Facebook, le sparadrap du web

ou comment Zuckerberg serait fondé d’anticiper le morcellement qui pointe

Frederic Guarino
The Mediaquake
3 min readFeb 10, 2018

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Facebook, par la voix numérique de son fondateur Mark Zuckerberg, a statué que 2018 devait être l’année de la reconquête des liens forts entre utilisateurs vs une année 2017 secouée par les ramifications de la “weaponizationdes fausses nouvelles en GB pour le Brexit, aux Etats-Unis pour l’élection présidentielle et en Catalogne pendant le référendum. Ce retour aux sources sonne somme toute assez juste, on l’oublie presque mais thefacebook est né au début des années 2000 dans la chambre de Zuck à Harvard pour mettre en réseau les étudiants américains, avant de conquérir la planète. Facebook répète, de façon assez peu convaincante, que l’entreprise est une plate-forme et non pas un media, voulant s’éviter une régulation qui va arriver tôt ou tard.

Les modifications à l’algorithme du fil d’actualités, principale vitrine d’entrée pour les utilisateurs, ont été testées dans 6 pays au cours des derniers mois: Slovaquie, Sri Lanka, Cambodge, Bolivie, Guatemala et Serbie. Selon les informations du respecté New York Times, ces modifications ont eu l’effet exactement inverse, cad qu’elles ont contribué à accélérer la propagation des rumeurs et inepties que l’on nomme “fausses nouvelles”.

Les “fausses nouvelles” ne sont pas une invention née de l’âge du web. Là où la question se pose quant au rôle particulier de Facebook en tant que plate-forme centralisée où transite les informations de toutes les publications, c’est le choix de laisser l’algorithme assigner une valeur aux informations et in fine cibler un auditoire. Comme le résume Joshua Benton du Nieman Lab (une fondation liée à Harvard): “The idea that the value of a piece of news is defined by likes and comments — that taking in information without getting into a back-and-forth with your uncle about it is somehow unworthy — is actually a profoundly ideological statement.

Enfin, praticien régulier de l’art difficile de la prospective, l’auteur de ces lignes se risque à prédire que Facebook va être plus fort en constellation éparse d’îlots définis: Instagram, Whatsapp, Messenger plutôt que comme application sparadrap là où le web a besoin de dé-centralisation pour se ressourcer.

Toute la question reste dans l’étincelle qui fera cette constellation:

1- est-ce que Facebook devance la régulation à venir et réalise ce changement selon ses propres besoins/désirs ?

ou

2- est-ce que Zuckerberg attend le couperet du Département de la Justice américaine ?

à gauche la Cour Suprême en 1948 — à droite le démembrement de AT&T/Ma Bell

Les exemples historiques du monde des médias, telecoms et divertissement inciterait à anticiper. En effet, les autorités américaines ont démembré l’intégration verticale des studios de cinéma en 1948, éclaté le monopole privé de Ma Bell en 1984 et forcé Microsoft à séparer Explorer de Windows. Malheureusement Zuckerberg et la Silicon Valley se considèrent, bien à tort, comme a-historique et pensent qu’ils seront épargnés. Les déclarations de Marc Benioff, le CEO du géant Salesforce, montrent à quel point Facebook est mis en avant comme l’agneau sacrificiel, qui va payer pour les autres.

Malgré ses recours à des instituts de sondages pour mesurer sa popularité et son tour des 50 Etats, Zuckerberg est beaucoup moins politique qu’un Jeff Bezos qui a compris l’intérêt du lobbying à Washington bien avant lui. L’imbrication d’Amazon dans le tissu commercial et logistique américain est tel qu’un démantèlement serait complexe, celui d’un Facebook qui ne représente rien de concret en termes économiques serait presque indolore.

Les prochains mois nous diront si Zuckerberg est “poussé sous le bus” par ses congénères de la Big Tech.

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