Marion Dubuc
The Spin Notes
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8 min readMar 26, 2018

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Facebook est-il en train de redevenir un réseau social et de moins en moins un diffuseur de contenus ? Les marques doivent-elles trouver un nouveau canal pour toucher leurs publics ? Est-il possible de renouer avec le temps béni du reach ?

En janvier 2018, Mark Zuckerberg a annoncé des ajustements à venir dans l’algorithme de sa plateforme, pour “revenir à l’esprit originel de Facebook”. En clair : la visibilité des contenus de nos (vrais) amis sera largement privilégiée, au détriment des pages de marques et de médias.

Promises à une portée de plus en plus faible, les pages alimentées par les entreprises seraient condamnées à sponsoriser toujours plus leurs contenus pour espérer continuer à vivre sur la plateforme.

Vraiment ? Et si on en essayait plutôt d’en tirer profit ?

Observations, conseils : on vous partage l’essentiel de ce qui a été dit lors de ce petit-déjeuner Spintank du 15 mars 2018.

© Eddie Guy | Wired

Changement de braquet pour Facebook

Aux yeux des marques, Facebook s’est rapidement imposé comme le nouveau carrefour d’audience, un territoire « où il fallait être », rendu indispensable grâce à des coûts par vue très faibles et une audience digne du TF1 d’avant (24,7 millions d’utilisateurs quotidiens en France selon Médiamétrie).

Mais aujourd’hui, Facebook est en crise. Crise des fake news pendant l’élection américaine, critiques régulières d’anciens qui défendent aujourd’hui un « temps bien dépensé » (mieux que sur Facebook, on s’entend), et tout récemment le scandale « Cambridge Analytica » sur l’utilisation des données personnelles d’électeurs américains.

Les usages aussi évoluent : utilisateurs moins jeunes, moins engagés, Facebook est le réseau social où on a désormais moins envie d’aller parce qu’on sait que la dernière notification reçue n’est qu’un énième rappel d’un événement « près de chez vous, qui devrait vous intéresser ». Conséquence, le temps passé sur la plateforme baisse.

Dans sa liste de bonnes résolutions 2018, Mark Zuckerberg inscrit donc logiquement tout en haut « réparer Facebook », avec un objectif en tête : remettre du lien social dans son réseau. Pour asseoir cette logique, la firme s’est fondée sur des études de psycho-sociologues — qu’elle a financées — dont le constat est clair : les interactions avec des personnes qui nous sont proches (des « liens forts ») sont des vecteurs de bien-être et de réconfort. A l’inverse, regarder des vidéos de moindre qualité à la chaîne ou scroller des profils d’inconnus est plus susceptible de nous faire ressentir du stress et de l’anxiété. C’est fort de ces résultats que Facebook s’est mis en tête d’améliorer la qualité du news feed, pour faire de ces quelques minutes passées par session un moment positif et recréer l’envie de revenir plus tard.

Exit les posts « clickbait », moins de vidéos consommées trop passivement, plus de contenus de nos proches, voilà qui devait contribuer à refaire de Facebook un vrai réseau social. Avec moins de marques, donc.

Sauf que voilà, si c’est la première fois que ces annonces sont aussi bien packagées, elles n’annoncent pourtant rien, ou pas grand-chose, de neuf pour les pages de marques.

En effet, nous étions déjà les observateurs de phénomènes qui vont aller en s’accélérant avec le déploiement de cet algorithme version 2018 :

  • Le reach des pages était déjà en baisse, confirmé par le recalcul des statistiques annoncé par Facebook, et à partir de février 2018 c’est encore pire : les impressions recueillies par les pages sont en chute, jusqu’à -60%.
  • Facebook avait déjà commencé à chuter dans les sources de trafic au profit de Google qui récupère sa première place, et ce mouvement devrait aller en s’accentuant.
  • Loin de signer la fin des médias 100% vidéos, l’algorithme Facebook continuera à privilégier ces pages, et ce pour deux raisons principales : leur capacité à être engageant, à créer de la réaction et de la conversation d’une part, et leur stratégie de contenus natifs d’autre part.

