Mes 9 déclics qui vont me faire switcher en 2017

JB Diebold
SWITCH COLLECTIVE
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9 min readJan 5, 2017

Oui j’ose employer le mot de “déclic”. Un mot interdit à la Switch House, du côté de Saint-Lazare, que j’ai fréquentée l’automne dernier durant six semaines pour “faire le bilan calmement”. Le programme est rythmé de sessions, parfois le mercredi soir, parfois le samedi. J’y suis arrivé avec de grandes attentes. J’ai quitté mon job il y a un an et, non, cela ne signifiait pas que j’avais déjà “switché”. Au contraire. J’avais plutôt l’impression d’un grand bazar et surtout j’éprouvais le besoin d’être guidé et accompagné. Durant ces semaines, il y a eu des déclics et des prises de conscience qui vont, je crois, me permettre de switcher cette année… Récit au long de ces semaines.

Faire résonner le monde dans ma vie (Jour 1 : 9 novembre 2016)

De la grande histoire à ma micro histoire… Ce 9 novembre est une journée que nous pourrons raconter longtemps : Donald Trump élu président des Etats-Unis… Cette nouvelle totalement improbable il y a quelques mois semble confirmer l’ouverture d’une ère d’incertitude et de repli sur la planète, après le Brexit fin juin.

En même temps, cette élection prouve assez ironiquement que rien n’est jamais impossible dans la vie! Franchement qui l’eût cru il y a un an ? (il y a même 24 heures…)

D’une certaine manière tout cela va forcément résonner dans ma vie. Se sentir libre plutôt que de subir le marasme ambiant et croire qu’on peut créer son propre chemin? C’est forcément une bonne entrée en matière à quelques heures de me lancer dans les 6 semaines du programme Switch collective. Je sais que ce sera l’occasion de faire le point –c’est la promesse ! Cela tombe bien pour moi, j’ai des projets plein la tête et j’aimerais bien mettre de l’ordre dans tout ça. Je me dis aussi que le regard d’autres personnes qui ne sont pas dans mon environnement habituel peut m’aider à y voir plus clair sur mes aspirations, mes qualités, mes envies… Allez j’y vais !

Découvrir la synchronicité (Jour 2 : 10 novembre)

Hasard et coïncidence. Première soirée Switch hier. On fait les présentations. Chacun son binôme, on se parle et on transmet aux autres un portrait de son buddy en 1 minute chrono. Incroyable, moi je tombe sur la seule autre personne de la salle qui fait le même métier que moi ! Sur 40, c’est marrant quand même… Et je ne suis pas le seul à vivre un tel hasard. Deux juristes se trouvent réunies. Il y aussi deux personnes aux métiers vraiment différents… qui travaillent dans la même tour de la Défense !

Du coup, ce matin j’en profite pour (re)découvrir la théorie de la synchronicité de Jung et cette histoire du scarabée : une des patientes du psychanalyste, enfermée dans sa pensée géométrique, raconte un rêve de scarabée et voilà qu’un insecte se cogne à la vitre du cabinet! C’est un scarabée… D’un coup la patiente est débloquée !

Voir du sens dans la synchronisation de deux événements : en gros c’est ça la synchronicité.

Justement une idée centrale du programme Switch est d’accepter de laisser tomber un peu sa rationalité. Le changement structurel du monde du travail marque la fin d’un monde à l’organisation cartésienne, aux métiers, aux fonctions, aux hiérarchies bien définis. Dans mon chemin d’évolution professionnelle, vers une forme de travail que je souhaite plus flexible, plus en harmonie avec mes aspirations personnelles, je sais (j’en ai déjà fait l’expérience !) pouvoir compter sur ce théorème sensible de Goethe, découvert durant la présentation hier soir : “quand on s’engage, la providence se met également en marche”. Switch sera forcément un espace de synchronicité. Il n’y a pas de hasard !

Savoir mettre des visages sur mes peurs (Jour 9 : 17 novembre)

Inside out : mettre ses tripes sur la table, sortir ce qu’on a bien enfoui dans son cortex.

Bon résumé de la soirée d’hier. Aller chercher ses peurs, comprendre leur cheminement, leur expression. Leur donner corps pour mieux les dépasser. Inside out, c’est aussi le titre d’un formidable film d’animation, Vice versa (en français), sorti en 2015. L’histoire d’une petite fille qui grandit et voit son quotidien bouleversé par un déménagement. Le génie du réalisateur — qui a bossé avec nombre de psychologues — est d’incarner la tristesse, cette si mignonne petite fille camouflée derrière ses grandes lunettes et son pull informe, ou encore la joie, la colère, le dégoût… ou la peur.

