Comment switcher après 40 ans ?

Laetitia Vitaud
SWITCH COLLECTIVE
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6 min readJul 19, 2016

A Switch Collective, on ne croit pas beaucoup au concepts de “génération Y” ou de “quinquados”. On pense plutôt que la jeunesse, c’est avant tout une affaire de shoshin, l’esprit du débutant cher aux grands maîtres japonais. (Voir notre article de la semaine dernière sur le sujet).

La signification d’un switch dépend largement des moments de la vie. Quand on a une famille, le switch est familial plutôt qu’individuel. Quand on a des emprunts à rembourser et un niveau de vie à maintenir, le switch s’accompagne de contraintes financières plus importantes. Le rapport au temps, à l’argent et à l’individualité évolue selon les phases de la vie. Les contraintes, les difficultés et les atouts ne sont pas les mêmes à tout âge. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas switcher !

Comment switcher quand on a des bagages ?

Pour ceux qui ont déjà une carrière derrière eux, l’enjeu est de trouver le bon équilibre : il faut à la fois se mettre en valeur et se remettre en question. Avoir un bagage est un atout bien sûr. Mais dans un monde du travail en évolution constante, la posture arrogante du “sachant” n’est plus guère appréciée. Personne n’a été formé pour affronter les bouleversements sans précédent de notre économie et des modes de production. Seuls s’en sortent ceux qui sont prêts à se remettre en question.

Les experts peuvent réussir en se mettant à leur compte. Pour eux, la meilleure manière de conserver une activité régulière et un niveau de vie décent sera de devenir indépendants.

Ainsi, par exemple, dans le conseil. Les grands cabinets de conseil ont vu leurs marges baisser car les entreprises clientes ne sont plus prêtes à payer au prix fort des prestations “copiées-collées” faites par des juniors. Elles veulent de l’expertise pointue ou de l’expérience. Et comme elles ne peuvent plus financer les marges des grandes cabinets, elles travaillent de plus en plus avec des “experts” indépendants. Le conseil innove donc grâce à de nouvelles plateformes qui mettent en relation entreprises et experts.

À l’image du monde du conseil, d’autres secteurs sont touchés par la multiplication du nombre d’indépendants qui travaillent directement avec les entreprises. Celles-ci se refusent à embaucher mais sont tout de même prêtes à payer des prestations à des experts indépendants : le savoir-faire reste le même ; mais le mode de relation est différent.

Ceux qui n’ont pas un profil d’expert doivent opter pour le mouvement permanent. Ce qui compte le plus, c’est de se considérer “en croissance”, au lieu d’être “fini” ou “parvenu” : que l’on appelle cela le growth mindset ou le Shoshin, c’est la qualité la plus importante.

Le problème, c’est que les années d’expérience sont trompeuses : on a vite tendance à se penser supérieur ou mieux armé. Cette posture est dangereuse. Les vieux sont des jeunes comme les autres. Ils ne sont mieux armés que dans la mesure où ils ont plus de pratique de l’apprentissage : quand on parle déjà quatre langues, il est beaucoup plus facile d’en apprendre une cinquième ! Ils savent dépenser moins d’énergie pour arriver à leurs fins. Ce qu’ils perdent en vigueur, ils le gagnent en efficacité. Voilà, en quelque sorte, la botte secrète des plus âgés. Ça tombe bien, nous sommes en route vers un monde où les personnes aux talents multiples devraient avoir des cartes à jouer !

Un autre enjeu est de faire levier de son réseau. Une personne plus âgée a, en général, un plus large réseau qu’un débutant. Le réseau direct a parfois des limites pour faciliter un switch professionnel. Il est néanmoins un point de départ essentiel pour faire de nouvelles rencontres (fils et filles des membres du réseau, par exemple). Même introvertis, les quadras ont quand même acquis un tout petit peu d’assurance pour faire du networking. Il en coûte moins à un quadra timide qu’à un jeune timide d’écrire un email à une nouvelle personne.

En plus de son réseau, il faut mobiliser son clan. Le switch d’un quadra est davantage un switch familial qu’un switch individuel. Or les “contraintes” (famille et maintien du niveau de vie) ne sont pas nécessairement des “problèmes”. Ce sont autant d’élément qui guident les choix et les rendent plus évidents. Ces “contraintes” sont aussi un soutien affectif que les plus jeunes n’ont pas toujours. Un “vieux” a toujours un clan derrière lui.

Un clan écossais

Quelques switches inspirants

Fabrice Brianson a switché il y a un an. Après 30 ans d’expérience de conseil aux marques dans des grandes agences de pub, dont 20 ans de digital et 10 ans de réseaux sociaux, il vient de se mettre à son compte.

Avec son entreprise, Just Amazing, son ambition est de créer des intersections entre tous ses talents et expériences, “réunir le beau et l’efficace en produisant des contenus intéressants et abordables pour les réseaux sociaux, en vidéo, sur les blogs ou les newsletters, pour les marques, les entreprises et même les individus. Un lieu hybride entre une agence, un studio de production et une start-up”, comme il l’explique sur sa page LinkedIn.

Il a en quelque sorte créé un vaisseau pour un switch permanent. Ses 30 années d’expérience et ses “bagages” (famille, etc.) lui servent de support bien plus qu’ils ne le lestent. Surtout, il garde l’esprit du Shoshin intact. Dans le monde numérique, les entreprises et les marques à l’ancienne subissent des assauts sans précédent. “Comment émerger au milieu des humains sur-communicants, des médias reconquérants et des start-ups uberisantes ?” : telle est la question qui inspire son travail et anime sa réflexion de switcher.

Fabrice Brianson

Anne Lalou-Schneider est un autre exemple. Après une belle carrière de cadre dirigeant dans des grands groupes “traditionnels”, elle a lancé en 2012 une école d’un nouveau genre, la Web School Factory, pour préparer les étudiants au management à l’ère du numérique.

Elle est partie du constat qu’il n’existait pas d’école préparant les jeunes au switch de l’économie numérique et au caractère évolutif des “métiers” de demain. Non seulement, elle a fait un switch individuel, mais elle a aussi fait du switch des plus jeunes le pourquoi de sa vie professionnelle. Le Shoshin est sa raison d’être !

Faire son bilan

À Switch Collective, nous sommes convaincus qu’il n’y a pas d’âge pour switcher. Les concepts de “génération Y” et de “quinquados” nous laissent franchement sceptiques. Parmi les switchers qui ont participé à notre programme “Fais le Bilan Calmement”, il y avait des jeunes de 25 à 55 ans. Tout le monde était dans le même bateau ! Nous serions ravis d’agrandir encore ce bateau et d’accueillir des individus aux expériences de vie variées. Rejoignez l’aventure !

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Laetitia Vitaud
SWITCH COLLECTIVE

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