Intelligence Artificielle: assistons-nous à l'amplification d’une bulle?
En quelques mois, Montréal est devenue pour beaucoup d’observateurs la capitale mondiale de l’intelligence artificielle. L’industrie des TIC en général a en effet littéralement explosée, et l’on compte aujourd’hui plus de 91000 travailleurs spécialisés dans la métropole québécoise. Le dernier investissement historique de 137,5 millions de dollars, reçu au début du mois par la startup Element AI, ne fait que confirmer la tendance du moment et appelle d’autres investisseurs à s’intéresser d’encore plus prêt aux TechStartups de la ville aux cents clochers. Cette effervescence présente cependant de dangereuses similitudes avec la fameuse “Bulle Internet” des années 2000, qui avait alors amené le NASDAQ jusqu’à son record historique de valuation avant de totalement s’écrouler en moins d’un an. Peut-on donc dire que l’on fait de nouveau face à un phénomène comparable? La suite de l’histoire est-elle déjà connue d’avance? C’est ce que nous allons tenter d’élucider ici.
Throwback To: La Bulle des années 2000
De 1995 à 2000, un nombre important d’entreprises spécialisées en technologie ou dans le secteur des télécommunications ont vuent le jour à l’image d’Amazon, de Google, d’AOL ou encore de l’un des premiers réseaux sociaux theGlobe.com. Durant cette période, les gains promis par ces entreprises des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) ont attirés un nombre croissant d’investisseurs qui étaient tout particulièrement intéressés par le potentiel du nouveau réseau Internet ayant vu le jour en 1994. En l’espace de quelques années, les marchés financiers sont alors devenus complètement fous avec une explosion du nombre d’émissions d’actions, d’emprunts et de crédits bancaires octroyés à n’importe quelle entreprise ayant eu la bonne idée de placer “.com” à la fin de son nom. Si de nombreux facteurs macroéconomiques étaient bien à l’origine de cette bulle spéculative, l’indice du NASDAQ a quand même été multiplié par 5 pour atteindre son pic en Mars 2000. Dans cette “mania”, certaines entreprises ont réussi à atteindre une valuation boursière insensée, sans aucun lien avec leurs chiffres d’affaires réels. Or, nul besoin de dire qu’après la folie, la chute fut lourde. Très lourde. En effet, lorsque les investisseurs ont commencé à réaliser d’une part qu’ils avaient exagéré leurs estimations à long terme, et d’autre part que ces sociétés consommaient trop rapidement leur capital, la bulle a inévitablement finit par éclater. Les pertes gigantesques enregistrées par les entreprises du secteur ont entraîné une récession économique globalisée qui a eu un impact sur les investisseurs et les salariés concernés. Une autre bulle internet s’est par ailleurs formée en 2010 avec l’apparition des outils comme Facebook, Twitter ou encore LinkedIn. Les conséquences de son éclatement furent cependant bien moindre qu’en 2000, d’autant plus que les marchés financiers sortaient à peine de la crise des subprimes survenue en 2008.
IA: La nouvelle bulle du moment?
Mais au fait, qu’est-ce que l’intelligence artificielle déjà? C’est l’ensemble des théories ou des techniques qui visent à réaliser des machines et solutions technologiques capables de simuler l’intelligence. Ce concept est apparu pour la première fois dans les années 1950 avec les travaux d’Alan Turing, dont on utilise toujours le test à son nom afin de déterminer si une machine est “consciente” ou non. Les avancées technologiques de ces dernières années, avec l’apparition du Big Data ou encore du Machine learning, ont fait de l’intelligence artificielle le nouvel eldorado de la tech. Alors que beaucoup de spécialistes anticipaient une baisse en 2016 des VC fundings reçus par les entreprises spécialisées en IA, ceux-ci ont pourtant largement augmentés (de 60%) au cours de l’année comme on peut le constater sur le graphique ci-dessous.
Autre fait intéressant: alors que seulement 20% des investissements en IA étaient faits depuis l’extérieur des États-Unis en 2012, ces derniers représentent désormais plus de 40% du total. Ce chiffre montre bien que le phénomène a prit récemment une ampleur internationale. Parallèlement à cela, si beaucoup d’indicateurs pourraient faire penser que l’IA est la nouvelle bulle internet, il semblerait que la réalité ne soit pas tout aussi simple. En effet, plutôt que de parler d’une grosse bulle globalisée, on évoque plutôt une série de plus petites bulles localisées dans les grandes métropoles mondiales.
“Every time there’s a focus on a technology that’s new, it gets overhyped, and the hype reaches an extreme” Alex Mittal, FundersClub CEO
La véritable problématique liée à cette technologie vient plutôt du fait qu’il y a plus de startups en IA que le monde en a réellement besoin. Certaines répondent bien entendu à un réel besoin du marché, mais la plupart ne font que surévaluer leur algorithme qui ne sert concrètement pas à grand chose. Alex Mittal, CEO du FundersClub qui investit dans les startups prometteuses, affirme que “à chaque fois qu’il y a un intérêt pour une nouvelle technologie, elle est tout de suite surcotée et la hype devient extrême”. Il me semble pourtant important de clarifier certaines choses. OUI, la technologie impliquée autour du concept d’intelligence artificielle est absolument remarquable et révolutionnaire. OUI, les projets d’intelligence artificielle peuvent changer le monde et se révéler être d’une grande utilité (comme avec le développement de voitures autonomes). Mais NON, la mode actuelle qui consiste à appliquer un concept d’intelligence artificielle à tous les secteurs d’activité et à toutes les sauces ne rime absolument à rien. Comme au début des années 2000, il est aujourd’hui tout aussi aberrant de constater que n’importe qu’elle startup qui possède “AI” dans son nom est en mesure d’aller chercher des montagnes de financement à l’aide d’une simple présentation Powerpoint. Il y a bien sûr de la caricature là-dedans, mais les mentalités ont sans nul doute pris un tournant assez inquiétant lorsque l’on en vient à voir des commentaires de la sorte sur des groupes d’entrepreneuriat spécialisés:
Je n’arrive toujours pas à savoir si cette personne rigolait ou non, mais on sait tous que le grand principe de l’ironie est de se jouer des théories et opinions que certains défendent réellement.
En fin de compte, si l’intelligence artificielle a encore de très beaux jours devant soit (à juste titre), son statut actuel de “formule magique” au succès d’une entreprise doit être reconsidéré. Il ne faut surtout pas oublier que les investissements reçus par les startups en IA pourraient profiter à des entreprises dans d’autres domaines, qui pour le coup en ont bien besoin!
Quelques liens d’articles intéressants sur le sujet: