La Casa de Papel, ou la perversion des élans protestataires

Andrea Zubialde
Talkin’ about a revolution
14 min readApr 7, 2020
Illustration de Julien Micheau

Vous connaissez sûrement La Casa de Papel, série diffusée sur Netflix et qui a fait un succès considérable dans le monde. La saison 4 vient de paraître. Je remets un peu de contexte pour ceux qui auraient zappé le phénomène. Écrite par des auteurs espagnols, produite par Atresmedia et Vancouver Media d’abord, puis reprise par Netflix, la série raconte l’histoire d’un groupe de délinquants qui entreprend de braquer la Fabrique nationale de la monnaie et du timbre espagnole. L’objectif : imprimer 2,4 milliards d’euros en billets de 50 en moins de onze jours. L’équipe est dirigée par le Professeur, le maître du jeu concepteur du plan d’action. Le Professeur exprime à plusieurs moments sa vision du fonctionnement de la société : le gouvernement, les élites, les institutions, oppriment les personnes exclues et sans moyens. Un système contre lequel il faut se battre : le braquage de la banque est une action de résistance face à ceux qui ont la main aux commandes.

J’ai avalé la série en un rien de temps ; super divertissement. Chaque épisode me donnait envie de regarder le suivant ; j’ai sympathisé avec une grande partie des personnages ; petite sensation de reconnexion à mon chez moi espagnol en écoutant leur manière de parler. Mais au-delà, ça m’a aussi bien fait réfléchir.

J’ai remarqué toutes ces allusions à une attitude résistante à un pouvoir oppressant. Dans le discours du Professeur, j’ai cru trouver une tentative de faire écho aux mouvements protestataires qui s’élèvent dans de nombreux pays depuis quelques années : mouvements féministes au Chili, en Argentine, en Espagne ; manifestations contre le gouvernement au Liban ; soulèvement populaire en Algérie ; mobilisation des gilets jaunes en France ; vaste mouvement écologiste au niveau global, etc. Je me suis demandé si, en fabriquant cette série, les auteurs / producteurs avaient eu l’intention de proposer un miroir dans lequel regarder ces élans contestataires. Même de contribuer à leur émergence ou à leur cristallisation, sur des sujets très divers mais qui, selon de nombreux observateurs, répondent à une même volonté : la rébellion contre le système néo-libéral et patriarcal dominant. Et dans un second temps, j’ai mis en perspective avec la nature de l’action : braquer l’appareil national de presse de monnaie. Pour garder l’argent et partir aux Caraïbes. Il faut tout de même souligner que le décalage entre la démarche affichée et l’action est grotesque. En allant voir en profondeur, le tour joué par la série me semble d’une toute autre nature, et, je pense, important à éclairer. Je pense que, voulu ou pas, la série, parce qu’elle reprend de manière très particulière l’imaginaire de la résistance, pervertit ces étincelles de remise en cause de notre système.

Prenons un peu de temps pour analyser les éléments narratifs en jeu dans la construction de la série. La conviction portée par le Professeur, le besoin de lutter contre un système injuste, est directement incarnée par les personnages. Le Professeur n’explique pas sa vision du monde, il est tout entier un produit de cette vision. Il la fait vivre sans s’arrêter pour la défendre ou l’expliquer. S’il le faisait, il aurait à convaincre son interlocuteur de sa pertinence : cela impliquerait nécessairement qu’elle soit critiquable, contribuerait à la décrédibiliser. Plusieurs moments-clé dans la série fournissent d’un côté le langage qui porte cette vision — le discours en vidéo projeté en grand écran à Madrid, dans le 2ème épisode de la saison 2 — et de l’autre les gestes qui montrent que cette vision n’est pas un idéal à réaliser, mais qu’elle existe déjà — lorsque l’équipe jette 140 millions d’euros sur Madrid en offrande à ses habitants.