Prenons l’exemple de cette vidéo Brut : trois heures après la publication de la vidéo, elle atteint déjà 1,8 million de vues et 231 partages. A l’inverse, on relève ce tweet qui s’étonne des « faibles » statistiques d’un post du YouTuber Cyprien, toujours trois heures après sa publication : 1700 réactions, 76 partages… Des résultats qui semblent bien légers, rapportés à une base de 4,6 millions de fans. Le phénomène est relevé par Cyprien lui-même, qui déclare laconiquement : « Oui, ma page sert à rien, Facebook a fait chuter la portée de mes messages car je n’y poste que des liens YouTube.»

© Andrei Lacatusu — Social Decay

Alors, faut-il fortement réduire la voilure sur Facebook quand on est une marque ?

À notre humble avis, non. Facebook reste un levier de visibilité sans équivalent, qui permet de toucher des publics hors d’atteinte si on se cantonnait au search, de développer la notoriété de sa marque pour des coûts encore modérés par rapport à d’autres espaces publicitaires, et surtout de proposer une expérience de marque et de créer une relation précieuse avec ses publics, si elle est nourrie.

Avant de vous partager des solutions concrètes pour émerger en ligne, ce petit-déjeuner a été l’occasion de partager nos convictions sur Facebook.

1/ Se penser comme un média

Facebook reste un espace d’expression pertinent pour une marque, quand elle se montre capable d’aller à la rencontre de ses publics et de les nourrir.

Concrètement, cela demande de se penser comme un média, capable d’intéresser, de surprendre, de transmettre des connaissances à ses publics. Il faut pour cela repartir des besoins, des obsessions de ses audiences.

Pour nous, notre initiative cH2ange pour Air Liquide est le reflet de cette ambition. Ces espaces de communication, déployés sur Facebook et maintenant Twitter, sont l’occasion de créer une conversation autour de l’hydrogène, avec des points de preuve expliqués en vidéo, mais aussi des réponses aux critiques. A la différence d’un discours uniquement publicitaire et commercial, le projet a pour objectif de créer le débat, pour faire avancer la question de l’utilisation de l’hydrogène dans notre mix énergétique.

Ces ajustements apportés à l’algorithme Facebook sont un défi lancé aux marques et à leur potentiel créatif : êtes-vous capable de (re)définir votre contrat éditorial ? Qu’apporte votre page, en quoi elle va enrichir vos publics ? Ces questions sont difficiles bien sûr, mais doivent régulièrement nous revenir en tête pour nous assurer que nous sommes dans la bonne direction.

2/ Remettons de l’échange sur Facebook

Facebook n’est pas un canal à communiqués de presse : il faut faire vivre la relation avec les publics, et pour cela, il faut répondre, discuter — bref, communiquer.

Quand on dit « communiquer », c’est discuter pour de vrai, comme on le ferait IRL, et ainsi s’affranchir des ressorts rhétoriques trop souvent vus comme « et vous, qu’en pensez-vous ? » à la fin des posts. On préfère déjà discuter avec des vrais humains plutôt qu’avec des marques, alors faisons au mieux pour éviter de sonner de manière trop mécanique.

La discussion, l’échange, la communauté : voilà des notions chères à Facebook, ré-enchantées par le voyage de Mark Zuckerberg à travers les Etats-Unis en 2017. L’évolution des usages sur Facebook témoigne de cette importance croissante de la communauté : on ne se demande plus des nouvelles via wall interposé, on s’écrit un message sur Messenger ou Whatsapp. Facebook, en tant que propriétaire de ces deux applications de messagerie, a été aux premières loges de leur montée en puissance sur la dernière décennie.

