[Album Review] No no no par Beirut ou le songe d’un weekend pluvieux.

No no no, c’est le quatrième album de Beirut. Ce groupe d’américains basé à Brooklyn nous a offert ces dernières années des chansons folk aussi belles qu’ingénieuses, s’imprégnant de cultures et d’influences diverses: musique américaine, chanson française, sonorités slaves, bref un groupe de globe-trotteurs. On se frotte bien les mains et les oreilles depuis que ce nouvel album est sorti hier et qu’il est donc disponible sur Spotify (cf les playlists préparées avec amour par Les Trois Doigts de la Main) ou encore à l’achat sur iTunes, le site du band, ou encore pour les amateurs de vintage, sous forme de cd dans des vrais magasins avec des vrais gens dedans tels que “la fnac”. Trêve de publicité inutile, place à la musique.

Notons d’abord que cet album s’écoute d’une seule traite avec une grande facilité. D’une part, il est plutôt court (une trentaine de minutes), d’autre part, il est très bon, mais surtout les titres se succèdent fluidement comme des variantes du même sentiment musical. Tout au long des 9 pistes de l’album, c’est la même ambiance qui se dégage malgré les changements de mélodies et de tempo, et résultat: l’immersion est complète. Dès les premiers instants de Gibraltar qui ouvre l’album, le style de Beirut est là. No no no reste bien dans la même veine que les précédents opus du groupe américain et ne décevra pas les fans (ils seront même en terrain bien connu), mais il parvient tout de même à se différencier (un peu): à la fois léger, planant, et toujours riche en références. Le goût prononcé de Beirut pour les cuivres, qui avait fait la richesse (et parfois la complexité) des premiers albums s’exprime maintenant plus subtilement. Les trompettes, cors et autres servent plus de ponctuation que de squelette aux nouvelles compositions, et ça allège beaucoup le ressenti global. La marque de fabrique est toujours là mais elle laisse plus de place à l’album qui installe ainsi sa propre atmosphère songeuse.

Un album soigné, un album qui soigne.

Différents articles ou interviews disponibles en ligne indiquent que le songwriter du groupe, Zach Condon, souvent dépeint comme un “poète torturé”, a écrit les chansons de No no no dans une période de remise en question personnelle et artistique (après un divorce et un burnout entre-autres). Ce projet symbolise aussi l’image de l’homme submergé, qui ressort la tête de l’eau, qui va s’en sortir malgré les difficultés. En fait, il y a comme un air de cinéma indépendant qui plane sur tout l’album, qui ferait une très bonne bande originale de comédie dramatique américaine, genre Little Miss Sunshine, ou bien un film de Zach Braff (je vous renvoie à nos différents articles sur Zach Braff ici et ), ou bien Wes Anderson, enfin ce genre là quoi (vous voyez ce que je veux dire). Ce coté cinématographique dans le son de Beirut lui vient clairement de la fibre mélancolique du leader Zach Condon, mais probablement aussi de la quantité d’instruments sollicités et des arrangements parfois imprévisibles qui créent de petits rebondissements dans les morceaux (écouter Fener, ou Perth), le tout marié à un chant calme et serein, des textes bien écrits. Sur l’album qui nous intéresse aujourd’hui comme sur ses prédécesseurs, c’est tout un orchestre qui y passe. Percussions, cordes, cuivres, le tout généreusement employé par dessus le matériel standard des groupes modernes (Guitare, basse, batterie, synthé), mais jamais dans le désordre ou la surenchère. En écoutant No no no, on pense à Sufjan Stevens ou encore aux Decemberists.

En conclusion, on ne saurait que trop vous recommander cet album folk. Il va vraiment dans la continuité de ce qu’a déjà fait Beirut auparavant, donc les amateurs seront satisfaits et ceux qui ne connaitraient pas encore y trouveront une belle entrée dans le monde de ce groupe “éponge” qui absorbe plein d’influences diverses et les restitue à sa façon, faisant du neuf avec du vieux et qui a su apporté sa pâte dans le paysage musical de ces dernières années.

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