Manifestants sur la route entre Beirut et le nord du Liban, à Zouk Mikael, 19.10.19 (photo de JOSEPH EID / AFP)

Comment est-il inséré ce message dans la trame ? Les spectateurs sont exposés à trois couches de récit qui se superposent à des degrés d’explicitation plus ou moins forts. Ces trois couches ont probablement des objectifs de captation de publics différents. En premier lieu, la trame du récit d’action : le braquage d’une institution financière des plus importantes et sécurisées dans le pays, les tirs, les affrontements avec la police, les creusements de tunnels, les talkie-walkies, la gestion des otages… En deuxième lieu, l’ensemble des conflits interpersonnels liés à la psychologie des personnages et à leurs relations entre eux : les histoires d’amour et de désamour, la misère des proches décédés, et la typologie très définie de certains personnages. En troisième lieu, surplombant et englobant le tout, le message principal de cette série : la lutte contre un système, incarnée dans une action extrême qui flirte avec la violence et qui met en question l’éthique et les raisons de faire de ces délinquants. Cette violence met en lumière une autre violence, celle d’un État, d’un système économique et politique, et nous laisse dubitatifs quant au jugement à porter. Cette mise en lumière intervient par exemple avec l’histoire du père de Sergio et Berlin, homme qui se consacrait au braquage de banques pour subvenir aux besoins de sa famille (le héros qui vole aux riches pour donner aux pauvres, le gentil contraint d’agir contre la morale dominante qui s’avère injuste), ou encore par la torture infligée à Río par les services secrets de l’État espagnol. C’est dans cette couche qu’est placé le message ultime de la série. Il nous parvient ainsi plus aisément, grâce à l’enchevêtrement fin avec les deux autres trames, qui sont, elles, bien plus accessibles et entraînantes.

Si l’on prête attention à ce qui se passe en Espagne depuis des années, et par ailleurs dans le reste du monde, la correspondance du message avec les événements politiques est évidente. Nombreux scandales de détournement de fonds publics au profit d’hommes et femmes politiques ; inaction de l’État face à la crise financière et économique de 2008, qui s’est traduite par un sauvetage des banques jamais remboursé et une réduction dramatique des services publics ; immobilisme d’une classe politique incapable de s’entendre pour former des gouvernements de collaboration (jusqu’à récemment). L’Espagne a connu et connaît aujourd’hui, face à ces problèmes, des mobilisations citoyennes récurrentes et la formation de collectifs d’action nombreux qui œuvrent encore aujourd’hui pour regagner des droits perdus — par exemple, en luttant contre les expulsions de logements.

Mais cela va encore plus loin dans la volonté de reprendre ce qui se concocte dans le débat public, notamment dans la 2ème saison. Les auteurs utilisent les dialogues et certaines scènes secondaires pour introduire des références très explicites aux questions brûlantes d’aujourd’hui, parfois amenées de manière très brute. Par exemple, dans la catégorie des revendications face aux discriminations de genre, on peut penser à la scène où Nairobi est harcelée verbalement par le chef ouvrier, son subordonné, et lui fait la leçon avec beaucoup de succès. Ou encore, à celle où Palermo se moque des poils pubiens de Tokio alors qu’elle s’apprête à l’opérer des yeux avec les moyens de bord. Ou quand, à la fin d’un épisode, Nairobi décrète l’avènement du matriarcat. Dans la catégorie des nouvelles tendances alimentaires engagées, Stockholm, une des héroïnes, est végane : elle s’exprime en training pré-opération au cours d’un débat houleux sur la question du bien-être animal. Aussi, le nouveau-venu, Marseille, défenseur de la cause animale, est prêt à dégorger un être humain mais pas un animal. La série va jusqu’à montrer ces populations en révolte, qui soutiennent les actions de l’équipe : des images de rassemblements autour des lieux braqués, de masses qui crient, scandent, et portent panneaux et masques de Dalí.

