Votre futur manager est un UX designer.

Christophe Pian
The Colony
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4 min readFeb 18, 2019

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“Nous allons peut-être devoir laisser le volant afin que les gens ne paniquent pas, mais le siège du conducteur pourra clairement pivoter comme une chaise de bureau”, explique le nouveau PDG de Ford, Jim Hackett, lors d’une visite des ateliers. “La voiture est en train de devenir ni plus ni moins qu’un ordinateur roulant aux aspects de salon” enchaine-t-il.

Ford a développé une certitude ces dernières années: l’entreprise qui parviendra à exceller en interaction homme-machine est celle qui aura la main sur l’ère de la voiture sans conducteur.

La technologie bouleverse l’industrie automobile à l’instar de tant d’autres, mais on ne le répètera jamais assez: elle n’est pas une fin en soi, elle ne reste qu’un moyen. Elle apporte cependant un changement significatif à l’expérience utilisateur (UX), c’est à dire la manière d’interagir avec un produit ou service puisqu’elle automatise un certain nombre de tâches, autrefois réalisées par un humain. Ce changement de paradigme appelle à repenser de fond en comble la manière de consommer un produit ou service, mais également toutes les activités périphériques telles que la communication et la vente.

Selon une étude du cabinet de consulting Forrester, l’expérience utilisateur est devenue le différenciateur compétitif clé, devant le produit, la marque et le prix.

D’après un rapport de Gartner, 90% des entreprises interrogées pensent que la préférence client sera déterminée par l’expérience client (ce chiffre est à comparer avec seulement un tiers en 2012). Coïncidence ou non, c’est exactement le même pourcentage de clients qui jugent les expériences clients insatisfaisantes à ce jour. Il y a donc un potentiel d’amélioration considérable.

L’expérience client a un impact clair sur le revenu dans la mesure où elle génère une réponse émotionnelle de la part de ceux qui la vivent. Et un client émotionnellement engagé c’est rentable pour une entreprise: les entreprises qui sont centrées clients grandissent plus vite en termes de revenu, sont plus profitables, font croître leur base de client plus rapidement et sont moins prônes à la saisonnalité.

Un client émotionnellement engagé avec une marque va en moyenne rapporter 52% de plus que ceux qui perçoivent un différenciateur mais n’ont pas cet engagement émotionnel.

Cet engagement peut se traduire pour l’entreprise de la manière suivante:

Elle a également un impact clair sur le taux de satisfaction des clients, et donc du bouche à oreille, ce que nous avions déjà démontré dans un autre post.

L’expérience client a une importance prépondérante dans les industries B2C: Compagnies aériennes, banques, assurances, hôtellerie. Mais pas seulement, voici quelques chiffres montrant l’impact de l’engagement client sur le chiffre d’affaire de différentes industries:

L’expérience client passe notamment par le fait d’offrir un bon parcours client à travers une présence digitale comme physique, une gamme de produits consistante, le bon volume d’informations au bon moment, et de donner le choix et le contrôle au client.

Ces considérations ne sont pas cantonnées aux entreprises B2C. Les attentes en matière d’attention et d’interactions que les utilisateurs perçoivent et reçoivent dans leur vie privée créent une attente claire dans le contexte de leur travail. D’après Marketing Sherpa, plus de 45% des personnes influençant une décision d’achat B2B en Allemagne ont moins de 35 ans et consultent au minimum 6 différents canaux, dont des moteurs de recherche et regardent des vidéos pour se renseigner avant de prendre contact avec un vendeur.

De la même façon qu’une bonne expérience client a des retombées positives, une mauvaise expérience entraine des conséquences négatives pour l’entreprise:

Un des risques potentiels pour une entreprise dont l’expérience client n’est pas au coeur des préoccupations c’est la perte de vue de ses clients et de leurs problèmes. Dans le monde automobile par exemple, ce décalage est manifeste quand on en vient à se poser la question de savoir si les clients préfèrent posséder une voiture plutôt que la louer. Sans compréhension des clients donc sans direction claire, les entreprises ont tendance à gadgetiser leurs produits dans une tentative de différenciation, plutôt que résoudre de vrais problèmes. Elles créent ainsi une double peine: celle de passer à côté d’une attente et celle de complexifier leur produit et de le rendre détestable (une télécommande de télé, avec ses 80 boutons, est un bon exemple).

Illustration de ce que Jim Hackett appelle le design gap: décalage qui se crée lorsque l’industrie a drastiquement changé et que l’entreprise n’est plus au fait des problèmes qu’elle résout pour ses clients.

Pour éviter que ces situations se créent il est nécessaire que l’expérience client ne soit pas réduite à l’aspect du produit mais qu’elle soit une philosophie d’entreprise. Cette tâche incombe aux UX designers, qui ont la charge de représenter la voix du client et de s’assurer que le produit/service réponde à de réelles attentes.

Au vu des impacts que l’expérience client a sur les résultats des entreprises il y a peu de doutes sur le fait que l’implication des UX designers au niveau stratégique va croître et que ces profils seront amenés à prendre de plus en plus de responsabilités managériales.

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Christophe Pian
The Colony

Senior UX Designer @ Pictet Group | User centric innovation leader, former entrepreneur and start up coach