“Design moi une appli métier” (1/3) Un levier stratégique pour les entreprises

Robin Bauer
The Experience Center Paris
8 min readMar 22, 2019

Fruit de l’expérience acquise au travers des projets menés à l’Experience Center de PwC, “Design moi une appli métier” est une série d’articles consacrée aux applications métiers dans les entreprises. Dans ce premier article, nous commencerons par définir de quoi il s’agit, puis nous verrons en quoi ces applications constituent un enjeu stratégique pour les entreprises.

De quoi parle t-on ?

Avant de voir en quoi les applications métiers jouent un rôle crucial dans la transformation des entreprises, il convient de définir ce que l’on entend par là. En tant que designers, nous opterons pour une définition par l’usage: une application métier est un outil digital que l’on utilise dans un contexte professionnel, pour un métier en particulier. Ces applications ou “outils” métiers se rencontrent dans tous les secteurs et ont pour dénominateur commun de répondre à des besoins très spécifiques. Ainsi, nous avons réalisé des outils très variés: une plateforme de pricing de produits financiers, un outil de vente de véhicules d’occasion, une plateforme permettant de gérer des hôtels, etc…

Il convient de distinguer ces applications “métiers” des applications “professionnelles”, qui sont utilisées dans un contexte professionnel mais ne sont pas propres à un métier en particulier. Il s’agit par exemple des applications de saisie de notes de frais, d’évaluation RH, de réservation de salles de réunions, etc.

Pourquoi parler des applications métiers ?

Sur la base de notre expérience, nous avons décidé de partager 4 convictions fortes:

  • #1 les applications métiers sont, à tort, reléguées au second plan par de nombreuses entreprises, alors qu’elles impactent directement leur mode de fonctionnement
  • #2 alors que les entreprises sur-investissent dans la transformation digitale “côté client”, les applications métiers constituent un levier de transformation majeur en termes d’expérience employé et client
  • #3 plus que le redesign d’un outil, la réflexion autour des applications métiers impacte tous les aspects de l’entreprise (métiers, organisations, place de la technologie)
  • #4 pour se transformer en profondeur, les entreprises doivent privilégier des approches de co-design qui impliqueront l’ensemble de l’organisation dans sa propre redéfinition

Gain de productivité, réduction des coûts, développement des revenus… Les avantages sont multiples !

L’une des choses que nous avons le plus souvent entendu chez nos clients, c’est que les applications métiers “coûtent trop cher par rapport à ce qu’elles rapportent”. Or, on ignore ou sous-estime tout ce qu’une bonne application métier peut apporter à une entreprise.

D’abord, la qualité des applications métiers impacte directement la productivité des collaborateurs qui l’utilisent, et ce pour diverses raisons. Par exemple, l’ergonomie d’un outil alourdit la charge cognitive des collaborateurs et ralentit le travail : nous avons ainsi vu une équipe de journalistes web passer par des dizaines de clic avant de pouvoir publier un contenu en ligne ! De même, un outil mal pensé aboutit souvent à la naissance de tâches inutiles (double-saisie, copier-coller, …) : c’était le cas des secrétaires de concessions automobiles que nous avons rencontré, et dont l’essentiel du travail consistait à renseigner des fiches véhicules 2 fois (prise de notes sur papier, puis saisie dans un outil informatique), c’est à dire une fois de trop !

“ Un outil mal pensé alourdit la charge cognitive des collaborateurs, ralentit le travail et aboutit souvent à la naissance de tâches inutiles. “

Cette observation empirique est confirmée par de nombreuses études menées au cours des dernières années. D’après une étude menée par EasyPanel et relayée par les Echos, 86% des salariés français considèrent que leur organisation pourrait être plus efficace, notamment au niveau de l’outillage digital qui leur ferait perdre près de 30 minutes par jour (soit 109 heures de travail par an et par salarié !)

Ensuite, mettre en place des applications métiers adaptées permet de faire disparaître des charges qui n’ont pas lieu d’être. On peut ainsi citer le temps passé par les collaborateurs en formation, qui vont parfois passer plusieurs jours enfermés dans une salle pour apprendre à maîtriser un outil, alors qu’une interface simple et intuitive aurait nécessité peu, voire pas de temps de formation ! De même, un outil mal pensé conduit certains utilisateurs à demander de l’aide au support informatique ou à des “utilisateurs experts” : en re-designant une plateforme de pricing de produits d’assurance, nous avons ainsi découvert que la fonctionnalité majeure de l’outil (la définition du prix) ne pouvait être effectuée que par une poignées de personnes, conduisant tous les autres à effectuer des demandes par téléphone ou par email alors qu’ils auraient pu le faire en autonomie ! Un tel dispositif avait pour conséquence de créer un “goulet d’étranglement”, et donc d’allonger les délais de traitement.

Enfin, les applications métiers peuvent également constituer un levier de croissance pour les revenus de l’entreprise, et ce de plusieurs manières. Ainsi, un outil de qualité peut être monétisé et vendu à des tiers dans un modèle SaaS (software as a service), à l’instar de Google qui a développé Gmail et la Google Suite pour répondre à des besoins internes, avant de proposer son offre Google for Work aux entreprises. De même, sans pour autant être vendue, une application métier simple et intuitive peut être proposée directement aux clients de l’entreprise. On peut ainsi citer l’expérience de prise de commande chez MacDonald’s, où l’on est passé d’un modèle de caisse enregistreuse (utilisée par un employé) à un modèle de borne d’achat (utilisée par le client final). On observe ce phénomène de façon encore plus marquante sur les marchés BtoB: c’est ainsi que nous avons imaginé pour une banque d’investissement une plateforme permettant à des conseillers financiers d’être accompagnés pas à pas dans leurs investissements en produits structurés.

