Apprendre à abandonner, c’est apprendre à commencer

Tale Me
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4 min readJun 14, 2020

J’ai abandonné mon documentaire sur le confinement.

Le 20 mars 2020, c’est le début du confinement. Je suis rentré du Canada en vitesse pour éviter d’être bloqué là-bas. Un jour, deux jours, trois jours passent. Je commence à m’ennuyer très fort. J’ai vu tout le catalogue Netflix. Et à 21 h, j’ai un ami qui m’appelle pour prendre des nouvelles. On parle 1 heure environ et je lui pose la question : comment vis tu ton confinement ?

Avec cette question, il m’a décrit ses angoisses, ses peurs et sa tristesse d’être bloqué. J’étais choqué d’en apprendre autant sur un ami que je connais depuis 3 ans.

Tous les jours, je découvrais et j’apprenais grâce à ces interviews.
Puis, cette question, je l’ai posé à plusieurs personnes. Je notais tout. J’enregistrais tout. J’ai mis plusieurs messages pour chercher des personnes à interviewer sur Insta, sur Facebook, sur Snap… Le 28 mars, j’avais un groupe de 30 personnes que je suivais pendant tous le confinement. Pour chaque personne, je faisais au moins une interview de 1 heure. Pour certaines personnes, je pouvais aller jusqu’à 4 interviews.

C’était long mais tellement intéressant. J’ai pu interviewer des chefs d’entreprise, des membres d’associations humanitaires, des consultants en politique et des membres de l’IFOP. Tous les jours, je découvrais et j’apprenais grâce à ces interviews.

À chaque interview, j’étais déprimée de voir l’ennui, la tristesse et la peur.

J’avais au moins 3 interviews de 1 heure par jour. En plus de ces interviews, je devais lire tous les articles, sondages et études disponibles sur le confinement. C’est comme ça qu’au bout de 5 semaines, je travaillais 10 heures par jour. J’avais réussi à faire 80 interviews en 6 semaines. C’était un travail très intense, mais le plus dur, c’était tout le côté émotionnel. À chaque interview, j’étais déprimée de voir l’ennui, la tristesse et la peur. C’est en parti pour ça que j’ai extrêmement mal vécu le confinement.

Mon documentaire sur le confinement que j’ai abandonné

Imaginez-vous enchaînez les interviews, où chaque personne est triste ou dépressive. Imaginez-vous parler de sujets extrêmement compliqués comme la solitude, la dépression et la peur de la mort, tous les jours. Imaginez-vous voir des personnes qui pleurent devant vous tous les jours. Imaginez-vous devoir finir chaque interview sachant que la personne en face de vous est désespérée. Ce fardeau psychologique m’a fait plier.

Perdre 2 mois de travail, ça m’a forcé à me demander si je voulais vraiment continuer un projet qui me rendait dépressif.

Après le déconfinement, le rythme s’est décélérer. Je n’avais que 5 interviews par semaine. Je me relâchais. Je lisais plus aucun article, sondages ou études. J’ai commencé à arrêter de bosser sur ce documentaire parce qu’il me rendait dépressif. Dès que j’ouvrais une page Word pour écrire, je repensais à tous ces pleurs que j’avais vus.

Et ce qui m’a vraiment obligé à abandonner, c’est la perte de 40 interviews. Tout ça, à cause d’un disque dur qui a surchauffé. Perdre 2 mois de travail, ça m’a forcé à me demander si je voulais vraiment continuer un projet qui me rendait dépressif. Et non, je n’avais pas envie.

“Apprenez quand continuer et quand vous devez vous arrêter. “ — Seth Godin

Mai 2020, toutes les chaînes d’infos ou de vulgarisations avaient sorti une ou plusieurs vidéos sur le confinement. J’allais publier ce documentaire vers novembre 2020. Tout le monde serait passé à autre chose. Toutes les heures de travail que j’avais mis dedans m’auraient donné très peu de résultats. J’avais toujours des superbes projets en attentes qui étaient possibles du coup : j’ai abandonné mon documentaire sur le confinement.

“ASSO”, un documentaire que j’ai pu finir à la place de celui sur le confinement

J’ai abandonné dû au manque de résultats et parce que ce documentaire me rendait triste, voire dépressif. J’ai certes énormément appris que ça soit sur la société française, la politique, l’économie, la sociologie… Et j’ai eu plein de super interviews !

Néanmoins, je n’avais pas envie de continuer un projet qui rend dépressif. C’est à ce moment-là, où je suis tombé sur le livre de Seth Godin “The DIP”. Ce livre m’a montré quand il faut continuer et persévérer et quand il faut abandonner et changer de projets. Ce livre était en contradiction avec tout ce qu’on pouvait voir sur les réseaux sociaux du genre “Hard work pays off”, “Never give up” ou “Keep going”.

Quand j’avais enfin décidé d’abandonner, j’avais enfin appris à accepter mes erreurs. J’avais appris à abandonner. J’avais envi de continuer à créer pour raconter des histoires qui m’inspirent, et non des histoires qui me rendent dépressif. J’ai d’autres projets qui sont en cours de lancement ou en cours d’écriture. En tous cas, jamais, je serai à court d’histoires à raconter.

Apprendre à abandonner, c’est apprendre à commencer.

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J’écris et je fais des films. En ce moment, j’aide de jeunes créateurs dans leurs projets. Donc, si t’as besoin d’aide, hésite pas !