De gauche à droite: San Juan (Porto Rico), Paris, Santiago de Chile (REUTERS / REUTERS / AFP)

Parlant du masque de Dalí, regardons du côté des symboles. Ce masque (de pair avec le costume rouge) est devenu grâce à la série un symbole fort et très réutilisé. Il est ici érigé au rang d’objet identificatoire : porter le masque devient un signe de ralliement à la cause. Pourquoi ce masque ? Entre autre, en écho aux masques déjà célèbres et évoquant le même mécontentement : le masque du Joker et le masque de Vendetta. Aussi, le chant italien Bella Ciao est repris comme un hymne porte-étendard. Tous sont des éléments facilement reconnaissables, reproductibles, et censés condenser, en peu de choses finalement (une chanson, un masque), l’essence de l’acte du résistant au système. C’est par ces objets qu’un phénomène d’identification rapide est proposé : si tu portes ça, si tu chantes ça, tu es un révolutionnaire comme nous. Et la série enchaîne en empruntant à des schémas narratifs profondément ancrés dans notre imaginaire collectif : les mythes Robin des Bois ou de Zorro, qui volaient aux riches pour donner aux pauvres ; les schémas des films d’action et de braquage ; les jeux de stratégie tirés des polars — scènes de négociation, parties d’échecs. Et tout ça se fait automatiquement, je vois l’ensemble se dérouler en l’arrière-plan sans me rendre compte, pendant que je regarde l’écran, accoudée à mon bureau. Le mécanisme est simple : une nouvelle histoire, mise au goût de notre temps (avec les technologies d’aujourd’hui, dans un contexte spatio-temporel d’aujourd’hui, avec des personnages-type actuels et des problématiques sociales et individuelles actuelles), mais avec tous les schémas de sens que nous connaissons parfaitement, qui nous rassurent et qui en plus servent le message principal de la série.

Quand je regarde la série, qu’est-ce que je ressens ? Montée d’adrénaline, impression d’être là, de vivre ça, de pouvoir expérimenter ce que ces héros expérimentent, mais sans les périls que cela engendre. Tous des effets caractéristiques d’une structuration narrative bien agencée : le phénomène d’identification avec les personnages fait que nous avons le sentiment de vivre à leur place toutes ces aventures. Des études montrent que nous présentons les mêmes réactions physiologiques que si nous étions avec eux : par exemple, lors d’une situation de stress, sueurs, augmentation du rythme cardiaque, fixation de l’attention. Ce sont les observations de Paul J. Zak, neuro-économiste américain, qui a mis au point un certain nombre d’expériences afin de comprendre les réactions chimiques présentes dans le cerveau lorsqu’on voit, écoute, ou lit une histoire. D’après ses résultats, l’exposition au schéma narratif s’accompagne de la sécrétion de deux hormones : l’oxytocine ou hormone de l’empathie, qui nous incite à nous attacher à quelqu’un ou à un groupe — en l’occurrence notre héros — et le cortisol, qui nous induit à fixer notre attention, notamment en situation de détresse, pour pouvoir nous en sortir — en l’occurrence lorsque le héros est en danger.

Tout cela est très important car je détecte un autre effet du visionnage de La Casa de Papel : j’y trouve un miroir dans lequel mes aspirations, mes questionnements, mes réflexions sur la situation politique et sociale actuelle se voient reflétés, confirmés, assouvis. Comme moi — parce qu’au début, vraiment, je me suis sentie réalisée et écoutée, et je dis bien senti, je ne l’ai pas nécessairement conscientisé — probablement beaucoup d’autres. Et parce que je vis ce que vivent les héros, je peux avoir la sensation presque inconsciente d’être moi aussi résistante. D’agir pour défendre ces aspirations. Je peux avoir l’impression que mes envies d’engagement sont assouvies avec ce que je ressens à travers la série. Si la série me fournit une réponse à ces aspirations, de quel ordre est-elle ? Comment traite-elle l’être résistant face au système ? On se rappelle ces masses populaires qui crient en soutien aux héros délinquants aux portes des lieux séquestrés (saison 2). Mais le langage est vague (“nous sommes avec vous”, “résistez”…) : ceci permet de regrouper toutes les protestations sous un même chapeau, dans lequel on peut projeter tout ce que l’on connaît déjà (mobilisations contre l’inaction politique face au changement climatique, revendications féministes, revendications de meilleures conditions sociales et de redistribution de la richesse), et surtout, ce que chacun veut. C’est une façon de faire le lien, en reflétant la réalité, mais ce miroir renvoie une idée tellement vaste qu’il ne peut se centrer autour d’une véritable conviction. La série n’apporte pas une lecture précise de ce que ce sont ces mouvements, de ce qu’est cette résistance, pourquoi et face à quoi. Les contenus restent flous, et en ce sens c’est plutôt l’acte de résistance qui est mis en avant. Si on traduisait le plan d’attaque de l’équipe de La Casa de Papel dans la réalité, on se retrouverait avec une cible impossible, un plan d’action trop alambiqué, et une motivation pour le moins douteuse par rapport à ce que l’on prétend défendre. La question qu’on se pose, finalement, est : si l’équipe veut vraiment agir, pourquoi ne pas donner cet argent ou une partie à ceux qu’ils semblent vouloir défendre et rallier à leur cause, pas juste quand il n’y a pas d’autre solution ?