MacDonald’s, où quand un outil métier (la caisse enregistreuse) s’ouvre aux clients pour simplifier l’expérience de commande et améliorer la productivité de l’entreprise (Crédit photo)

Améliorer le quotidien des collaborateurs

Une seconde objection que nous avons souvent rencontré chez nos interlocuteurs est l’idée reçue selon laquelle “il n’y a pas besoin de trop se préoccuper des outils métiers, les collaborateurs qui les utilisent s’y adapteront.” Ça n’est pas (ou plus) le cas.

En effet, avec le développement croissant des outils digitaux à destination du grand public (smartphones, réseaux sociaux, sites e-commerces, plateformes de contenus, …), les collaborateurs, qui sont également consommateurs dans la sphère privée, se sont habitués à manipuler des interfaces de plus en plus simples, intuitives, agréables, accessibles sur de multiples support / terminaux, etc… Reléguant ainsi bon nombre d’applications métiers au rang d’outils vieillissants, obsolètes et générateurs d’une grande frustration. Le phénomène ne cesse de grandir, générant de l’agacement et de la frustration au sein des entreprises, et n’est pas prêt de s’arrêter dans la mesure où les générations qui entrent sur le marché du travail, les “digital natives”, sont également les plus exigeantes à l’égard de la qualité des outils fournis par leurs employeurs.

“ Les collaborateurs se sont habitués à manipuler des interfaces de plus en plus simples, reléguant ainsi bon nombre d’applications métiers au rang d’outils vieillissants, obsolètes et générateurs d’une grande frustration. ”

Le fait est que la pertinence et la qualité des outils fournis constitue un aspect majeur de “l’expérience employé”, au même titre que la qualité de l’espace de travail, les avantages “en nature” ou la culture d’entreprise. Proposer à ses collaborateurs des applications répondant à leurs besoins se traduit par une amélioration des conditions de travail de multiples manières. Ainsi, en faisant disparaître certaines tâches inutiles et routinières comme le copier-coller, les multiples saisies d’informations ou les mails de confirmation intempestifs, on recentre l’activité du collaborateur sur des tâches à forte valeur ajoutée, plus intéressantes, le protégeant ainsi des risques de burn-out ou de bore-out. De même, améliorer l’ergonomie, la navigation, la lisibilité et le graphisme d’une interface permet de réduire certains problèmes de santé chroniques liés au travail (migraines, problèmes de vue, troubles de la concentration, …)

Des machines aux logiciels digitaux, les outils métiers façonnent notre rapport au travail et peuvent, lorsqu’ils sont mal pensés, produire des formes d’aliénation chez les collaborateurs (Crédit photo)

Et tout ça n’est pas que théorique. En effet, nombreux sont les travailleurs (secrétaires, formateurs, commerciaux, traders, conseillers, gestionnaires …) qui, à la fin d’un projet, nous ont expliqué non sans émotion que l’outil que nous venions de créer allait “changer leur vie au travail”. C’est là la plus belle récompense pour un designer.

Collaborateurs mieux outillés = clients plus satisfaits !

Améliorer l’expérience de ses collaborateurs revient souvent à améliorer l’expérience client: c’est ce que l’on appelle la “symétrie des attentions”. En effet, lorsqu’un collaborateur en contact avec un client est mieux outillé, il est en mesure de fournir un service de meilleure qualité (plus de rapidité, de fluidité, de proactivité, …). Tirant plus de satisfaction et de fierté de son travail, ce même collaborateur est ainsi en mesure de tisser une relation positive, ouverte et bienveillante à l’égard de son client. A titre d’exemple, nous avons créé pour un leader de l’immobilier BtoB un nouvel outil permettant aux agents de proposer à ses clients une expérience de vente plus transparente et immersive, améliorant ainsi non seulement la qualité du travail des collaborateurs mais également la performance commerciale. On observe des phénomènes similaires dans la restauration et le retail, où vendeurs et serveurs utilisent de plus en plus de téléphones/tablettes afin de prendre des commandes plus efficacement ou de personnaliser le conseil.

“ Lorsqu’un collaborateur en contact avec un client est mieux outillé, il est en mesure de fournir un service de meilleure qualité, de tisser une relation positive, ouverte et bienveillante. “

Dans le même ordre d’idée, les applications métiers constituent un élément central de l’expérience client. Ainsi, lorsque nous avons été mandatés par un assureur pour améliorer l’expérience de déclaration de sinistre auto, nous avons découvert que la priorité pour les assurés n’était pas de disposer d’une application, mais bel et bien de repenser le back-office des collaborateurs en charge de la gestion des sinistres afin d’améliorer le partage d’information entre l’assuré, l’assureur et le garagiste.

Pour délivrer une expérience client de qualité, les compagnies d’assurance doivent d’abord améliorer les outils des collaborateurs avant de proposer de nouveaux services digitaux à leurs clients (Crédit photo)

En 2 mots.

Parce qu’elles font gagner du temps et de l’argent, qu’elles améliorent la qualité de l’expérience collaborateur et client, les applications métier jouent un rôle critique dans la transformation des entreprises. Ce constat effectué, nous verrons dans le prochain article qu’au-delà du design d’interface et de l’expérience utilisateur (UX), repenser un outil métier nécessite une réflexion globale à tous les niveaux (organisation, technologie, process, RH, …).

A la semaine prochaine !

Merci à Antoine NASSER et Valentin SAINT-FRISON pour leur relecture attentive et leur challenge bienveillant.

Pour en savoir plus, n’hésitez pas à nous contacter sur Medium, Linkedin ou par mail / téléphone (antoine.nasser@pwc.com / +33.6.16.33.33.57). Nous serons ravis d’échanger avec vous ! :)

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