La peur… ou les peurs ? Il s’agit en réalité d’une famille... Pas moins de 5 peurs fondamentales ont été identifiées par la thérapeute Lise Bourbeau.

Cette découverte me donne une furieuse envie d’imaginer la suite d’Inside out. Dans cette histoire, la jeune Riley est devenue grande, elle a un bon boulot mais elle éprouve un gros besoin de changement dans sa vie. Séquence suivante : dans son cerveau, autour de la table de son conseil d’administration intérieur s’affrontent deux clans : ses envies et ses peurs. D’un côté, la peur du rejet, de l’abandon, de l’humiliation, de la trahison ou de l’injustice. En face, la curiosité, l’optimisme, la générosité, l’ouverture sur le monde… Chacun a son costume et son caractère bien trempé — la peur du rejet est cette petite fille timide et renfermée alors que l’ouverture sur le monde a le style d’une prof de yoga — et tous sont bien décidés à avoir le dernier mot…

Attention spoiler ! Dans ce film forcément il y aura une madame Switch au bout de la table venue comme médiatrice pour aider au dialogue et faire accoucher d’une solution ;-)

Oser penser ma vie comme une oeuvre d’art (Jour 12: 19 novembre)

Samedi, c’est philosophie. L’ambiance studieuse me rappellerait presque mes années de prépa littéraire. Soyons clair, c’est un bon souvenir! L’essayiste Patrick Viveret nous invite à réfléchir quelques instants à ce qui compte pour nous dans la vie. Amour, amis, liberté, réussite, famille…

Personne ne mentionne le travail. Où l’on comprend, entre autres, que la différence entre travail et profession est inscrite dans les racines du langage: d’un côté la souffrance, la pénibilité; de l’autre, la prophétie, la mission qui nous habite. L’argent aussi est absent des listes personnelles. “L’argent et le pouvoir sont des passions faibles”, tranche Patrick Viveret.

Une question taraude le groupe. Sommes-nous des privilégiés qui avons le luxe de nous poser toutes ces questions? Est-ce parce que nous ne manquons pas cruellement d’argent que nous pouvons nous permettre de l’oublier dans notre liste de besoins profonds? Tout le monde sur terre peut-il vraiment se demander ce qu’il va faire de sa vie et “faire de sa vie une oeuvre d’art”, comme nous y invitait le philosophe Michel Foucault? Peut-on vraiment imaginer une sorte de “société du switch” où nous pourrions tous être des artistes de nos vies?

Pour Patrick Viveret, c’est la fraternité ou la guerre. Les cyniques peinent à croire en une société sans esclaves du travail. Les idéalistes, eux, se prennent à rêver en ce froid matin d’automne.

Entrer dans le flow (Jour 15: 24 novembre)

Je regarde l’heure sur mon portable, il est presque 20 heures. J’ouvre les yeux après une petite pause, durant laquelle j’ai fermé les yeux et focalisé mon esprit sur mon souffle. Idéal pour reprendre contact avec le présent à la fin d’une journée effrénée. Je jette à nouveau un coup d’oeil à l’écran sur mon téléphone. Il est plus de 22 heures…

Petite expérience (méta)physique / psychologique lors de la séance d’hier soir consacrée à un échange en face à face sur les 10 expériences les plus fortes de notre passé.

Incroyable comme le temps passe vite par moment… Comment cela se fait-il? L’énigme est vieille comme le monde et les scientifiques de toutes spécialités ont de multiples explications. Certes, lorsque les années passent, le poids du passé s’alourdit et change notre perception. Clairement aussi, le stress de notre vie quotidienne ne nous laisse pas le temps de nous ennuyer. Mais on sent bien que certains moments ont une plus grande intensité que d’autres.

Ce qui est certain, c’est que ma sensation de temps suspendu semblait hier toucher un peu tout le monde. Echanger avec un binôme, accorder toute son attention à quelqu’un pour l’aider à y voir plus clair, et soi-même se tendre pour capter le plus d’informations possibles, partager ses expériences passées les plus fortes afin de mieux penser son futur… Une expérience aussi intense et absorbante, chez Switch on appelle ça le flow… Reste à savoir comment faire entrer, le plus possible, le flow dans ma vie.

Croire aux pouvoirs des inconnus (Jour 23: 1er décembre)

La soirée d’hier était plutôt festive. A quelques-uns nous prolongeons la discussion sur les inquiétudes de boulot de l’une d’entre nous. Pas de recette miracle à lui donner mais je prends vraiment conscience, dans cet échange, à quel point le regard d’inconnus -ou presque, maintenant on commence à se reconnaître…- est parfois plus agréable et utile que celui de nos proches. Sans filtre, sans a priori, sans obligation de prendre parti.