Parce que je vis ce que vivent les héros, je peux avoir la sensation presque inconsciente d’être moi aussi résistante. D’agir pour défendre ces aspirations. Je peux avoir l’impression que mes envies d’engagement sont assouvies avec ce que je ressens à travers la série.

Le 10 septembre 2019, sur lamarea.com, Guillemo García Pérez publie un article dans lequel il dénonce la commercialisation du langage de la résistance par la série. Il peint rapidement un panorama des luttes de revendications sociales et des premiers pas de la série pour affirmer que celle-ci a “pris un amalgame d’idées, de pensées, d’attitudes et même d’idéologies pour créer un produit attirant pour tous ceux [qui sont] mécontents avec la société actuelle, le pouvoir, et plus concrètement, les derniers événements politiques de notre pays [l’Espagne]”. L’auteur s’indigne de la manière dont la série représente des citoyens qui viennent soutenir des voleurs qui vont garder des milliards d’euros pour eux. Il s’inquiète de l’infantilisation de réalités cruelles et qui mériteraient toute notre attention et connaissance, comme la torture infligée par l’État — brutalités orchestrées, noyades — ici montrée juste comme l’ingestion d’un gaz étourdissant et l’enfermement dans un cubicule. Finalement, il montre comment la série rabâche en long et en large le vocabulaire lié à l’idée de résister : “résistez”, “rebellez-vous”, “luttez contre le pouvoir”, “portez ce masque avec orgueil”.

Présentation de la saison 3 à La Monnaie de Paris, juillet 2019 © COADIC GUIREC / BESTIMAGE

La réflexion qu’il entame prend une autre direction, mais en reprenant ce qu’il pointe du doigt, on peut comprendre que La Casa de Papel nous offre le récit romancé du héros rebelle, avec tout le charme que celui-ci peut avoir… mais c’est une coquille vide. Parce que la démarche de résistance n’est pas ancrée dans une réalité portée par une précision des revendications, par une mise en lumière des problèmes contre lesquels elle se hisse, par un langage concret et une prise de position nette, c’est une coquille vide. Ce creux de sens est un danger puisque notre esprit peut être enclin à épouser toutes ces jolies formes (l’aventure, le sacrifice, l’adrénaline, le charme idéaliste, les expressions faciles, les symboles accessibles) en oubliant le pourquoi de leur existence. Et la construction de la série pousse à le faire. Alors que le cœur de la question n’est pas la rébellion, mais la façon de la faire, les raisons pour lesquelles on la fait, ce que l’on défend et ce que l’on veut construire. La Casa de Papel, en plus d’être (pour beaucoup) un bel objet de divertissement — j’ai pris beaucoup de plaisir à la regarder —, a le potentiel pour pervertir les élans protestataires au plus près de l’individu.

Parce que la démarche du résistant n’est pas ancrée dans une réalité portée par une précision des revendications, par une mise en lumière des problèmes contre lesquels elle se hisse, par un langage concret et une prise de position nette, c’est une coquille vide.

