Les femmes ou les “oublis” de l’Histoire — épisode 37 : Sojourner Truth

Juliette Raynaud
#teamcolibri
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3 min readJan 8, 2023

Vous connaissez Sojourner Truth ? Esclave affranchie, elle fut une figure de premier plan dans la lutte pour l’abolition de l’esclavage, les droits civiques et les droits des femmes.

Sojourner Truth ©teamcolibri.org

Isabella Beaumfree naît esclave vers 1797 dans une communauté néerlandaise du comté d’Ulster, New York.

A onze ans, elle est vendue et mariée contre son gré à Thomas Jeffery Harvey, lui aussi esclave, avec qui elle aura cinq enfants destinés eux aussi à la servitude.

Juste avant que l’État de New York abolisse l’esclavage, en 1827, elle s’enfuit de la ferme de son propriétaire avec sa cadette, Sophie. Elle trouve refuge auprès d’Isaac Van Wagener qui l’affranchit et lui donne son nom de famille. Avec l’aide d’amis quakers, elle se lance dans une bataille juridique pour récupérer son plus jeune fils vendu illégalement en esclavage dans le Sud. Elle gagne.

Isabella Van Wagener n’est plus esclave.
Elle est domestique à New York où elle vit avec ses deux benjamins.

Elle se convertit à l’évangélisme en 1843 et obtient sa liberté définitive.
Désormais, elle s’appelle Sojourner Truth.

Prédicatrice itinérante, elle parcourt le Nord-Est et le Midwest pour transmettre ses idées d’un non-sectarisme résolu qui font des liens entre l’abolition de l’esclavage, les droits des femmes et la liberté religieuse. Elle se bâtit rapidement une réputation d’oratrice et de pédagogue hors pair alors même que l’Anglais n’est pas sa langue natale.

En 1850, elle publie son autobiographie Narrative of Sojourner Truth qu’elle a dictée à une assistante, Olive Gilbert, puisqu’elle-même ne sait ni lire ni écrire. C’est des ventes du livre que Sojourner vit désormais. Témoignage majeur sur l’esclavage, ce livre sera traduit en Français… en 2016.

Proche des leaders abolitionnistes, Sojourner rencontre aussi des féministes de la première vague comme Lucretia Mott. En 1851, au cours d’une convention pour les droits des femmes, Sojourner Truth prononce son fameux discours “Ain’t I a Woman?” (“Ne suis-je pas une femme ?”) — qui donnera son titre au premier essai de l’intellectuelle féministe bell hooks 130 ans plus tard. Elle y revendique son statut d’esclave, de femme, de femme noire. En rendant la lutte féministe indissociable de la lutte abolitionniste, elle apparaît, aujourd’hui, comme celle qui, la première, a posé les bases de l’intersectionnalité.

Pendant la guerre de Sécession, elle organise des collectes de fonds et de vivres pour les régiments de soldats noirs volontaires combattant pour l’Union. En 1864, à Washington, elle aide à mettre en pratique l’intégration raciale dans les tramways. Elle est reçue à la Maison-Blanche par Abraham Lincoln.

La même année, elle accepte le poste que lui propose la National Freedmen’s Relief Association qui soutient et conseille les affranchi·es, notamment en ce qui concerne les migrations et relocalisations.

Après la guerre civile, elle lutte contre la ségrégation raciale, l’exploitation, le chômage et la paupérisation des réfugié·es du Sud. Elle milite pour le droit de vote des Noir·es et des femmes jusqu’à sa mort, en 1883.

Sojourner Truth est inscrite au National Women’s Hall of Fame.

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