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Changer votre organisation par l’expérimentation

Benoit Hurel
The Ready
Published in
9 min readJul 12, 2022

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Vous pourriez déclarer à vos amis que vous voulez “ vous lancer dans la course à pied “. Mais sur quelle distance ? Quand allez-vous vous y mettre ? Qu’espérez-vous accomplir ? Comment allez-vous évaluer si cela vous réussit ? Pour mettre en place une expérimentation efficace, il est capital de définir une structure. Lorsqu’il s’agit de changer les méthodes de travail, les habitudes et les mentalités de toute une organisation, nous devons adopter une approche similaire.

Dans cet article, nous partageons ce que nous avons appris sur le fait d’expérimenter, après avoir aidé près d’une centaine de clients à adopter une méthode de travail plus adaptative et plus humaine. Nous mettons en évidence les pièges à éviter, nous dissipons méprises courantes et nous vous donnons nos meilleurs conseils pour mener des expérimentations réussies.

Pourquoi devriez-vous expérimenter ?

Par définition, l’expérimentation est un test, un essai ou une procédure provisoire dans le but de découvrir quelque chose d’inconnu, ou de tester un principe ou une supposition.

Lorsqu’on a affaire à un système complexe comme un marché, une organisation ou même une équipe, il est impossible de connaître à l’avance les résultats d’une expérimentation. Supposer de ce qui va fonctionner ou s’engager dans quelque chose avant de l’avoir essayé peut être stressant et causer toutes sortes de problèmes. Quelle que soit l’ampleur de la planification et de la conception que vous faites à l’avance, il y a de fortes chances que le résultat soit différent de ce que vous aviez prévu lorsque le caoutchouc (le plan) touche le bitume (le monde réel).

En revanche, si vous expérimentez, vous pouvez atténuer les risques tout en obtenant des données réelles. Au fil des expérimentations, vous pouvez amplifier ce qui fonctionne et vous défaire de ce qui ne fonctionne pas.

Pourquoi notre cerveau n’aime pas expérimenter

Vous pouvez vous sentir opposé à l’idée même de l’expérimentation, à ce qui l’accompagne, voire au mot lui-même. Vous pouvez réagir négativement à ce mot parce qu’il vous semble fragile, non professionnel, temporaire et peu sûr. Pourquoi ?

C’est essentiellement parce que c’est ainsi que fonctionne notre cerveau. Tout d’abord, nous sommes attachés au statu quo et à la poursuite de ce que nous faisons déjà. Si vous essayez quelque chose de nouveau, cela peut ne pas fonctionner, et vous avez donc l’impression de prendre un risque.

Un autre biais cognitif est que nous avons le désir d’être cohérents avec nos engagements antérieurs. Par exemple, si vous faites un don d’un dollar à une cause, vous êtes plus susceptible de faire un don à cette cause à l’avenir. Une fois que nous sommes convaincus, nous ne persévérons dans cette voie, et il est difficile de changer de cap. Notre cerveau aime la liberté et la flexibilité que procure le fait de ne pas se laisser convaincre.

La recette d’une bonne expérimentation

Il est important de bien préparer votre expérience dès le départ. Pour vous aider à concevoir votre expérimentation, vous pouvez utiliser notre Modèle de Conception d’une Expérimentation. Voici nos huit conseils préférés pour mener à bien une expérience :

Conseil 1 : Le test vient de vous

L’idée de ce qu’il faut tester doit venir de vous, de votre passion, de votre curiosité ou de votre tension. De cette façon, vous aurez l’engagement, la responsabilisation et la perspective nécessaires pour vous engager dans cette voie.

Si vous êtes un leader, vous pouvez envisager de demander à quelqu’un d’autre de mener une expérimentation autour d’une tension que vous ressentez. S’il est possible qu’il accepte de le faire, il est naïf de penser qu’il le fera avec l’enthousiasme et la passion nécessaires à sa réussite.

Conseil 2 : Définissez l’impact désiré

Une expérimentation doit avoir un impact sur le travail véritable et être concentrée sur quelque chose que vous pouvez contrôler ou influencer. Il ne s’agit pas de “créer un plan” pour faire quelque chose ; une bonne expérimentation a un résultat concret, clair et mesurable. Posez-vous la question : Comment savoir si cela a marché ? Que recherchons-nous ? Quels signaux sont importants pour nous ? Comment saurons-nous si elle a été bénéfique ou nuisible ?

Conseil n° 3 : Soyez audacieux

Dans le cadre du travail de transformation que nous menons avec nos clients, les expérimentations qui ont permis de recueillir le plus de renseignements sont celles dans lesquelles les participants ont adopté une position un peu plus audacieuse.

