Les femmes ou les “oublis” de l’Histoire — épisode 38 : Sophie Germain
Vous connaissez Sophie Germain ? Philosophe et mathématicienne autodidacte, elle usurpa l’identité d’un homme pour étudier à Polytechnique. Ses travaux firent progresser de manière significative la recherche mathématique. Sa théorie sur l’élasticité de la matière fut déterminante dans la construction de la Tour Eiffel.
Marie-Sophie Germain naît à Paris en 1776. En explorant la bibliothèque de son père, Sophie découvre un livre sur l’histoire des mathématiques. En lisant qu’Archimède, lors de l’invasion de Syracuse par les Romains 3 siècles avant J.-C., était tellement plongé dans ses mathématiques qu’il se laisse assassiner par un soldat, elle en conclut que cette science vaut vraiment le coup d’être étudiée.
Sophie apprend le latin pour lire tous les livres et passe son temps à étudier. Elle ne s’en contente pas et veut intégrer l’école qu’on appelle aujourd’hui Polytechnique pour s’attaquer aux mathématiques contemporaines. A l’époque, une seule solution : être un homme. Sophie usurpe alors l’identité d’un étudiant qui n’assiste pas aux cours et devient Antoine Auguste Le Blanc le temps de ses études.
Dans cette école, les étudiants sont sollicités à partir d’un bulletin pour résoudre des problèmes et faire des commentaires. Sophie-Antoine Auguste entame une correspondance avec les plus grands mathématiciens de son temps, comme Gauss ou Lagrange.
Elle travaille sur le fameux théorème de Fermat, décrit une classe particulière de nombres (devenus les nombres premiers de Sophie Germain), propose de nouveaux outils pour démontrer des théorèmes. Au lieu de chercher la solution d’une seule équation, elle trouve une solution générale qui permet d’en résoudre plusieurs à la fois. Sophie ne se contente pas de faire des mathématiques, elle les crée.
Ses notes sont remarquées par Lagrange qui, intrigué par tant de génie, sollicite une rencontre. Elle hésite mais s’y rend en tant que Sophie Germain. Le mathématicien décide de la soutenir dans ses travaux.
En 1808, on montre à Napoléon une expérience consistant à dessiner des formes géométriques avec de la musique. Quand il demande des explications, personne ne peut lui en donner. Il organise alors un concours qui récompensera celui qui pourra justifier ce phénomène.
Sophie se présente avec une théorie de la vibration (qui invalide une théorie d’un grand mathématicien de l’époque, Poisson). Elle est la première femme à remporter un prix scientifique délivré par la prestigieuse Académie des Sciences qui n’ira cependant pas jusqu’à publier ses recherches.
Ses travaux sur l’élasticité de la matière ont été déterminants dans la construction de la Tour Eiffel mais son nom ne figure pas parmi les noms des 72 savants gravés sur les piliers de l’édifice.
A sa mort, en 1831, on lui refuse le titre de mathématicienne. Sur sa tombe au Père Lachaise, Sophie Germain est “rentière”.
Son théorème porte son nom.
“Lorsque les connaissances sont un amas d’erreurs et de vérités, indistinctement mêlées, lorsqu’une longue ignorance et beaucoup de siècles leur ont laissé jeter des racines profondes, la séparation en est difficile. L’ancienneté ne prouve rien. Le respect, la croyance de plusieurs âges ne sont que des préjugés. Le doute est d’un sage, et si le sage veut avoir une opinion, le doute conduit à l’examen.”
— Sophie Germain, Œuvres philosophiques