Battlestar Galactica — Une réflexion générale sur le sens de la vie.
De tout temps, les hommes…
Difficile de dessiner les contours toujours mouvants de la science-fiction. Jusqu’au 19ème siècle, un oeil distrait lui flanquerait des allures de rêvasserie sur l’inaccessible (la lune, l’infiniment petit). Heureusement, les sympathiques Vernes et Wells apportèrent une belle paire de lunette à cette rétine encore innocente et éprise de scientisme. Filons un peu plus loin, vers une époque tissée d’utopies ravagées. Asimov et Van Vogt apportèrent à cet organe oculaire un cerveau. L’anticipation, pourtant déjà existante, adopta une forme mélodramatique teintée d’un principe de précaution avant-gardiste. Soudain, le futur devint autre chose qu’un simple progrès. “Et si les lendemain n’étaient pas chantants ?” semblaient nous susurrer ces épopées galactiques débordantes de machines, de fissions atomiques et de voyages intersidéraux. Le souffle court, l’oeil maintenant averti, on regardait Star Trek (1966) et Battlestar Galactica (l’originale circa 1978) en extrapolant sur l’avenir de l’humanité. 30 ans plus tard (2004 exactement), Ronald D Moore ressuscite la saga pour en faire une des meilleures oeuvres de science fiction de tous les temps. Mais, voyez-vous, en 2004 l’espace n’a plus autant de secrets pour nous, 9/11 est passé et pour l’homme, l’époque est plus à la quête d’un sens perdu quelque part en chemin qu’à une exaltation frénétique pour les espoirs de demain. Rassurez vous, brebis introspectives, Battlestar Galactica regroupe habilement toutes vos interrogation sur Dieu, l’âme et l’amour. Pratique.
Les 12,5 Tribus d’Israël
Bien sûr, tout n’est pas si facile comme dirait l’autre et vous devrez subir 4 saisons, 1 mini série, 1 Spin-Off, le tout entrecoupé de 3 films et quelques webépisodes. L’ensemble dans le bon ordre s’il vous plaît. Et il vous plaira, mon capitaine. J’expédie la description générale : oui il y a des robots, les Cylons, crées par l’homme pour l’aider dans ses taches ingrates et au passage tenter de faire mentir un siècle de science fiction. Raté et… raté. Comme tout bon tas de boulons qui se respecte, ces pauvres bougres métalliques se rebellèrent et eurent la -toujours- bonne idée d’évoluer mystérieusement. Pif Paf Pouf, l’humanité, pourtant paisiblement occupée à se balader au soleil et acheter des agrumes au marché de ses 12 colonies, subit une simplification de sa population de quelques billions à 50 000. Expéditif, même pour un mathématicien. Quelques factorisations en fonction du rôle de chacun plus tard, on se retrouve avec une tripotée de vaisseaux civils et militaires essayant tant bien que mal de dégager de l’endroit soudainement inhospitalier. Le tout avec les Cylons aux fesses, un bon gros mal de crâne et comme seule destination : Earth (la Terre pour les bilingues), avec des rumeurs au sujet d’une treizième colonie.
Au bal masqué ohé ohé
On suit donc un large panel de protagonistes avec lesquels nos coeurs vont chavirer et nos cheveux se dresser. Pêle-mêle, l’Amiral en chef, son XO (Executive Officer), la Présidente (oui c’est moderne attention), une ribambelle de pilotes, le chef mécanicien (forcément un bon gars, tout le monde l’appelle Chief), d’autres citoyens plus ou moins intéressants et surtout, le morceau de choix. Un savant croisé philosophe raté croisé gourou croisé fiotte, le bien nommé Gaius Baltar. Le personnage “poil à gratter” qui sert de baromètre à toute la saga, représentant à lui seul l’humanité la plus parfaite, c’est à dire son irrésistible faiblesse. Pour la perfection, vous repasserez du côté des machines. Les Cylons qui, dans une ironie bien sentie, ont décidé de prendre forme humaine. Bizarre d’adopter l’esthétique de leurs ennemis jurés, mais la peau leur va si bien, alors on leur pardonne. Des vaisseaux spatiaux et des vaisseaux sanguins : Battlestar Galactica est un parfait space opera. On se réjouira des contacts incessants entre les deux races et de leur amour vache, débordant de batailles spatiales, de crises politiques et de problèmes de société. Dur dur de jouer le sort de l’humanité avec une poignée de vaisseaux, quelques têtes pensantes et une population forcément stressée comme des rats de laboratoires.
“Connais toi toi-même et tu connaitras l’univers et les Dieux”
Mais les plus grandes oeuvres se mesurent à l’échelle de leurs personnages et non de leurs effets spéciaux. Moore l’a compris et prouve qu’en rendant une copie parfaite du côté technique et sonore on peut en avoir encore sous le coude. A tel point que chaque parole, chaque action individuelle cache cette toile de fond permanente qu’est le destin de l’humanité. Dès lors, la série parvient à une intensité dramatique telle qu’à la place d’une pesanteur écrasante on se retrouve à planer et à survoler son enchevêtrement de fils qui construisent, lentement mais sûrement, sa trame. Parfois les fils se croisent, se cassent, s’enroulent, au rythme des destinées sacrifiées de ses héros et héroïnes. Cependant, le coup de maître de Battlestar Galactica réside dans sa montée en puissance au fil de ses épisodes. D’une question de survie, les personnages se tournent vers des problématiques sociales, économiques puis éthiques, religieuses, existentielles… Toute la palette de couleurs humaines y passe et nous happe dans son tourbillon de remise en question. La population, polythéiste, se rapproche étrangement du monothéisme et les signes presque divins renversent les idées reçues. Un épisode particulier se déroule lors d’un match de boxe entre divers militaires venus se détendre à coup de poings. Evidemment, le hasard n’est pour rien dans le matchmaking et des amis, amants, ennemis se retrouvent face à face dans l’opacité étouffante de la salle. Chaque coup donne droit à une vision de leur vie passée, pleine d’espoir et d’yeux qui brillent; d’amitiés pas encore trahies; d’insouciance amoureuse. Les flashs s’enchainent et le ring embrasse son rôle de scène catalytique où les passions, elles, se déchainent. Une nostalgie parfaite qui transcende tout le public présent et leur rappelle que le présent est peut être tout ce qui leur reste. Amen.