Lâcher prise (Jour 23 bis)

Partir à l’aventure, voilà le programme du soir et surtout des dix prochains jours! Partir, se déconditionner, voir de nouvelles choses et laisser la place à l’imprévu. Cela tombe bien, voyager est essentiel à ma vie. Mon dernier grand périple remonte à six mois. C’était un safari en Tanzanie. Parenthèse incroyable dans ma vie. Pendant cette dizaine de jours, j’ai lu Equatoria, l’ouvrage de Patrick Deville. L’écrivain y raconte les aventures des derniers grands explorateurs, qui ont sillonné l’Afrique à la fin du 19ème siècle pour finir de remplir les cartes de notre planète. Les Brazza, Stanley et Livingston: à l’époque, c’étaient des stars internationales!

Je suis frappé, en y jetant à nouveau un coup d’oeil, par la dureté de leur exploration. Les doutes, les maladies, les années d’errance. Certains ont trouvé la mort dans la jungle en tentant de remonter un fleuve à sa source. A la poursuite de leur émerveillement d’enfance ressenti devant les atlas… Un compagnon de Brazza livre son témoignage: “Pour se préserver sans doute de la légère absurdité de l’existence humaine qu’on ressent davantage encore dans les villes -et lorsqu’on est sédentaire-, quels que soient leurs idées, ou leurs idéaux, le siècle, la région du monde, tous ceux-là auront été les hommes du longue marche, d’une quête dans la forêt qui est à l’origine de l’humanité, de la horde. On marche à l’infini, droit devant, parce que cette fois peut-être, au-delà de cette colline à l’horizon, on finira par découvrir si tout cela a un sens.”

Cette description si juste a quelque chose de vertigineux. Le plus difficile étant certainement, en vérité, de renoncer à l’idée d’un point d’arrivée, d’un but et d’un terme. Tout simplement aller voir là-bas si on est un peu différent…

Ne pas attendre le déclic… mais quand même (Jour 26: 4 décembre)

Il y a eu cette sensation imperceptible que quelque chose bougeait. Était-ce de l’ordre du fameux “déclic”, ce gimmick dont nous avons maintenant bien compris qu’il est surtout l’outil narratif préféré des entrepreneurs?

Ce moment est intervenu à l’heure des “pourquoi”, de nos motivations profondes. A première vue, nous rêvons tous de justice et de paix. Tout cela semble banal. Mais assez rapidement, en écrivant, je me suis rendu compte que ma façon de le formuler était extrêmement différente de celle de mes voisins, dépendante de mon caractère et de mon histoire personnelle.

Lors d’une balade la veille, j’avais repensé à mon paradis d’enfance. Mes deux ans passés en Indonésie, où je suis arrivé à l’âge de 5 ans. C’est là que j’ai appris à lire et écrire, à nager. C’est là aussi que j’ai pu observer de l’intérieur un autre pays, une autre culture, une autre religion et une autre langue. Et je crois que c’est de là que vient ma conscience que la découverte est une des choses les plus extraordinaires sur terre, un piment de ma vie.

L’idée de pouvoir faire découvrir les facettes multiples, surprenantes et complexes de notre monde à un maximum de monde a été à l’origine de mon choix de devenir journaliste. Reformuler cette motivation fondamentale, qui a sans doute mûri et évolué durant toutes ces années, m’a donné la sensation de me replacer au bon endroit. J’ai oublié un instant ce métier en crise qui se regarde souvent le nombril.

Ce n’est peut-être pas grand chose comme mouvement mais j’ai l’impression d’avoir un point de levier sur lequel maintenant m’appuyer. Je veux croire que c’est pour déplacer des montagnes.

Ne pas oublier que la vie n’est que cycles (Jour 36: 14 décembre)

Et ce déclic, sorte de nouveau départ… fut le début d’autre chose. De quoi? Les choses sont encore floues. La seule chose évidente: je dois à nouveau m’interroger, tester, expérimenter… A nouveau regravir une montagne car mon défi me semble ardu.

Je commence l’année en travaillant chaque jour à mon projet. Jour après jour, il y aura des hauts et des bas. J’ai rencontré des personnes avec qui partager cela. Leur regard et leurs conseils vont m’aider. (D’ailleurs, si vous voulez en savoir plus sur le programme “Fais le bilan calmement”, ça se passe ici / qu’on soit bien clair je n’ai pas d’action !!! ;-) ) Cela me donne du courage!

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JB Diebold
SWITCH COLLECTIVE

Journaliste/entrepreneur (fusion en cours). Passé par Challenges, LCP, France 4…