l’histoire d’un petit fils d’éleveur laitier qui aide son grand-père sur l’exploitation le jour et se transforme en guerrier pour sauver le monde la nuit : plus subtil qu’une énième campagne qui mettrait en avant des portraits d’éleveurs. Un imaginaire et une vision d’autant plus importantes pour une génération Z plus soucieuse que jamais de trouver du sens dans sa vie pro.

3. Le chocolat qui pointait ses propres faiblesses

En résumé La marque Tony’s Chocolonely a pris les devants pour communiquer sur le (fort) taux de sucre de ses tablettes, appelant ses clients à ne pas en abuser, mais aussi pour soutenir la création d’une taxe sur le sucre aux Pays-Bas.

Pourquoi c’est intéressant — Ce n’est pas la première fois qu’une marque communique contre ses intérêts business : on pense évidemment à la pub “Don’t buy this jacket” de Patagonia ou à la marque de lunettes Ace & Tate qui écrivait “Look we f*cked up” après sa certification B Corp. Mais la tendance commence à s’accélérer avec des marques qui prennent conscience que se priver à court terme de profits n’est pas si important au regard de l’impact sociétal qu’elles peuvent avoir (et de manière triviale, du gain d’image dont elles bénéficieront si, bien sûr, l’engagement est sincère).

4. N’embauchez pas de CM

En résumé — Le cofondateur de la marque de mode Walk in Paris tweete lui-même sur le compte @walkinpaname (13k abonnés). Et ça fait toute la différence.

Pourquoi c’est intéressant —Parce que cela se voit dans le ton (et dans le taux d’engagement), rafraîchissant par rapport aux comptes soit trop corpo’, soit trop marketing. Et parce que l’approche est intéressante : ce n’est pas *juste* un compte sur ses produits mais une communauté d’internautes qui partagent les mêmes centres d’intérêt et goûts esthétiques (et même l’amour du print, avec la “Gazette du walkeur”). Et auxquels il prend le temps de répondre. Bref, une marque qui s’est créé un vrai univers + qui n’est pas seulement descendante. Allez scroller par vous-mêmes.

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5. Affichez vos émissions de CO2 : chiche ?

En résumé — La marque Allbirds a développé un calculateur d’émissions carbone, pour afficher de manière transparente l’impact écologique de ses baskets. Pour la Journée de la Terre (oui, elle aime profiter de cette occasion pour faire des “coups”), elle a décidé… d’en faire don aux autres marques de l’industrie de la mode. Elle a donc imaginé une campagne sous forme de mail interpellant ses concurrents, publié dans le New York Times, le Sunday Times, le Der Spiegel et Asahi Shimbun.

Pourquoi c’est intéressant — Derrière l’argument de vouloir tirer toute l’industrie de la mode vers le haut, Allbirds en profite pour imposer à ses concurrents cette transparence… et donc “objectiver” les vertus de ses propres produits.

Pour aller plus loin — La campagne ne s’est pas arrêtée là. Allbirds veut rendre l’affichage des émissions de CO2 aussi indispensable que :

  • les étiquettes de prix sur les produits, avec des stickers Instagram et ces Reels en motion bien vus ;
  • l’affichage des calories dans les produits alimentaires. Quelques mois plus tôt, elle avait sorti cette vidéo décalée avec Bret McKenzie, une star néo-zélandaise.

6. Le média que rien ne prédestinait à cartonner sur TikTok

En résumé — Alternatives Économiques a été le premier média indépendant à se lancer sur TikTok. Lancé fin janvier 2021, son compte a franchi aujourd’hui le cap des 15 millions de vues et plus de 64 000 abonnés.

Pourquoi c’est intéressant — Pour 3 raisons :

  1. Ils se sont fixés un objectif clair (se faire connaître des jeunes, là où ils sont, en assumant de profiter de la prime aux premiers arrivés) et des indicateurs clairs (gain de notoriété et proportion d’abonnés étudiants dans leur base)
  2. Ils ont compris, aussi, que la clé sur TikTok était l’incarnation et qu’ils ont donc tout simplement commencé par recruter un (jeune) journaliste dédié, créatif et qui maîtrisait les codes de la plateforme. Et ils lui ont fait confiance sur la ligne édito et la production des contenus.
  3. Et, surtout, ils démontrent dans leurs contenus qu’il y a une prime aux contenus “authentiques”, avec 3 bouts de ficelle, où dans leur cas des découpages et des playmobils.

Pour aller plus loin L’interview de la Social Media Manager d’AlterEco.

7. Se démarquer en faisant de son site une expérience vraiment sur-mesure

En résumé — La startup allemande Amie cherche à réinventer le calendrier. Alors pour raconter son histoire, plutôt qu’une bonne vieille page “qui sommes-nous” que personne ne lira, elle a sorti… un calendrier. Forcément.