“ Réaliser une chose radicale à une échelle non radicale “. — Aaron Dignan dans notre podcast

Prenons un exemple. L’une des équipes avec lesquelles nous avons travaillé souffrait d’une surcharge de réunions. Son idée initiale d’expérimentation consistait à déclarer la première heure de l’après-midi comme un espace sans réunion. Mais lorsque nous les avons incités à penser de manière plus audacieuse, ils ont décidé de mener une expérience consistant à ne faire aucune réunion pendant deux semaines. Cela leur a permis d’expérimenter ce que c’est que d’avoir du temps sans réunion et de découvrir quelles sont les réunions récurrentes dont ils ont réellement besoin et qu’ils veulent restaurer.

Conseil 4 : Une chose à la fois

Lorsqu’ils expérimentent, les gens essaient souvent de changer plusieurs choses simultanément. Gardez à l’esprit qu’une expérimentation implique un seul outil à essayer, un seul type de réunion, un seul accord de collaboration, un seul compromis ou un seul nouveau processus de travail, et ainsi de suite. Par exemple, la mise en œuvre d’une “nouvelle dynamique d’équipe”, qui implique une myriade de variables, ne constitue pas une expérimentation efficace.

Nous entendons souvent les gens (les dirigeants en particulier) dire qu’ils pensent qu’une expérimentation n’est pas assez ambitieuse. “En apportant un changement à notre processus d’embauche, pourquoi ne pas également repenser notre programme de formation, nos primes et la façon dont nous établissons le budget pendant que nous y sommes ?”. Pour ce faire, ils établissent un plan complet qui répertorie et évalue tous les risques et toutes les variables, ainsi que la manière dont ils s’influencent mutuellement, avant de démarrer l’expérimentation.

Cependant, il n’est pas possible d’effectuer tous ces changements simultanément. La complexité inhérente de la situation ne nous permet pas de prévoir avec précision ce qui va se passer. En essayant de tout aborder en même temps, vous tomberez dans les mêmes pièges que si vous tentiez d’élaborer un plan parfait. Vous risquez ainsi de ne pas obtenir de résultats significatifs, plutôt que d’obtenir des résultats significatifs qui peuvent également avoir des effets de levier intéressants.

Conseil n° 5 : Choisissez le bon horizon temporel

Nous sommes de grands partisans des cycles de huit semaines, avec 16 semaines comme limite supérieure. Mais posez-vous la question : Combien de temps vous faudra-t-il pour être fixé ? Certaines expérimentation seront courtes. Vous pourriez préparer un nouveau petit-déjeuner pendant quatre jours d’affilée, et cela pourrait suffire pour en tirer quelques conclusions. En revanche, une expérimentation comme courir tous les matins pour voir comment cela affecte votre forme physique nécessitera des semaines avant que vous puissiez obtenir les informations dont vous avez besoin.

Afin d’arriver à de bonnes conclusions, vos expérimentations doivent laisser suffisamment de temps pour les répétitions et pour sortir de l’ornière du désapprentissage, de l’inconfort et de la nouveauté. Lorsque des collectifs sont impliqués, tous les participants ne parviendront pas à tirer des enseignements au même rythme. Veillez donc à laisser suffisamment de temps pour que chacun puisse tirer profit de l’expérimentation.

Conseil n° 6 : Ne tuez pas l’expérimentation trop tôt

En tant qu’êtres humains, nous avons tendance à croire que nous avons atteint la maîtrise d’un sujet ou d’une compétence avant de l’avoir réellement acquise. Par exemple, lorsque nous entendons l’équipe d’un de nos clients dire qu’elle n’aime pas les réunions d’action alors qu’elle n’en a tenu que trois, c’est généralement qu’elle ne les comprend pas encore pleinement. Une règle de base est de poursuivre l’expérimentation un peu plus longtemps que vous ne le jugez nécessaire.

Conseil n° 7 : Faites des rétrospectives régulièrement

Pour faire remonter à la surface les enseignements et les observations tirés de ce que vous êtes en train d’essayer, effectuez des rétrospectives à intervalles réguliers. Une fois par mois environ est une bonne règle. Même si vous êtes convaincu d’être au courant de tout ce qui se passe et que vous pensez qu’une rétrospective ne fera pas apparaître de surprises ou de données sensibles, faites-la quand même. Elle fait souvent apparaître des choses auxquelles vous n’aviez pas pensé.

Intégrez les leçons que vous avez dégagées dans l’itération suivante de l’expérimentation. Faites le point et répétez l’opération en vous basant sur votre intention ou vos résultats stratégiques.

