Sur les Internets #36 — Cheesy

On parle de Top Chef, de Patagonia, du design de la vaisselle de McDo, d’une vidéo à 20 millions de vues d’Apple, d’un carnet de voyage papier…

Kéliane Martenon
Sur les Internets
10 min readMar 23, 2023

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1. Comment une marque de céréales est devenue hype

En résumé — La marque de Surreal britannique cartonne sur les réseaux sociaux (37k abonnés sur Linkedin, 20k sur Instagram). Son dernier coup de com’ ? Une campagne d’affichage où, plutôt que de se payer de vraies stars, elle est allée chercher de (vrais) homonymes de Serena Williams, Ronaldo ou Michael Jordan.

Pourquoi c’est intéressant — OK, ce n’est pas une idée créa’ nouvelle en soi : l’EM Strasbourg jouait déjà en 2015 sur l’homonymie de personnalités comme Christine Lagarde, Didier Deschamps ou Claire Chazal avec sa campagne « on ne choisit pas son nom, mais on choisit qui on devient ». Plus récemment, c’est Boursorama qui mettait en avant un Jean Dujardin tout ce qu’il y a de plus lambda. Là où Surreal se démarque, c’est :

  1. sur sa capacité à imaginer un temps 2 à cette campagne avec de nouvelles affiches faisant semblant d’être censurées par leurs avocats.
  2. parce que ce genre de campagnes décalées est devenu sa marque de fabrique : l’été dernier, elle dégainait des affiches au design volontairement moche, façon Paint, loin d’être stupides pour capter l’attention.

Découvrir la campagne sur les homonyneset son prolongement bien vu !

Pour aller plus loin Le branding de Surreal mérite également le détour. Partant du principe que les marques “healthy” ont souvent une com’ ennuyeuse, son pari est de se démarquer avec une identité visuelle pop et un ton toujours léger.

2. Ce à quoi devrait ressembler la com’ politique

En résumé — Il n’y a pas qu’Alexandria Occasio-Cortez qui a compris comment utiliser intelligemment les réseaux sociaux quand on est un politique : le député américain Jeff Jackson multiplie lui aussi les formats percutants. Dernier exemple en date : la semaine dernière, il publiait une vidéo où en un peu plus de 2 minutes il explique comment le Congrès a été mobilisé en urgence, sur Zoom, pour prendre des mesures suite à la faillite de la Silicon Valley Bank. Résultat ? 25 millions de vues sur TikTok, 6,3 millions sur Instagram et 1,3 million sur Twitter.

Pourquoi c’est intéressant — Parce qu’il utilise les réseaux sociaux et sa newsletter dans un unique but : rendre des comptes aux Américains et faire de la pédagogie sur les travaux du Congrès. On est en plein dans le “moins mais mieux”. Il n’a par exemple fait “que” 2 posts sur Instagram (et 5 tweets) en mars : 2 Reels, l’un sur SVB donc, l’autre sur les derniers rebondissements dans la guerre en Ukraine. Et, surtout, sur ses réseaux, il utilise ses réseaux pour s’exprimer sans intermédiaire aux internautes… et non pas relayer ses passages média, pratique que les politiques français n’arrivent toujours pas à abandonner. Ça change pourtant tout dans le rapport d’un politique aux citoyens.

Voir la fameuse vidéo qui lui a valu ces millions de vues.

3. Le fil rouge du New York Times Food Festival

En résumé — À l’automne 2022, après 2 ans d’interruption post-Covid, le New York Times Food Festival faisait son grand retour dans la capitale américaine. Et forcément, quand l’un des média les plus forts en matière d’innovation éditoriale organise un festival gastronomique, on est sur un niveau de branding… qui donne l’eau à la bouche.

Pourquoi c’est intéressant — Parce que le New York Times a eu la bonne idée de repartir de son identité de son dernier festival de 2019 (et notamment les couleurs rouge / blanc / noir) et a ajouté des petites bulles animées, comme des bouches. Pour le moins efficace et reconnaissable.