Pourquoi c’est intéressant — Pour la diversité de formats (photos, stories, audio, liens externes…) qui permet de jouer à plein la carte du storytelling, d’embarquer l’internaute dans la vision de la boîte. Et parce qu’un site devrait toujours être 1) une expérience wow en 1 minute maximum (à rebours des sites-fleuves corporate) et surtout, 2) unique, sur-mesure, qui reflète l’ADN même de la marque. La page mérite vraiment le détour.

Bonus — La bouffée d’art, le temps d’une journée

Aux Pays-Bas, pour le Design in Motion Festival, plus de 5 000 panneaux d’affichage dans les gares, métros et grandes rues se voient, le temps d’une journée, vidés de tout message publicitaire pour être confiés à des “artistes numériques” pour célébrer l’art.

Intéressant quand on sait que les pubs étant, par nature, conçues pour nous faire croître que nous avons terriblement besoin de quelque chose et que des études ont logiquement montré que plus nous sommes exposés à des pubs… moins nous sommes heureux.

C’est peut-être un détail pour vous mais…

  • Avant/après — Pour la journée mondiale de la santé mentale, la marque Asics a sorti une série de visuels avant/après mettant en avant, pour une fois, les bienfaits du sport sur la santé… mentale. Un détournement malin d’un format populaire sur Instagram, largement utilisé par les influenceurs sport/healthy promettant des effets miracles.
  • Misez sur les newsletters (et faites-en des produits éditoriaux) Un récap’ hyper instructif des bonnes pratiques de PNY, Bulletin ou My Little Paris.
  • L’art de raconter les résultats d’une étude — Plutôt qu’un bon vieux pdf des familles, cette entreprise a pris le temps de digérer les données et d’en faire un joli long format pour véritablement raconter comment notre rapport au travail a évolué.
  • Les prédictions 2023 du design — Dans la même veine, ce site passionnant sur le fond et sur la forme pour décrypter les grandes tendances du design.
  • Pour toutes et tous — La marque de mode Index montre le rendu de ses produits sur des mannequins… de toutes les morphologies. Oui, ça paraît normal et pourtant c’est encore rare (Léna Situations l’avait fait cet été sur le site d’Hôtel Mahfouf).
  • Le curseur de la transparence — La marque de cosmétiques Isla détaille (à fond) la composition de ses prix, vulgarise l’utilité de chaque ingrédient et pousse le vice jusqu’à rendre des comptes sur la composition de ses packagings.
  • 30 000 créatifs ont déjà joué le jeu — La Brooklyn Art Library s’est lancée depuis une dizaine d’années dans un concept marrant : le Sketchbook Project. Chaque créatif peut acheter un carnet, avoir un an pour le remplir avec les dessins qu’il veut… et le renvoyer pour qu’il soit ajouter à ce qui est en train de devenir la plus grande bibliothèque mondiale de sketchbooks.
  • L’IA non gadget pour repenser des villes — Un artiste a eu l’idée d’utiliser le fameux outil d’intelligence artificielle DALL·E 2 pour repenser et projeter l’aménagement des villes américaines (plus vertes, sans voitures etc.). Il en a fait un compte Twitter, @betterstreetsai, qui a rassemblé en 4 mois 25 000 abonnés.
  • Shot d’inspiration Ce site compile les plus belles illustrations parues dans les plus grands média du monde. Très chouette.
  • Désordres de grandeur — Le média Vert dégaine des posters pour (re)mettre du concret derrière l’urgence climatique.
  • Éco-graphisme Une nouvelle esthétique émerge (enfin) pour parler d’urgence climatique sans montrer une Terre en feu ou utiliser du vert.
  • Un travail pharaonique — Grâce au projet mené par l’Université d’Harvard, on peut désormais explorer en 3D et à 360° la Pyramide de Khéops, l’une des Sept Merveilles du monde, avec des explications tout au long de la visite.
  • La montre délibérément déconnectée — Pour prendre le contre-pied des montres connectées, Timex a fait de son côté vintage un argument — celui d’éviter l’anxiété liée aux notifications en continu… en reprenant habilement les codes graphiques minimalistes des pubs Apple.
Oui, c’est Angela Merkel. Qui repasse du papier cadeau. C’est tout.

C’est tout pour aujourd’hui : on se dit à dans deux semaines pour une nouvelle fournée de formats créatifs !

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Pour me soumettre des formats sympas, donner votre avis ou juste discuter, je suis joignable par mail, sur Twitter ou LinkedIn.

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Kéliane Martenon
Sur les Internets

Internet, startups & formats innovants • Précédemment, chef(fe) des Internets de Bruno Le Maire.