Conseil n° 8 : Attendez-vous à être frustré

L’inconfort, la frustration et les réflexions du type “Pourquoi cela n’a-t-il pas fonctionné comme je le voulais ?” font tous partie de l’expérimentation. Cela ne signifie pas que vous ne faites pas de progrès. Parfois, on peut avoir l’impression de faire deux pas en avant et un pas en arrière. Toutes les équipes rencontrent ce genre de situation, où le sentiment gratifiant de la création d’une hypothèse fait place à des déconvenues insoupçonnées. Garder un élan suffisant pour franchir la prochaine étape est un défi, mais c’est ce que font les meilleures équipes. N’oubliez pas qu’une expérimentation réussie signifie : “Nous avons appris quelque chose d’utile”, et non “Cela a produit ce que nous espérions”.

Comment changer l’ensemble de l’organisation

Jusqu’à présent, nous n’avons parlé que de la réalisation d’une seule expérimentation. Comment s’y prendre pour transformer l’ensemble de l’organisation par le biais de cette démarche ?

Lorsque nous avons été témoins de changements réussis à grande échelle, cela a souvent commencé par une petite partie de l’organisation qui a décidé de changer. Par exemple, lorsque nous avons travaillé pour une entreprise de restauration, une partie de l’organisation a complètement changé sa façon de prendre les commandes et d’établir sa stratégie. Ou lorsque nous avons travaillé pour une grande société de conseil, c’est le département marketing qui a décidé de se réinventer.

Les expériences menées par de petites parties de l’ensemble impliquent souvent un leader ou un détenteur de pouvoir qui décide : “Cette façon de travailler ne fonctionne pas, elle est nulle et je vais la changer, quoi qu’il arrive”. Ces personnes ont la volonté et l’état d’esprit qui leur permettent de “ faire table rase “ ou de pousser plus loin les choses. Leur service devient alors le modèle pour le reste de l’organisation, montrant ce qui est possible au sein de l’écosystème.

Visuel réalisé par Alastair Steward

Une approche complémentaire consiste à introduire seulement une nouvelle pratique de travail, mais en la faisant appliquer par tout le monde. Par exemple, nous apprenons à toutes les équipes de l’entreprise à organiser des rétrospectives. Dans ce podcast, ma collègue Rodney Evans appelle cela la forme en T. “La barre en haut représente toutes les choses que nous allons faire de manière cohérente dans une grande partie de l’entreprise, peut-être dans toute l’organisation. Et la partie verticale du bas du T représente le petit groupe qui va essayer tout un ensemble de pratiques. Pas tout en même temps, mais plus rapidement et plus fréquemment”.

Pour décider par où commencer, cherchez un groupe entreprenant qui fait déjà les choses différemment et qui est heureux d’expérimenter — ceux qui fonctionnent déjà bien et qui veulent être encore plus ambitieux. Ce sera plus inspirant que de commencer avec un groupe qui est englué dans un dysfonctionnement et qui, par conséquent, ne ferait probablement que des progrès incrémentaux.

Même les organisations les plus audacieuses ont dû expérimenter

Parfois, les gens envient les organisations les plus récentes parce qu’ils pensent qu’elles ont un avantage inhérent à partir de zéro et à faire les choses correctement dès le départ. Mais cela n’est pas pour autant le cas dans ces entreprises.

Prenons l’exemple de Morningstar, célèbre pour n’avoir ni patron ni hiérarchie. Lorsqu’ils ont créé l’entreprise, ils ont décidé que leurs principes devaient comporter deux choses : Les gens ne doivent pas utiliser la force les uns contre les autres et les gens doivent tenir les engagements qu’ils prennent envers les autres. Ils ont ensuite passé les dix années suivantes à déterminer ce que cela signifiait et comment le mettre en pratique. Ils n’ont pas — et ne pouvaient pas — déterminer toutes les pratiques dans chaque partie de leur Système d’Exploitation avant de commencer. Au lieu de cela, ils l’ont découvert par le biais d’une expérimentation continue.

Donc, si vous vous trouvez dans une bureaucratie figée, ne vous découragez pas au point de vous empêcher de commencer. Rappelez-vous que même les meilleures entreprises, les plus agiles, ont dû passer par là.

Je travaille chez The Ready : un partenaire de design et de transformation des organisations qui vous aide à découvrir une meilleure façon de travailler. Cet article est co-écrit par Clare Wieck et s’inspire du contenu de l’épisode Change through experimentation de notre podcast Brave New Work, animé par Aaron Dignan et Rodney Evans.

Auteur: Jurriaan Kamer

Article original en anglais Changing Your Organization Through Experimentation (06.04.2021)

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Benoit Hurel
The Ready

Partner @ The Ready — Designer de Transformations d’Organisations