Jeter un oeil à tout le branding

4. Une (simple) sonnerie en guise de bande son

En résumé — Airbnb a sorti l’an dernier ce qu’il a présenté comme “le plus grand changement apporté à la plateforme en une décennie” : 56 catégories pour trouver des idées de logements en fonction de ses envies (cabanes, habitations atypiques, ski…). Et pour en faire la promo, elle a invité des photographes à passer des vacances dans l’un de ces lieux atypiques avec leurs proches, leur a demandé d’envoyer des (vrais) clichés de ces moments et en a fait de courts clips.

Pourquoi c’est intéressant — Parce qu’on sort de la pub artificielle pour capter des vraies expériences expériences de voyage, avec des photos plus spontanées, dont on se demande parfois si elles ne sont pas prises au Kodak. Certaines vidéos sont montées sur des bandes sons emblématiques type Coolio ou les Beatles, mais la plus originale reste la vidéo de la catégorie “îles” qui, elle, n’a pas de musique mais la sonnerie d’un téléphone… que personne ne décroche. Aussi simple qu’efficace pour montrer les vertus de la déconnexion sur une île déserte.

— Voir la vidéo qui vous transportera en 30 secondes au Brésil

5. Bloomberg muscle ses dataviz de podcasts

En résumé — Bloomberg a développé un format pour faire vivre ses podcasts sur les réseaux sociaux : des audiogrammes.

Pourquoi c’est intéressant — Déjà vu, me direz-vous ? Oui, mais là la différence c’est que ces formats sont automatisés. Concrètement, le média a collaboré avec une agence spécialisée dans la vidéo animée pour développer un algo dédié. Les journalistes ont juste à uploader l’extrait audio. Une IA génère le script et l’audiogramme. Les journalistes n’ont plus qu’à personnaliser le titre et l’invité, choisir entre différents templates (sous-titrage mot à mot de l’extrait ; visuel du speaker et audiogramme…).

— Pas plus pédago’ et transparent que ce case study.

6. L’inimitable charme du carnet de voyage papier

En résumé — Le chef Jean Imbert vient de reprendre les rênes de The Brando, le resto de l’île privée achetée par Marlon Brando, près de Tahiti. Il a imaginé pour l’occasion un format original en guise de carte : créer le carnet de voyage oublié par l’acteur sur l’île dans les années 70.

Pourquoi c’est intéressant — Il a travaillé avec le duo de créatifs qui l’accompagne de longue date dans ses projets, Violaine et Jérémy, pour rendre ce carnet unique, en réalisant à la main chaque tampon, chaque timbre, en l’agrémentant de (vraies) lettres écrites par Brando, de photos de famille ou de souvenirs de tournage. Un objet physique, donc, à la hauteur de l’expérience qu’il veut créer.

7. Le B2B n‘a pas forcément besoin d’être ennuyeux…

En résumé — Shepper est une startup européenne qui a uberisé le contrôle qualité, en faisant appel à un réseau de particuliers. Et autant se le dire : son identité visuelle détonne dans le paysage B2B.

Pourquoi c’est intéressant — Parce que tout tient… à la grosse boule poilue qu’elle a choisie en logo. Cela paraît anecdotique et pourtant :

  1. C’est cohérent avec leur ambition (“we take care of your business assets”) : quoi de mieux qu’une boule de poils, chaleureuse et réconfortante, pour inspirer confiance ? Et cette cohérence se retrouve aussi dans le fameux tone of voice, souvent négligé : bien plus “humain” que bien des marques corpo’.
  2. C’est différenciant : cela change des identités visuelles aseptisées des startups, en sans serif, très modernes… et au final qui se ressemblent toutes.
  3. C’est un terrain de jeu créatif pour décliner la boule de poils aussi bien en picto d’app qu’en fil rouge dans tous ses visuels.

Découvrir comment une identité poilue peut se décliner à l’infini.

Bonus — Comment M6 a pimpé Top Chef grâce… au dessin

Petite nouveauté cette saison : la chaîne a fait appel à un illustrateur pour expliquer pas à pas les recettes imaginées par les candidats.

Pourquoi ce format ? “Car c’est souvent comme ça que les candidats démarrent leurs épreuves : on ne le voit pas toujours, mais ils font souvent un schéma pour expliquer aux chefs de brigade ce qu’ils imaginent… donc on a souhaité coller à cette réalité. Mais comme les candidats sont chefs et pas graphistes, nous n’avons pas pris leur dessins mais on a fait appel à un professionnel !” explique la prod’.