Le cortège des annonces du début d’année ont remis au premier plan un outil qui incarne, au sens propre, cette idée de communauté : le groupe Facebook. Le mot s’est vite retrouvé sur les lèvres des médias, agences et annonceurs qui semblaient tenir là la réponse à leurs tourments. Si le groupe privé n’a rien de nouveau sur Facebook (un milliard d’utilisateurs chaque mois !), il n’est pas naturellement conçu pour les marques. Là encore, il faudra faire ce pas de côté pour proposer des informations, des services, des sujets de conversation intéressants, et ainsi offrir la garantie d’échanges riches et personnels. Toutes les marques n’auront certes pas de quoi ouvrir leur groupe, mais c’est un terrain prometteur à investir pour créer une relation riche avec ses publics.

En résumé, mettre en place une vraie politique de modération des commentaires, recueillir les avis des internautes, en commentaire ou via des sondages, créer une communauté dans un groupe privé : la démarche est essentielle pour (ré)investir la dimension sociale de la plateforme.

3/ Osons poster moins, mais essayons de faire mieux — et plus visible

C’est souvent un défi, car on a l’impression que si l’on est moins présent, on cède du terrain à la concurrence, et que la page en pâtira. Et pourtant, il est possible — et même nécessaire — de publier moins, mais mieux. Quand on dit « mieux », on parle ici de la qualité des sujets traités, de l’angle choisi, du traitement créatif des contenus. Tout ceci prend du temps, un temps nécessaire pour être efficace sur Facebook tout au long de l’année.

Mais il serait dommage de donner vie au meilleur des contenus sans lui donner le coup de pouce nécessaire pour émerger. Car avec cette nouvelle donne, la sponsorisation des contenus devient un levier essentiel.

En s’aidant d’un budget média, même minimal, on s’offre la possibilité de cibler une communauté en priorité. Facebook n’est plus un média gratuit, mais il est rentable, il faut donc assumer de s’armer d’un budget média.

4/ L’engagement prévaut sur la taille de la communauté

Enfin, il est grand temps de relativiser la taille de la communauté au profit de l’engagement : c’est ce taux qui va être révélateur des performances de la page, à la différence de la taille de la communauté qui est souvent très scrutée, mais en réalité moins essentielle.

Cette conviction amènera naturellement à voir le sujet des KPI, ces indicateurs de performance mesurés sur les réseaux sociaux, sous un nouveau jour. Si le nouvel algorithme signe la fin du reach, c’est le moment de valoriser des indicateurs qualitatifs : le taux d’engagement, le nombre d’internautes qui ont regardé la vidéo en entier, la nature des commentaires.

Alors non, le viral ne se manufacture pas ; le buzz programmé n’existe pas. Toutefois il existe des pratiques concrètes qui vous permettront de toucher les bonnes personnes, et d’entrer en interaction avec elles via des points de contact qui seront positifs pour votre marque.

Groupes privés, stratégies d’employee advocacy, formats engageants, Facebook Live : les pistes sont nombreuses pour renforcer sa présence sur Facebook, et en voici déjà notre synthèse en vidéo :

En conclusion, Facebook est un espace toujours incontournable, si on arrive à bien définir ses micro-publics, son contrat éditorial et à mettre en place des ressources, en production de contenus comme en investissement publicitaire, pour parvenir à ses fins.

Ce big bang supposé de 2018 nous rappelle également qu’après tout, nous sommes toujours tributaires des choix de politique des plateformes. Hier la vidéo était le format star, aujourd’hui il est remis en cause. Maintenant, c’est la vidéo live qui a le vent en poupe. Et demain ? L’algorithme évolue sans cesse, nous invitant à une approche « test and learn » pour encore inventer des solutions.

Autre enseignement : s’appuyer sur ses supports propriétaires. L’investissement dans le contenu reste un préalable à l’ensemble des moyens de diffusion aujourd’hui disponibles. A condition d’avoir quelque chose à raconter qui rencontre l’intérêt des lecteurs.

Difficile de résumer un sujet aussi important en quelques lignes : vous avez une question, vous voulez débattre d’un point en particulier ? N’hésitez pas à nous écrire à hello@spintank.fr.

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Marion Dubuc
The Spin Notes

Co-fondatrice de Pétrone — sous-vêtements masculins, beaux et confortables.