VIDÉO / Quand des créateurs YouTube piègent vos enfants avec des vidéos de Spiderman et Elsa

TABLOÏD
4 min readNov 25, 2017

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FRÉDÉRIC GUINDON / MANU CHATAIGNER

ENQUÊTE

Depuis quelques années, le phénomène des vidéos YouTube dans lesquelles des adultes se déguisent en personnages pour enfants connaît un véritable essor.

Un engouement vraisemblablement né ici, puisque ce sont les créateurs de la chaîne québécoise Toy Monster, qui auraient lancé la mode des vidéos de ce type il y a maintenant trois ans.

Si vous n’avez pas de jeunes enfants ou si vous ne les exposez pas à YouTube par le truchement d’une tablette électronique, possible que vous soyez étranger à cette curieuse tendance web.

Un peu de contexte s’impose.

Il existe, sur YouTube, une panoplie de chaînes entièrement dédiées à la diffusion de courts-métrages assez amateurs dans lesquels des adultes se costument en superhéros et en princesses de Disney, selon la saveur du moment.

Spiderman et Elsa, la Reine des Neiges, ont une étonnante relation (Capture d’écran / YouTube Toy Monster)

Les scénarios sont simples mais drôlement efficaces : une princesse, un vilain; un superhéros, un soupçon de magie et quelques effets spéciaux pittoresques. Le tout, sans dialogue, avec comme unique trame sonore un ensemble de musique burlesque et des bruitages rigolos.

Cette recette universelle, répétée ad vitam aeternam, permet aux chaînes qui produisent ces vidéos de récolter des nombres de vues astronomiques.

Et les enfants de partout dans le monde, garçons et filles, raffolent de ces petits sketches amusants et anodins. Devant cette pléthore de couleurs vives et d’adultes déguisés en Elsa et Spiderman, un doigt d’enfant est si vite attiré…

Là où le bât(man) blesse

Mais le hic ne se situe pas au niveau du contenu, mais bien du contenant.

Les créateurs de ces chaînes, comme Toy Monster, ont réussi à instaurer un mécanisme parfaitement huilé permettant de maximiser le nombre de publicités qui seront vues.

Recycler son contenu, c’est payant (Capture d’écran / YouTube TABLOÏD)

Et sur YouTube, ces publicités rapportent de l’argent. Beaucoup d’argent, comme le démontre notre enquête.

Si bien que malgré eux, les touts-petits deviennent carrément les employés involontaires d’une usine à clics qui n’a qu’un seul but: maximiser les vidéos vues, pour maximiser les publicités vues, pour maximiser les revenus qui en découlent.

La fin du conte de fée?

Lorsque nous avons amorcé notre enquête, la chaîne-mère Toy Monster et les quatorze chaînes-clones que nous avons répertoriées (dont la plus populaire, Web & Tiaras — Toy Monster Compilations) comptabilisaient plus de 10 milliards de visionnements et faisaient la pluie et le beau temps sur YouTube depuis environ deux ans et demi.

Au terme de plusieurs mois de recherches, nous sommes parvenus à retracer les créateurs de ces chaînes et leur avons tendu plusieurs perches afin d’aborder le phénomène, soit le contenu YouTube québécois potentiellement le plus populaire de la planète.

Toutes nos demandes sont restées sans réponses.

Nous avons même confronté les artisans de Toy Monster sur les lieux où ils tournent leurs capsules vidéo, sur la rive-sud de Québec, sans plus de succès.

Au moment même d’attacher les derniers fils à ce reportage, un article récent paru sur la plateforme Medium est venu bousculer les choses.

L’article de James Bridle, paru le 6 novembre dernier, qui a entraîné la fermeture de nombreuses chaînes YouTube s’adressant aux enfants. (Capture d’écran / Medium James Bridle)

On y exposait alors que certaines chaînes YouTube s’adressant aux enfants présentaient du contenu inapproprié. Dans les vidéos de la chaîne Toy Freaks par exemple (qui n’a rien à voir avec Toy Monster), les personnages s’adonnaient à des actes dégradants et pouvaient parfois même inciter les enfants à commettre des gestes dangereux (Peppa Pig qui boit de l’eau de Javel, par exemple).

YouTube a vite réagi à l’article en fermant la chaîne Toy Freaks.

Mais coup de théâtre, quelques jours plus tard, les chaînes québécoises Toy Monster, Web & Tiaras et une bonne partie des autres chaînes-clones du groupe québécois passaient à leur tour dans le tordeur.

Certaines chaînes se sont vues totalement vidées de leur contenu vidéo, et des quantités de vues qui y étaient associées.

D’autres se sont vues amputées d’une immense majorité de leur contenu, et presque toutes se sont vues retirer la possibilité de monétiser ces vidéos, c’est-à-dire d’en tirer des revenus (partagés avec YouTube) en y insérant des publicités.

Malgré ces développements majeurs, le phénomène demeure bien réel et ses principaux acteurs sont québécois. En quelques clics, retrouver des traces des vidéos de la chaîne Toy Monster et de ses concurrents demeure un jeu d’enfant.

Il est facile de trouver le contenu de Toy Monster sur YouTube, malgré la fermeture de la majorité des chaînes qui y étaient associées. (Capture d’écran / YouTube)

Coup d’épée dans l’eau de YouTube?

Seul l’avenir le dira.

Pour l’heure, voici (ci-haut) une longue incursion dans l’univers méconnu et lucratif de ces adultes qui se déguisent en superhéros.

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