Le graphiste en question s’appelle Ilyess Zouaoui, un passionné de food ayant lui-même bossé en restauration. À la base du projet, il avait avec la prod’ imaginé un format inspiré des notices IKEA pour faire comprendre au mieux aux téléspectateurs les recettes de chefs. Mais après des tests, ils se sont rendus compte que le traité (pictos vectorisés) n’allait pas avec l’image très élégante et gastronomique de l’émission. Ils ont donc pivoté sur de la peinture (digitale), tout en gardant le côté didactique des animations.

L’exemple de la sucette de salade César

C’est peut-être un détail pour vous mais…

  • Frites minimalistes — Vous avez flashé sur le design épuré de la nouvelle vaisselle réutilisable de McDo ? Eh bien c’est le studio parisien Elium qui est derrière et montre les coulisses de 2 ans de boulot.
  • PNY nous emmène en roadtrip aux US — La marque a un format signature : les burgers à durée limitée. Dernier en date : le Jucy Lucy, un sandwich cheesy venu de Minneapolis. Et ce qui est canon d’un point de vue créa, c’est qu’à chaque campagne éphémère, PNY développe tout un univers visuel autour, n’hésitant pas à même toucher à son logo.
  • Apple cultive l’art du court-métrage — Pour sensibiliser sur un sujet par définition insaisissable, la protection des données personnelles, le géant américain utilise l’un de ses ressorts favoris : le storytelling. Cela donne un court métrage de près de 6 minutes (eh oui) : ‘A Day in the Life of an Average Person’s Data’ (20M de vues rien que sur YouTube, entrant dans le top 10 des vidéos de la chaîne).
  • Raison d’être mais version non bullshit — Pour fêter ses 50 ans, Patagonia sort “What’s Next”, un film de 2 minutes (décliné en 5 Reels sur Insta’) qui rappelle les combats écologiques qui font sa raison d’être et fixe le cap des années à venir, avec en bonus à la fin la (ré)apparition de son emblématique fondateur Yvon Chouinard.
  • Banger — Coca sort une campagne assez dingo d’un point de vue technique qui mélange film, 3D et IA (et qui montre surtout le champ des possibles à venir).
  • Face à leurs contradictions — Parce que les 18–34 ans britanniques sont les plus sensibles aux sujets écologiques… mais aussi parmi les moins vertueux en termes de recyclage, la mairie de Londres a lancé la campagne “Ne soyez pas cette personne” pour les interpeller. Parce que retweeter Greta Thunberg, c’est bien, mais, derrière, encore faut-il être cohérents.
  • L’époque où les pubs étaient des oeuvres — Vous avez probablement vu passer la dernière pub McDo x DoorDash qui joue sur l’effet de vitesse ? Eh bien elle s’inspire d’une campagne (canon) de la SNCF des années 70.
  • Le saumon zen — Qui aurait pu cru qu’on pouvait flasher sur le branding… d’une marque de saumon ? Joli coup de force de Mamasea qui a développé une identité atypique, épurée, à base de dessin, inspirée de l’esthétique japonaise et notamment de la célèbre Grande Vague de Kanagawa. Calme et puissance de la mer(e) : bien ouéj.
  • Passion vocaux WhatsApp — C’est un concept de podcast pour le moins original : « 2023 », c’est le journal de bord audio de l’année, pour suivre l’actu à travers le vécu de 4 inconnus réunis dans un groupe WhatsApp. Et ce format de Reels en guise de teasing est pour le coup très bien vu.

C’est tout pour aujourd’hui : on se dit à dans deux semaines pour une nouvelle fournée de formats créatifs !

Si ce n’est pas déjà fait, inscrivez-vous (c’est gratuit et ça prend 1 min) pour recevoir le prochain numéro.

Pour me soumettre des formats sympas, donner votre avis ou juste discuter, je suis joignable par mail, sur Twitter ou LinkedIn.

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Kéliane Martenon
Sur les Internets

Internet, startups & formats innovants • Précédemment, chef(fe) des Internets de Bruno Le Maire.