Quid alors de ceux qui l’ont réalisée ? Dans des interviews menées suite au succès de la série, les acteurs et producteurs déclarent qu’en effet l’histoire racontée semble avoir un écho très fort dans le monde. Ils imaginent que cela est dû au fait qu’elle touche la corde sensible de la résistance à un moment où beaucoup de personnes se sentent attirées et prêtes à franchir le pas, ou l’ont déjà fait. Mais ils assurent que ce n’est pas l’intention première de la série de mettre en avant cet aspect-là, cela fait juste partie du déroulement de la fiction et il se trouve que c’est bien tombé. On a du mal à y croire, au regard de toute l’analyse précédente, de comment la série exploite encore plus les images de la résistance dans la deuxième saison, et des moyens publicitaires mobilisés. La série paraît surtout profiter de la vague de protestations observée dans le monde. Si elle parvient à attirer autant de spectateurs, c’est que les auteurs ont fait la prouesse de toucher la corde sensible de nos sociétés actuelles, de flairer les envies dans l’ère du temps, de reconnaître le mouvement qui se profilait dans l’espace imaginaire collectif. Maintenant, qu’ont-ils fait avec, et ont-ils pris leurs responsabilités à ce sujet, c’est là où ça devient inquiétant.

Quid de Netflix ? Je suis abonnée, et 75% de l’offre c’est du déjà-vu dans la catégorie “ras-le-bol-qui-vend-sans-efforts” : tout ce que l’on peut consommer comme divertissement qui porte peu à réfléchir et en reste à la base de ce que l’on connaît bien. Je trouve en même temps des perles produites par Netflix: le documentaire sur Alexandria Ocasio-Cortez et trois autres femmes en campagne politique aux U.S., le spectacle Nanette de Hannah Gadsby (dont j’inclus un extrait et que je recommande particulièrement), le documentaire The Great Hack, des séries comme Unbelievable ou Big Mouth. Tous des exemples de produits audiovisuels qui, à mon avis, abordent des enjeux essentiels à mettre en avant aujourd’hui. Je me trouve partagée. Je ne doute pas, cependant, qu’il est facile pour Netflix de recueillir des données sur notre visionnage de films et séries : où nous sommes-nous arrêtés pour après reprendre, à quel moment a-t-on abandonné tel film ou telle série, quelles productions est-ce qu’on évite constamment… Avec toutes ces données, on peut, d’un côté, ajuster la structure des créations audiovisuelles pour garantir que les spectateurs intéressés ne décrochent plus. De l’autre, on peut identifier des communautés d’intérêt, et avec un modèle de diffusion qui permet de faire du cas par cas, de connaître de mieux en mieux chaque spectateur pour lui proposer ce qu’il désire — tout en proposant une toute autre chose à un autre. Dans ce panorama, La Casa de Papel, c’est un jackpot.

En bonus avant de terminer : pour préparer la sortie de la dernière saison, sur Netflix depuis le 3 avril, une campagne de pub a placé des images du masque de Dalí avec la phrase “La Resistencia compte sur vous” dans plusieurs unes et dernières pages de la presse française, pour créer le buzz. Sérieusement.

Pour le mot de la fin, je reprends la conclusion de Guillermo García Pérez. Avec cette représentation de ce qu’est la rébellion, la série incite les spectateurs à adopter une vision très spécifique de la révolte : celle de quelqu’un qui consomme des produits symboliques vidés de sens. Elle développerait leur attirance pour un idéal de rébellion romancé, loin des réalités du terrain et du besoin de se former et de s’organiser. En ce sens, ce produit culturel est un outil de régulation douce ; comme me disait un ami en lisant l’article, il contribue à soulager la cocotte-minute sociale. Que tirer de cette analyse de La Casa de Papel ? La série sait très bien construire et diffuser un récit qui marche, qui s’intéresse et parle aux gens. Il y a sûrement de bonnes leçons à prendre là-dedans pour celui ou celle qui crée des histoires. Mais avec responsabilité. Et donc aussi… Attention aux histoires qui brouillent les pistes. On se sent rassasié, mais : alerte placebo. Prenons le temps de déconstruire les récits qui nous sont proposés, de garder l’œil vigilant sur ce que nous consommons comme produits culturels. Ayons l’intelligence de comprendre ce qui est à prendre — un moment de divertissement, quelque chose à partager avec d’autres spectateurs, une prise de conscience de son envie à soi de remettre en cause un système — et, surtout, ce qui est à laisser.

Ma réflexion s’inscrit dans la recherche plus large sur la narration que nous menons à Why Stories. Je vous invite à découvrir nos autres articles sur Talkin’ about a revolution.

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